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05/01/2022 | FRANCE | N°20PA01996

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 05 janvier 2022, 20PA01996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Etoile a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2011, 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1823325/1-1 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a substitué les pénalités pour manquement déli

béré au taux de 40 % aux pénalités pour manœuvres frauduleuses au taux de 80 % au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Etoile a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2011, 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1823325/1-1 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a substitué les pénalités pour manquement délibéré au taux de 40 % aux pénalités pour manœuvres frauduleuses au taux de 80 % au titre des années 2011 à 2013, a déchargé l'EURL Etoile, au titre des années 2011 à 2013, de la différence entre le montant correspondant aux pénalités pour manœuvres frauduleuses et celui résultant de l'application des pénalités pour manquement délibéré et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, l'EURL Etoile, représentée par Me Krief, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1823325/1-1 du 10 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de réduire les impositions demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les anomalies relevées par le service et liées aux charges de personnel étant insuffisantes pour justifier le rejet de sa comptabilité, c'est à tort que l'administration l'a écartée comme étant non-probante ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée et a abouti à une évaluation exagérée dès lors que les résultats obtenus après reconstitution sont disproportionnés par rapport à la capacité réelle des deux salons de coiffure, que le mode de détermination du coût horaire moyen est erroné ainsi que l'évaluation de l'abattement pratiqué à 25 % ; le chiffre d'affaires reconstitué est incohérent si on applique la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires par les achats ;

- il y a lieu de désigner un expert pour apprécier quelle méthode permet de déterminer de façon la plus précise le chiffre d'affaires parmi les méthodes proposées ou éventuellement de fixer une nouvelle méthode ;

- les redressements résultant de la réintégration des sommes inscrites au crédit des comptes courant des associés ne sont pas fondés dès lors que ces dettes ne sont pas injustifiées et correspondent à des achats effectués par Mme B... et M. A... pour le compte de la société sur leurs deniers personnels ;

- les achats de fournitures électriques effectués auprès de la société Rexel correspondent à des dépenses engagées dans l'intérêt de l'exploitation ;

- l'amende de 100 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts pour non désignation des bénéficiaires des revenus distribués n'est pas fondée dès lors que les redressements liés à la reconstitution du chiffre d'affaires et aux dépenses Rexel ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Etoile ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Krief, avocat de l'EURL L'Etoile.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Etoile a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de cette vérification, par une proposition de rectification du 12 décembre 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été notifiés au titre de l'année 2011. Par une proposition de rectification du 26 mai 2015 des rappels d'impôts sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à la charge de l'EURL Etoile au titre des années 2012 et 2013. Par un jugement du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a substitué les pénalités pour manquement délibéré au taux de 40 % aux pénalités pour manœuvres frauduleuses au taux de 80% au titre des années 2011 à 2013, a déchargé l'EURL Etoile, au titre des années 2011 à 2013, de la différence entre le montant correspondant aux pénalités pour manœuvres frauduleuses et celui résultant de l'application des pénalités pour manquement délibéré et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Elle relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ".

3. Dans le cadre des opérations de contrôle, le vérificateur a rejeté la comptabilité présentée au motif que concernant les recettes, l'EURL Etoile a globalisé mensuellement ses recettes sans distinguer entre chèques et espèces, qu'elle n'a pas individualisé les recettes supérieures à 76 euros sur un tableau récapitulatif des recettes, qu'aucune indication n'était présentée permettant de déterminer l'origine des recettes et notamment le nom des clients et le mode de règlement, qu'il a été constaté par sondage un nombre important de recettes non comptabilisées et de justificatifs manquants, que le montant des règlements en espèces est très faible alors que les règlements par carte bancaire n'étaient pas acceptés et que peu de prestations de plus de 100 euros ont été enregistrées. En outre des anomalies ont été constatées concernant les charges de personnel et notamment les registres du personnel. Enfin, il a été relevé que le ratio effectif chiffre d'affaires était très bas et que le bénéfice brut d'exploitation était quasiment nul.

4. La société requérante se borne à contester les anomalies relevées par le service et liées aux charges de personnel. Toutefois, les éléments mentionnés au point 3 qui ne sont pas contestés par la société Etoile, et en particulier ceux relatifs aux recettes, à savoir l'absence de justificatifs du détail de ses recettes journalières, étaient de nature à permettre à l'administration fiscale d'apporter la preuve qui lui incombe que la comptabilité présentée comportait de graves lacunes et était non probante. Par suite, c'est à bon droit que le vérificateur l'a écartée.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. En vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, en cas de consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le service, quel que soit l'avis rendu par cette commission, supporte la charge de la preuve. Il n'en va autrement que lorsque le service démontre que la comptabilité d'un contribuable comporte de graves irrégularités, et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que, eu égard aux graves irrégularités relevées, et dès lors que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 6 décembre 2016, la charge de la preuve du caractère infondé ou exagéré des impositions litigieuses pèse sur la contribuable.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de la société :

