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09/12/2021 | FRANCE | N°20PA04020

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 décembre 2021, 20PA04020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 janvier 2018 confirmée sur recours gracieux le 28 février 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom " B... " le nom " C... ".

Par un jugement n° 1908119/4-3 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020 et un mémoire en r

éplique enregistré le 26 août 2021, Mme B..., représentée par Me Rozelaar-Vigier, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 janvier 2018 confirmée sur recours gracieux le 28 février 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom " B... " le nom " C... ".

Par un jugement n° 1908119/4-3 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 26 août 2021, Mme B..., représentée par Me Rozelaar-Vigier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1908119/4-3 en date du 16 octobre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 3 janvier 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de nom et la décision du 28 février 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de présenter au premier ministre un projet de décret l'autorisant à changer de nom, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt légitime au changement de nom sollicité ;

- ce changement permettrait également de relever le nom de " C... " qui est menacé d'extinction.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré, rapporteur,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les obsevations de Me Rozelaar-Vigier, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, l'autorisation de changer son nom patronymique en celui de " C... ". Par une décision du 3 janvier 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande et, par une décision du 28 février 2019, il a rejeté son recours gracieux. Mme B... fait appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret ".

3. En premier lieu, des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

4. Mme B..., née le 28 décembre 1990, porte le nom de sa mère, son père ne l'ayant reconnue que le 28 août 2013, après sa majorité. Elle fait valoir qu'elle a néanmoins toujours été associée à la vie sociale de son père et de sa famille paternelle et produit notamment des photographies familiales pour en justifier. Elle se prévaut en outre de souffrances psychologiques liées à la circonstance qu'elle ne porte pas le même nom que son père et produit pour en justifier des attestations mentionnant qu'elle a présenté des troubles psychologiques, notamment à l'adolescence, ainsi qu'une attestation établie par un médecin généraliste, qui mentionne seulement, concernant son état de santé actuelle, que Mme B... " reste très complexée par son nom, voir même honteuse ". Enfin, elle fait valoir que sa mère, qu'elle voit rarement, ne s'oppose pas à sa demande. Ces éléments, alors notamment que Mme B... ne justifie d'aucun troubles psychologiques sérieux résultant du port du nom de sa mère, ne suffisent pas à caractériser des circonstances exceptionnelles, seules susceptibles de caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant le changement de nom sollicité porterait au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

7. En troisième lieu, Mme B... soutient que sa demande a pour objet d'éviter l'extinction du nom " C... ", porté par son père. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce motif n'avait été présenté ni à l'appui de la demande de changement de nom, ni au soutien du recours gracieux. Il ne peut, dès lors, être utilement présenté au juge à l'appui de la demande d'annulation de la décision rejetant cette demande.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que les frais liés à l'instance soient mis, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2021.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA04020 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04020
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. - État des personnes. - Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : ROZELAAR VIGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;20pa04020 ?
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