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17/01/2022 | FRANCE | N°21PA04776

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 janvier 2022, 21PA04776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2113325 du 23 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a admis Mme B..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 16 juin 2021 du préfet de police, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une

attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2113325 du 23 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a admis Mme B..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 16 juin 2021 du préfet de police, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2113325 du 23 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions des articles 23 et 25 du règlement n° 604/2013 ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me d'Allivy Kelly, conclut à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, enfin, au versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- le litige a perdu son objet dès lors que sa demande d'asile a été enregistrée le 27 juillet 2021 ;

- les éléments justificatifs dont se prévaut le préfet de police ont été produits postérieurement à l'audience devant le tribunal administratif de Paris ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 29 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 16 décembre 2002, est entrée irrégulièrement en France, et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 16 juin 2021, le préfet de police a décidé le transfert de Mme B... aux autorités italiennes. Par un jugement du 23 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a admis Mme B..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 16 juin 2021 du préfet de police, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le préfet de police relève appel des articles 2 à 4 de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Mme B... ayant été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 29 novembre 2021, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui sont devenues sans objet.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :

3. Si Mme B... fait valoir que le préfet de police lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale le 27 juillet 2021 et que sa demande d'asile a été enregistrée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 août 2021, ces mesures sont intervenues en exécution du jugement du 23 juillet 2021 et n'excèdent pas ce qui était nécessaire à l'exécution de ce jugement. Dans ces conditions, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par Mme B... doit être écartée.

Sur le moyen retenu par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris :

4. D'une part, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 [...] 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale [...] ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

5. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les Etats membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " Dublinet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les Etats, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque Etat dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Aux termes de l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

6. Il résulte des dispositions du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux mois au terme duquel la demande de prise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

7. Pour annuler l'arrêté en litige, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur l'appréciation selon laquelle cet arrêté méconnaissait les dispositions des articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet de police n'établissant pas que les autorités italiennes auraient reçu une demande de reprise en charge et l'auraient implicitement acceptée. Toutefois, le préfet de police a versé au dossier la copie de la réponse automatique d'accusé de réception du point d'accès italien Dublinet depuis l'adresse " itdub@nap01.it.dub.testa.eu ", émise le 20 mai 2021 et portant la référence FRDUB29930455778-750, correspondant au dossier de Mme B.... Cet accusé de réception, bien qu'émis automatiquement par l'adresse électronique du point d'accès italien, permet de regarder les autorités françaises comme ayant saisi dès le 20 mai 2021, soit dans le délai de deux mois à compter de la réception, le 19 avril 2021, du résultat positif Eurodac, les autorités italiennes de la requête aux fins de reprise en charge de Mme B.... En l'absence de réponse explicite des autorités italiennes ainsi saisies, leur accord implicite a été constaté à l'expiration du délai de quinze jours prévu par le 2. de l'article 25 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités françaises ont alors adressé aux autorités italiennes, le 11 juin 2021, le constat d'accord implicite pour l'examen de la demande d'asile de Mme B..., ainsi que le démontre l'accusé de réception électronique du point d'accès italien Dublinet du même jour, produit au dossier.

8. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir - sans que Mme B... puisse utilement soutenir que le mémoire en défense produit par le préfet de police en première instance a été enregistré, au greffe du tribunal administratif de Paris, postérieurement à l'audience publique - que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 16 juin 2021 portant transfert de Mme B... aux autorités italiennes méconnaissait les dispositions des articles 23 et 25 du règlement(UE) n° 604/2013.

9. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme B... :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement [...]. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 [...] ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, contre signature, la brochure dite " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' "), le 19 avril 2021, la brochure dite " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ") le 20 avril 2021, ainsi que, en tout état de cause, la brochure " Eurodac " le 20 avril 2021 et le " guide du demandeur d'asile le 18 avril 2021. Il n'est pas établi que ces documents, rédigés en français, ne comportaient pas l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors qu'il est indiqué, au-dessus de la signature apposée par la requérante sur chacun des documents, le nombre de pages qu'ils comportaient. Si Mme B... soutient que les brochures devaient être remises dans une langue qu'elle comprend, l'intéressée a signé le résumé de l'entretien individuel, réalisé en français, et a déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié, le 20 avril 2021, d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture de police. Le préfet de police a produit, en annexe de ses écritures en défense, un résumé de son entretien individuel contenant les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Si, en vertu de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police est l'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'entretien individuel requis pour l'application de l'article 5 précité soit mené par un agent de la préfecture, qui, n'étant pas le signataire de la décision de transfert déterminant l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, n'avait pas à bénéficier d'une délégation de signature du préfet pour procéder à cet entretien. En l'espèce, si le résumé de l'entretien individuel de Mme B... ne comporte pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été reçue par un agent du douzième bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile de la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de Mme B... a été mené par un agent qualifié au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé Mme B... A... la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Enfin, cet entretien a eu lieu en français, langue que Mme B... a déclaré comprendre, le résumé de l'entretien précisant par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, que " l'intéressée a déclaré avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté, dans ses diverses branches.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les États membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'État membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. ".

15. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Ainsi, si Mme B... entend se prévaloir des articles 9 et 29 cités au point précédent, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'ils consacrent ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 paragraphe 2, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " [...] Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable [...] ". Aux termes de l'article 17 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité [...] ".

17. Mme B... soutient que son état de santé justifiait l'examen de sa demande d'asile en France. Toutefois, elle se borne à se produire un certificat médical faisant état d'une grossesse, dont le terme est prévu au 14 décembre 2021, un courriel émanant d'une association, daté du 10 juin 2021, indiquant qu'elle souffre d'une " grave pathologie, pour laquelle elle est suivie à l'hôpital Necker ", ainsi que deux certificats médicaux sommairement rédigés, indiquant que son état nécessite un suivi fréquent et régulier en milieu hospitalier spécialisé. Ainsi, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés. Par ailleurs, et pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 53-1 de la Constitution ne peut qu'être écarté. Enfin, et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit également être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 juin 2021, lui a enjoint de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris auxquelles ce jugement a fait droit, à l'exception de celles tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande, au profit de son défenseur, au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2113325 du 23 juillet 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris auxquelles ce jugement a fait droit, à l'exception de celles tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, ainsi que ses conclusions, présentées devant la Cour, tendant au paiement de frais liés à l'instance, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me d'Allivy Kelly et à Mme C... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 17 janvier 2022.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04776 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04776
Date de la décision : 17/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : D'ALLIVY KELLY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-17;21pa04776 ?
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