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15/12/2021 | FRANCE | N°20PA00678

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 15 décembre 2021, 20PA00678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Mann-Hummel France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 mars 2017 du ministre de l'économie et des finances en tant qu'il a refusé de lui délivrer l'agrément prévu à par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts pour transférer les déficits reportables au titre de la période de 2002 à 2015 générés par l'activité de commercialisation des systèmes de filtration d'air de la société

Mann-Humme

l Vokes Air, et d'enjoindre au ministre de lui délivrer l'agrément de transfert des déficits ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Mann-Hummel France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 mars 2017 du ministre de l'économie et des finances en tant qu'il a refusé de lui délivrer l'agrément prévu à par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts pour transférer les déficits reportables au titre de la période de 2002 à 2015 générés par l'activité de commercialisation des systèmes de filtration d'air de la société

Mann-Hummel Vokes Air, et d'enjoindre au ministre de lui délivrer l'agrément de transfert des déficits de cette activité de commercialisation pour un montant de 6 670 999 euros.

Par un jugement n° 1709113 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2020, la société par actions simplifiée

Mann-Hummel France, représentée par Me Brosemer, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 31 mars 2017 en tant seulement que le ministre de l'économie, des finances et de la relance a refusé de lui délivrer l'agrément prévu par le II de l'article 209 du code général des impôts pour transférer les déficits reportables à hauteur d'un montant de 6 670 999 euros de l'activité de commercialisation des systèmes de filtration d'air de la société absorbée Mann - Hummel Vokes Air ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de rejet de sa demande d'agrément méconnaît le b) du II de l'article 209 du code général des impôts, car l'administration fiscale se fonde sur une approche globale de l'activité de la société absorbée et non sur une approche sectorielle telle que définie par la décision du Conseil d'Etat du 25 octobre 2017, n° 401403;

- l'abandon en 2005 par la société Mann-Hummel Vokes Air des activités de fabrication de systèmes de filtration d'air et de dépoussiérage des sites industriels ne faisait pas obstacle au transfert des déficits reportables attachés à l'activité de commercialisation des systèmes de filtration d'air, qui n'a jamais cessé depuis 2002 et n'a pas subi de changement significatif en termes d'évolution de son chiffre d'affaires et des effectifs de personnel affecté à l'activité.

Par un mémoire en défense enregistré, le 22 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante ne pouvait bénéficier de l'agrément prévu par le b) du II de l'article 209 du code général des impôts ; en effet, l'activité de fabrication et de vente de systèmes de filtration d'air, exercée par la société Mann-Hummel Vokes Air entre 2002 et 2005, constituait une activité industrielle alors que l'activité de commerce de systèmes de filtration d'air acquis auprès d'entreprises extérieures, exercée à partir de 2005 par la société absorbée, est une activité de négoce et constitue ainsi une activité distincte au sens de la décision du Conseil d'Etat du 25 octobre 2017, n° 401403 ; l'activité de négoce des systèmes de filtration d'air a subi des changements significatifs entre 2006 et 2015 en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation et de volume d'activité.

- la requérante, société absorbante, ne satisfait pas non plus à la condition, posée au c) du II de l'article 209 du code général des impôts, relative à la poursuite, sans changement significatif, de l'activité de négoce de systèmes de filtration d'air pendant un délai minimal de trois ans après la fusion absorption prenant effet au 1er janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinot,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Mann-Hummel Vokes Air, qui exerçait son activité dans le domaine de la filtration de l'air, a été absorbée le 31 mars 2016 par la société par actions simplifiée

(SAS) Mann-Hummel France, avec effet rétroactif comptable et fiscal au 1er janvier 2016. Préalablement à cette fusion-absorption, la société absorbante Mann-Hummel France avait, le 25 novembre 2015, sollicité la délivrance de l'agrément prévu par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts, pour pouvoir bénéficier du transfert des déficits antérieurs n'ayant pas encore été déduits des résultats de la société absorbée, s'élevant à 16 361 023 euros au 31 décembre 2015. Par une décision du 31 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances a rejeté sa demande. La SAS Mann - Hummel France relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cette décision du 31 mars 2017 en tant que le ministre a refusé de lui délivrer un agrément pour transférer, à hauteur de 6 670 999 euros, les déficits cumulés constatés par la société Mann-Hummel Vokes Air sur la période de 2002 à 2015.

2. Aux termes de l'article 1649 nonies du code général des impôts : " I. - (...) les agréments auxquels est subordonné l'octroi d'avantages fiscaux prévus par la loi sont délivrés par le ministre chargé du budget. (...) ". Aux termes du II de l'article 209 du même code : " II. - En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs (...) non encore déduits par la société absorbée (...) sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs (...). / (...) L'agrément est délivré lorsque : / a) L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; / b) L'activité à l'origine des déficits (...) dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée (...), pendant la période au titre de laquelle ces déficits (...) ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité ; / c) L'activité à l'origine des déficits (...) dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes (...) pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité (...) / d. Les déficits (...) susceptibles d'être transférés ne proviennent ni de la gestion d'un patrimoine mobilier par des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières dans d'autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d'un patrimoine immobilier ".

