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13/12/2021 | FRANCE | N°21PA05140

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 13 décembre 2021, 21PA05140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Sud Hôtellerie Restauration a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 4 et 11 mars 2021 par lesquelles le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 18 février 2021 contenant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée H Etoile.

Par un jugement n° 2109511 du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de

Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et tro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Sud Hôtellerie Restauration a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 4 et 11 mars 2021 par lesquelles le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 18 février 2021 contenant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée H Etoile.

Par un jugement n° 2109511 du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés les 18 septembre, 15 novembre, 15 novembre et 2 décembre 2021 sous le n° 21PA05140, le syndicat Sud Hôtellerie Restauration, représenté par Me Betare, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler les décisions des 4 et 11 mars 2021 par lesquelles le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 18 février 2021 contenant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée H Etoile ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est recevable ;

S'agissant de la légalité externe de la décision de validation de l'accord collectif :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'établit pas avoir contrôlé la représentativité des organisations syndicales signataires de l'accord collectif ;

S'agissant de la légalité interne des décisions :

- l'employeur a manqué à son obligation de loyauté dans la négociation de l'accord collectif ;

- la procédure d'information consultation est irrégulière : les informations ont été fournies au comité social et économique de manière échelonnée et successive ne lui assurant pas une information suffisante ; en ce qui concerne l'analyse de l'impact sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, l'information a été donnée tardivement et l'expert n'a pas disposé du délai nécessaire pour réaliser sa mission ; le comité social et économique n'a pas disposé des informations indispensables pour apprécier la viabilité économique du projet de la direction.

- l'administration doit exercer un contrôle de proportionnalité des mesures prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens dont dispose le groupe auquel appartient la société ; les efforts de reclassement ne sont pas sérieux au regard des moyens du groupe ; les mesures de reclassement interne sont insuffisantes ; les budgets consacrés à la formation adaptation et reconversion des salariés sont insuffisants.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête d'appel a été déposée tardivement ;

- subsidiairement, aucun des moyens n'est fondé.

Par deux mémoires enregistrés les 5 octobre et 1er décembre 2021, la société H Etoile, représentée par Mes Rozec et de Rincquesen, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat Sud Hôtellerie Restauration la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par une ordonnance du 16 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 décembre 2021 à 12 heures.

Un mémoire a été produit le 3 décembre 2021 pour la société H Etoile, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code du commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Le Goff,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Arneton, avocat du syndicat Sud Hôtellerie Restauration, et de Me de Rincquesen, avocat de la société H Etoile.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée à associé unique H Etoile appartient en totalité à la société H Gouvion, laquelle est détenue à 100 % par la société à responsabilité limitée Henderson Park Real Estate Fund Lux. Cette dernière a acquis en 2016 l'hôtel Le Méridien Etoile dont l'activité a été diminuée notamment en raison de la crise du secteur hôtelier liée à la pandémie de Covid-19. La société H Etoile a décidé de procéder à une réorganisation de l'hôtel et a engagé des négociations avec les quatre organisations syndicales représentatives présentes dans l'hôtel en vue de conclure un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi. Un accord collectif majoritaire signé par trois organisations syndicales a été conclu le 18 février 2021 prévoyant 248 suppressions d'emploi. Le comité social et économique a émis le 19 février 2021 un avis défavorable d'une part sur le projet relatif au plan de sauvegarde de l'emploi lié à la réorganisation de l'activité et à ses modalités d'application et d'autre part sur l'impact en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Par une décision du 4 mars 2021, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a validé cet accord collectif majoritaire et il a pris le 11 mars 2021 une décision rectificative. La demande d'annulation formée par le syndicat Sud Hôtellerie Restauration a été rejetée par le tribunal administratif de Paris par jugement du 16 juillet 2021 dont il relève appel.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 du code de justice administrative " et aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Paris a notifié le jugement du 16 juillet 2021 au syndicat Sud Hôtellerie Restauration par lettre recommandée avec accusé de réception et que l'avis de réception du pli contenant le jugement indique qu'il a été présenté à son adresse le 21 juillet 2021 mais n'indique pas de date de distribution, ni la date de réexpédition. Dès lors que le retrait de ce pli a été effectué dans le délai de quinze jours suivant sa présentation, le délai d'appel n'a commencé à courir qu'à compter de la date effective du retrait. Par suite, la requête d'appel enregistrée le 18 septembre 2021 au greffe de la Cour via l'application Télérecours, soit avant l'expiration du délai de deux mois imparti pour faire appel par l'article R. 812-2 précité du code de justice administrative, n'est pas tardive. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion tirée de l'irrecevabilité de la requête doit être écartée.