7. Il résulte de l'instruction que le service n'a reconstitué que le chiffre d'affaires des prestations coiffure et esthétique et que le chiffre d'affaires des ventes présenté par la société requérante a été retenu comme n'appelant pas d'observations. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société requérante, le service s'est fondé sur la méthode des heures de travail, fondée sur la masse salariale productive, déterminée à partir des salaires bruts mentionnés sur les fiches de paie et des déclarations annuelles des données sociales, avec un abattement de 25 % pour tenir compte de temps morts évalués à deux heures par jour, et sur le nombre d'heures travaillées déclarées sur les déclarations annuelles des données sociales et sur les fiches de paie, ces éléments permettant ainsi de déterminer le coût horaire moyen salarial, sur le prix moyen de facturation des prestations déterminés à partir des données de la société, sur le temps moyen déclaré par la société pour les différentes prestations, permettant ainsi d'obtenir une évaluation du coût de revient salarial de chacune des prestations et enfin, sur l'application d'un coefficient de marge brut pour chaque prestation, résultant du rapport entre le prix facturé et le coût salarial, ensuite pondéré en fonction de la fréquence de chacune des prestations. Puis pour chaque salon, le chiffres d'affaires a été reconstitué en appliquant les coefficients de marge pondérés à la masse salariale des salons.

8. La société soutient d'une part, que le mode de détermination du coût horaire moyen est erroné dès lors que, selon elle, l'abattement de 25 % aurait dû être appliqué sur les heures déclarées et non sur les salaires bruts déclarés. Toutefois, l'application de l'abattement sur le nombre d'heures payées revient en divisant la masse salariale brute par ce nombre réduit, à ne prendre en compte que les salaires versés qu'en tant qu'ils correspondent à des heures effectivement productives, sans prendre en compte la rémunération des heures non productives, et, contrairement à ce que soutient la société requérante, le coût horaire payé qui inclut les heures improductives est nécessairement supérieur au coût horaire productif. D'autre part, contrairement à ce que soutient la société Etoile, il ne résulte pas de l'instruction que le résultat obtenu serait disproportionné par rapport aux capacités réelles des deux salons de coiffure gérés eu égard au nombre de salons gérés et au nombre de postes de coiffure compris dans chacun de ces salons. Ainsi les éléments mis en avant par la société requérante ne sont pas de nature à établir que la méthode utilisée par l'administration serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.

9. Si la société requérante soutient que le choix de la méthode de reconstitution est erroné dès lors qu'une méthode de reconstitution par les achats en appliquant aux achats un coefficient de marge brut entre 9 et 14 est plus adaptée, elle n'apporte aucun élément de nature à établir à partir des données propres à son exploitation comment ce coefficient de marge a été déterminé.

10. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la méthode de reconstitution des recettes mise en œuvre par l'administration n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner l'expertise sollicitée par la société requérante.

En ce qui concerne les créances de tiers non justifiées :

11. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". En vertu de ces dispositions, le contribuable doit toujours justifier de l'exactitude des écritures portant sur des créances de tiers, quelle que soit la procédure d'imposition suivie à son encontre.

12. L'administration a réintégré au résultat de la somme les crédits inscrits au compte courant d'associé de Mme B... et de M. C... A... pour des montants respectifs de 4 129 euros et de 2 908 euros pour l'année 2012 et de 6 296 euros pour l'année 2013. Si la société requérante soutient que ces sommes correspondent à des achats de fournitures effectués par Mme B... et par M. C... A... avec leurs deniers personnels pour le compte de la société, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier la réalité de ces dépenses. Dès lors que la requérante ne justifie pas de la réalité de ses dépenses inscrites au compte courant de ces associés, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les sommes correspondantes ne pouvaient venir en diminution de son bénéfice net.

En ce qui concerne les dépenses Rexel :

13. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré des dépenses auprès de la société Rexel pour des montants de 3 142 euros au titre de l'année 2012 et de 1 464 euros au titre de l'année 2013. Une partie des achats ayant été refacturée à une autre société, les sommes de 1 123 euros et 1 115 euros ont été respectivement réintégrées pour les années 2012 et 2013. Si la société requérante soutient que ces sommes correspondent à des achats de matériel électrique pour des travaux effectués dans les salons de coiffure pour effectuer des petits travaux d'entretien et de réparation, elle n'apporte aucun élément pour établir la réalité et la nature des travaux entrepris et leur caractère professionnel.

Sur l'amende :

15. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. "

16. Il résulte des points précédents que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les rehaussements liés à la reconstitution du chiffre d'affaires et aux dépenses Rexel ne constituent pas des revenus distribués. Elle n'est donc pas fondée pour les mêmes raisons à soutenir que ces revenus ne peuvent donner lieu à l'application d'une amende de 100 % sur le fondement de l'article 1759 pour non désignation des bénéficiaires des revenus distribués.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Etoile n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des impositions litigieuses. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Etoile est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Etoile et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 20PA01996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01996
Date de la décision : 05/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-06-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Établissement de l'impôt. - Bénéfice réel. - Redressements.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-05;20pa01996 ?
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