3. Il résulte des dispositions du b. du II de l'article 209 du code général des impôts que la condition qu'elles énoncent tient à ce qu'examinée pour elle-même, l'activité transférée à la société absorbante n'ait pas fait l'objet de changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé. Dès lors, pour évaluer si l'activité transférée a subi un changement significatif avant l'absorption, des éléments relatifs à une autre activité que celle à l'origine de ces déficits ne peuvent être pris en compte.

4. Pour refuser de délivrer l'agrément permettant le transfert, à la

SAS Mann-Hummel France, des déficits de la société Mann-Hummel Vokes Air restant à reporter à la date de clôture du dernier exercice avant la fusion absorption, le ministre de l'économie et des finances s'est fondé, en particulier, sur l'appréciation selon laquelle l'activité de la société absorbée avait subi des changements significatifs, dès lors qu'étaient constatées, au cours de la période déficitaire, une diminution de 80 % de son activité globale, de 93 % des immobilisations consacrées à son activité et de 92 % de l'effectif de ses salariés. Le ministre a estimé que ces changements étaient la conséquence de l'arrêt de l'activité principale initialement exercée par la société

Mann-Hummel Vokes Air de production et de distribution de systèmes de filtration et de dépoussiérage de l'air, exercée au cours de la période de 2002 à 2005, à laquelle s'était substituée sur la période de 2006 à 2015 une activité, différente, de distribution et de découpe, et, en outre, de la réduction importante de ces deux activités sur la période de 2006 à 2015.

5. La société Mann-Hummel France critique cette appréciation portée par l'administration fiscale, et soutient qu'elle a présenté la demande d'agrément pour reporter les déficits de l'activité globale qu'exerçait la société Mann-Hummel Vokes Air, consistant en la commercialisation des systèmes de filtration d'air et en la découpe de panneaux, qui a été maintenue après la restructuration de cette société opérée en 2005, puis reprise par la requérante en 2015.

6. Cependant, en premier lieu, il résulte de l'instruction que, si la société

Mann-Hummel Vokes Air a exercé une activité de découpe de panneaux, cette activité était distincte de ses autres activités, et, de plus, était bénéficiaire, ce que la requérante ne conteste d'ailleurs pas. Par suite, l'activité de découpe de panneaux ne peut pas être regardée comme se trouvant à l'origine de tout ou partie des déficits dont le transfert a été demandé par la requérante.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction que, jusqu'en 2005, la société absorbée

Mann-Hummel Vokes Air a aussi exercé une activité regroupant la fabrication de systèmes de filtration de l'air et la commercialisation des produits issus de cette fabrication réalisée sur son site, et que la part, dans ses ventes, des produits qu'elle fabriquait ainsi elle-même, a progressivement diminué pour passer à 31 % en 2004, les produits de filtration fabriqués par les sociétés sœurs de la société Mann-Hummel Vokes Air appartenant au même groupe représentant alors 51 % de ses ventes et les produits achetés à des sociétés tierces 15 %. Il en résulte également qu'à compter de sa réorganisation intervenue en 2005, la société Mann-Hummel Vokes Air a cessé toute activité de fabrication de systèmes de filtration de l'air et s'est tournée vers une activité de négoce consistant en l'achat et la revente de produits de filtration. Dans ces conditions, d'une part, le ministre est fondé à soutenir que l'activité exercée par la société par Mann-Hummel Vokes Air dans le domaine de la filtration de l'air, et ayant généré des déficits d'exploitation, avait subi un changement significatif en 2005. D'autre part, la requérante n'apporte pas d'éléments permettant de tenir pour établi que l'activité de commercialisation de produits de filtration qui était exercée par la société

Mann-Hummel Vokes Air, à supposer qu'elle doive être regardée comme ayant constitué une activité distincte de celle de la production des systèmes de filtration que cette société revendait, aurait généré des déficits.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conditions fixées au b) du II de l'article 209 du code général des impôts, rappelées au point 3, n'étant pas satisfaites, le ministre est fondé à faire valoir que l'agrément sollicité par la société requérante ne pouvait pas lui être délivré.

9. Dès lors, la SAS Mann-Hummel France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mars 2017 du ministre de l'économie et des finances en tant que le ministre a refusé de lui délivrer un agrément pour transférer des déficits de la société Mann-Hummel Vokes Air à hauteur de 6 670 999 euros. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société par actions simplifiée Mann - Hummel France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Mann-Hummel France et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2021.

La présidente rapporteure,

H. VINOT

La présidente assesseure,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°20PA00678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00678
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : BRS RODL et PARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-15;20pa00678 ?
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