Sur la légalité de la décision de validation :

4. L'article L. 1233-57-2 du code du travail fixe les conditions du contrôle exercé par l'administration, en cas de signature d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; / 4° La mise en œuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L.1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ".

5. L'article L. 1233-61 du code du travail prévoit que " dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre (...) ". L'article L. 1233-62 du même code dispose que : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : 1° Des actions

en vue du reclassement sur le territoire national des salariés sur des emplois relevant de la

même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord

exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; 1° bis Des actions

favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de

plusieurs établissements ; (...) 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise,

notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; 4° Des actions de soutien à la

création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; 5° Des

actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à

faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents (...) ". Selon l'article L. 1233-63 de ce code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi détermine les modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L. 1233-61. Ce suivi fait l'objet d'une consultation régulière et détaillée du comité social et économique (...) ".

6. L'article L. 1233-24-1 du code du travail dispose : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde

de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, ou par le conseil d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 2321-9. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité ". Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du même code : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues ".

En ce qui concerne la motivation de la décision validant l'accord collectif et le contrôle de la représentativité des organisations syndicales signataires de l'accord :

7. Le syndicat Sud Hôtellerie Restauration reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et de ce que l'administration n'établit pas avoir contrôlé la représentativité des organisations syndicales signataires de l'accord collectif. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

En ce qui concerne le respect de l'obligation de loyauté de l'employeur :

8. Il résulte des dispositions du code du travail citées aux points 4 à 6, notamment du 1° de l'article L. 1233-57-2, que des vices affectant, le cas échéant, les conditions de négociation d'un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 1233-24-1 ne sont susceptibles d'entraîner l'illégalité de l'acte validant cet accord que s'ils sont de nature à entacher ce dernier de nullité.

S'agissant de la procédure de négociation :

9. Il ressort des pièces du dossier que dix réunions de négociations ont eu lieu, respectivement le 24 novembre 2020, les 2, 8, 15, 22, 29 décembre 2020 et les 5, 12, 21 et

28 janvier 2021. Les procès-verbaux de réunions rendent compte de nombreux échanges et de la possibilité donnée aux élus du personnel d'exprimer leur point de vue. Au cours de la réunion dite R0 du comité économique et social (CSE) qui a eu lieu le 16 novembre 2020, les livres I et II ont été remis aux membres du CSE. Le CSE a désigné le 19 novembre un expert en vue d'apporter aux organisations syndicales toute analyse utile pour préparer les négociations de l'accord collectif prévu par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail. Enfin, toutes les organisations syndicales ont été invitées aux réunions de négociations et au-delà des observations formulées de façon informelle par la Direccte les négociations se sont poursuivies et ont conduit à l'accord collectif signé le 18 février 2021. Comme le fait valoir la société H Etoile, ces réunions l'ont notamment conduite à faire évoluer le plan de sauvegarde de l'emploi en ne retenant pas la suppression du service de sécurité incendie et de la salle de quarts, en modifiant le périmètre des suppressions de postes et des offres de reclassement interne favorisant les départs volontaires et en ouvrant trente-neuf postes au reclassement interne au lieu de dix postes initialement, en ouvrant plus largement les départs volontaires en permettant aux salariés n'appartenant pas à une catégorie professionnelle directement concernée par les suppressions de postes de quitter l'entreprise en libérant un poste de reclassement pour un salarié dont le poste est supprimé dans le cadre d'une mobilité interne, en bénéficiant au besoin d'une formation d'adaptation et en augmentant les budgets en matière de mesures d'accompagnement. Les réunions de négociation des 16 et 17 février 2021, qui se sont tenues en présence de l'expert-comptable, du conseil des organisations syndicales et du conseil de la société, ont permis d'aboutir à l'accord du 18 février 2021 signé avec les trois organisations syndicales représentant la majorité des suffrages valablement exprimés en faveur d'organisations syndicales représentatives et prévoyant en particulier des indemnités de rupture supra-légales aux points 9.2 et 9.3 de l'accord.

10. Le syndicat requérant soutient que la société H Etoile a transmis tardivement le fichier du personnel, les informations relatives à l'organigramme, les informations financières concernant le fonds d'investissement propriétaire de l'hôtel tandis qu'elle a transmis certains documents qui étaient lacunaires et imprécis et, en dépit de la demande d'injonction de la Direccte, a retenu des documents et informations comptables dans le but notamment de dissimuler la véritable situation économique de la société et ses liens avec la société Henderson Park Avenue.

