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09/12/2021 | FRANCE | N°21PA01320

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 décembre 2021, 21PA01320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904506 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, M. C..., r

eprésenté par Me Paulhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904506 du 29 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1904506 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, M. C..., représenté par Me Paulhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904506 du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 du préfet du Val-de-Marne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jours de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. C... soutient que :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- cette décision est entachée d'incompétence de son signataire ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant congolais né en 1956, est entré sur le territoire français en 2002. Il a sollicité en mai 2017 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission du titre de séjour a émis un avis favorable à son admission au séjour le 3 juillet 2018. Par un arrêté du 13 février 2019, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. C... fait appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

En ce qui concerne sa légalité externe :

2. L'arrêté contesté a été signé par M. D... B..., directeur des migrations et de l'intégration, qui disposait d'une délégation de signature du préfet du Val-de-Marne, consentie par un arrêté n° 2017/794 en date du 13 mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne le même jour, à l'effet de signer notamment les arrêtés portant refus d'admission au séjour et les décisions d'obligation de quitter le territoire français. Cette délégation comportant la mention " signé " au-dessus des prénom et nom du préfet du Val-de-Marne, il est ainsi justifié de sa signature. Par suite, le moyen tiré de ce que l'auteur de l'arrêté contesté n'aurait pas été compétent, manque en fait.

En ce qui concerne sa légalité interne :

3. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Selon l'article L. 313-10 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. (...) / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. (...) / L'étranger se voit délivrer l'une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives. (...) ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. Il ressort de l'arrêté contesté du préfet du Val-de-Marne, que M. C... a présenté à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour une promesse d'embauche d'une entreprise pour la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée de six mois en qualité de monteur de faux plafonds et que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a donné un avis défavorable à une autorisation de travail, le 5 novembre 2018, l'entreprise en question l'ayant informée qu'elle n'avait pas retenu la candidature de l'intéressé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que si M. C... justifie avoir travaillé au cours des années 2009 à 2015, principalement en qualité de peintre, c'est essentiellement de manière temporaire et discontinue dans le cadre de missions d'intérim et qu'il n'a plus travaillé entre l'année 2015 et la date de la décision préfectorale contestée. Si M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis 2002, il ressort des pièces du dossier que la durée de son séjour en France n'a été rendue possible qu'en raison de son maintien irrégulier sur le territoire français après le rejet de sa demande d'asile en 2003, et après la période où il a obtenu des titres de séjour pour soins en qualité d'étranger malade, soit de novembre 2008 à février 2012, ceux-ci n'ayant par la suite pas été renouvelés, en dépit de mesures d'éloignement prises à son encontre en juillet 2013 et septembre 2015. Compte tenu des conditions de séjour de M. C... et de la nature de ses contrats de travail, et nonobstant l'avis favorable à son admission au séjour de la commission du titre de séjour émis le 3 juillet 2018, ces éléments ne sauraient suffire à constituer, au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au vu desquels le préfet ne pouvait, sans commette d'erreur manifeste d'appréciation, s'abstenir de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ".

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans dans son pays d'origine, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, alors que ses enfants sont restés en République démocratique du Congo. Il ne justifie pas de l'intensité de ses liens sociaux en France. Dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M. C... et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En second lieu, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

11. En second lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté qu'il précise la nationalité de M. C..., et qu'après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il mentionne que, eu égard à l'ensemble de sa situation privée et familiale, la décision ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait fait état d'éléments quant à ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine justifiant une motivation spécifique de l'arrêté litigieux sur le pays de renvoi. La décision contient ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... E... C....

Copie en sera délivrée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience publique du 18 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

La rapporteure,

M. RENAUDIN Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01320
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;21pa01320 ?
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