11. La société H Etoile justifie avoir transmis au cabinet d'expertise Emeraude Conseil la plus grande partie des éléments relatifs à la société les 8 et 9 décembre et transmis le

30 décembre 2020 un fichier à jour au 30 novembre. La société a constitué, sans y être tenue, le fichier consolidé du personnel, lequel n'existait pas, et a pu répondre le 25 janvier 2021 à la demande de l'expert-comptable du 29 décembre 2020 en lui transmettant le fichier consolidé après avoir effectué les rapprochements correspondants à sa demande en utilisant des données dont l'expert-comptable disposait déjà dans d'autres fichiers. La note d'information soumise au CSE du 16 novembre 2020 mentionnait les sociétés du périmètre du groupe et l'organigramme de l'actionnariat de la société H Etoile au-delà du périmètre du groupe, que l'expert-comptable avait demandé le 28 janvier 2021, lui a été transmis le 2 février 2021.

12. Les documents économiques, sociaux et financiers transmis par la société H Etoile ont été nombreux et aucun d'eux n'est spécifiquement cité comme insuffisant par le syndicat requérant qui se borne à reprendre sans la détailler davantage la critique avancée en première instance selon laquelle des documents transmis étaient lacunaires ou imprécis.

13. Quant à la volonté de la société H Etoile, alléguée par le syndicat requérant, de dissimuler la véritable situation économique de la société et ses liens avec la société Henderson Park Avenue, le rapport du cabinet d'expertise-comptable du 8 février 2021 présente, pages 58 à 67, une analyse détaillée de l'actionnariat de la société H Etoile et les liens de celle-ci avec les sociétés affiliées à la société Henderson Park Capital Partners UK LLP.

14. Il ressort ainsi des pièces du dossier que la société H Etoile n'a pas manqué à son obligation de loyauté dans la procédure de négociation de l'accord collectif.

S'agissant de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

15. Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique sont précisées par l'article L. 1233-30 du code du travail : " I. Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1°) L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2°) Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours (...) ".

16. Il résulte de ces dispositions et des dispositions des articles L. 1233-57-2 et

L. 1233-24-1 du code du travail citées aux points 4 et 6, notamment celles du 2° de l'article L. 1233-57-2, que, lorsqu'elle est saisie par l'employeur d'une demande de validation d'un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 1233-24-1 et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise prescrite par ces dispositions a été régulière. Elle ne peut ainsi légalement accorder la validation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et, à ce titre, sur le plan de sauvegarde de l'emploi.

17. Selon le syndicat requérant, la transmission échelonnée des informations au comité social et économique a entaché la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité et en ce qui concerne l'analyse de l'impact sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, l'information a été donnée tardivement et ainsi l'expert n'a pas disposé du délai nécessaire pour réaliser sa mission. Il ajoute que le comité social et économique n'a pas disposé des informations indispensables pour apprécier la viabilité économique du projet de la direction et qu'il n'a pas eu d'information précise sur les modalités d'externalisation des services hébergement et sécurité de l'hôtel.

18. Au cours de la première réunion d'information et de consultation qui s'est tenue le 19 novembre 2020, il ressort des pièces du dossier que les élus du personnel se sont vu remettre le livre I et le livre II, qui contenait le volet santé sécurité du projet, que le cabinet Emeraude Conseil a été désigné et que sa lettre de mission du 23 novembre 2020 mentionnait les contours de sa mission et les demandes de documents nécessaires. Le cabinet Emeraude Conseil a décidé de s'adjoindre un cabinet en matière de santé, sécurité et conditions de travail et, consultée lors de la réunion du 22 janvier, la société H Etoile n'a pas formé d'opposition et a seulement demandé à connaître le coût de la mission, le cabinet Physiofirm étant missionné le 26 janvier 2021. La société a ensuite répondu sans délai aux demandes formulées par le cabinet choisi. Par ailleurs, si les informations complémentaires ont été données à l'occasion de la réunion au cours de laquelle a été discutée la sollicitation d'un cabinet spécialisé, c'est que l'expert-comptable avait sollicité tardivement la société H Etoile. C'est pourquoi si le cabinet Emeraude Conseil n'a, à la suite de cette désignation, disposé que de quelques jours calendaires pour terminer sa mission, cette circonstance ne peut être reprochée à la société H Etoile. Quant aux demandes d'injonction du 22 décembre 2020 formulées par trois délégués syndicaux, reçues par message électronique le 24 décembre suivant en raison des mesures sanitaires, et du 28 janvier 2021 émanant des élus du personnel et du syndicat Sud Hôtellerie Restauration, elles ont été traitées par l'administration sans qu'il y ait lieu de mettre en œuvre la procédure d'injonction en raison de la transmission des documents par l'employeur soit antérieurement pour certains, soit, pour d'autres, en créant des documents. La société H Etoile relève que, malgré des demandes complémentaires au-delà des délais prévus à l'article L. 1233-35 du code du travail, elle a répondu aux demandes présentées et qu'elle s'est mobilisée pour planifier les rendez-vous nécessaires pour le cabinet Physiofirm et pour organiser des entretiens en visioconférence afin de lui permettre de remplir sa mission.

19. Il est vrai que, comme le souligne le syndicat Sud Hôtellerie Restauration, le cabinet Physiofirm a fait observer que des rencontres directes avec les salariés de l'hôtel n'ont pas été possibles pour des raisons de délai et d'indisponibilité liée à la fermeture de l'hôtel et au chômage partiel de la plupart des employés et que certains documents demandés ont été soit indisponibles soit insuffisants, mais ces circonstances sont liées au bref délai dont le cabinet a disposé pour sa mission. Il en a été de même pour l'impossibilité de joindre l'inspection du travail. A cet égard, le cabinet déclare n'avoir demandé qu'à partir du 29 janvier 2021 les coordonnées de l'inspection du travail. La date de remise du rapport a été reportée du 4 au 8 février 2021 et le cabinet Physiofirm, qui a réalisé sa mission entre le 27 janvier et le 8 février, a remercié, en introduction de son rapport, les représentants du personnel et les salariés et les représentants de la direction.

20. Enfin, alors que, selon le syndicat requérant, le comité social et économique n'aurait pas disposé des informations indispensables pour apprécier la viabilité économique du projet de la direction, comme il a été dit aux points 11 à 13, les documents transmis ont permis à l'expert-comptable de rendre son rapport et ainsi mis à même le comité d'émettre régulièrement un avis. S'agissant des modalités d'externalisation des services hébergement et sécurité de l'hôtel, d'une part, les projets, le principe du recours à un prestataire de service, les choix économiques à l'origine de cette décision et les conséquences en termes de suppression de postes ont été exposés dans le livre II présenté lors de la réunion d'information et de consultation du 19 novembre 2020, d'autre part, à la date de la signature de l'accord collectif, les prestataires de service n'étaient pas identifiés et aucun projet de contrat n'était par conséquent préparé. Ainsi la société H Etoile ne pouvait communiquer au comité économique et social ni des informations ni des documents dont elle ne disposait pas. A l'issue de leurs missions, lors de la réunion d'information et de consultation du 8 février 2021, le cabinet Emeraude Conseil a pu présenter un rapport de 199 pages tandis que le cabinet Physiofirm a produit un rapport de 155 pages et ce dernier a mentionné en introduction qu'il avait pu bénéficier de tous les documents nécessaires à l'exercice de sa mission.

21. Dans ces conditions, aucune des critiques apportées par le syndicat Sud Hôtellerie Restauration n'est de nature à entacher d'illégalité la procédure d'information et de consultation du comité social et économique.

En ce qui concerne le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi :

22. Il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 1233-57-2 du code du travail citées au point 4 que, lorsque le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l'article L. 1233-24-1 du même code, l'administration doit seulement s'assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63. Par suite, le syndicat Sud Hôtellerie Restauration ne peut utilement soutenir, pour contester la décision de validation en litige, que le plan de reclassement prévu par l'accord collectif est insuffisant en ce qui concerne les efforts de reclassement et que les budgets consacrés à la formation adaptation et reconversion des salariés sont insuffisants.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat Sud Hôtellerie Restauration n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par l'appelant et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat Sud Hôtellerie Restauration le versement de la somme demandée par la société H Etoile au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête du syndicat Sud Hôtellerie Restauration est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société H Etoile au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Sud Hôtellerie Restauration, à la société H Etoile et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités.

Copie en sera adressée à la confédération française démocratique du travail, à la confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres et à la confédération générale du travail force ouvrière.

Délibéré après l'audience publique du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2021.

Le président assesseur,

F. HO SI FAT

Le président - rapporteur,

R. LE GOFFLa greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05140
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Robert LE GOFF
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DE PARDIEU BROCAS MAFFEI A.A.R.P.I.

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-13;21pa05140 ?
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