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25/01/2022 | FRANCE | N°21PA05624

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 janvier 2022, 21PA05624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... R..., M. Q... L..., M. I... M..., M. H... F...,

M. P... G..., M. U... S..., M. T... J..., M. V...,

M. B... D... et M. A... K... ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 mars 2021 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 11 février 2021 portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplif

iée Ramp Terminal One.

Par un jugement n° 2105442 du 31 août 2021, le Tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... R..., M. Q... L..., M. I... M..., M. H... F...,

M. P... G..., M. U... S..., M. T... J..., M. V...,

M. B... D... et M. A... K... ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 mars 2021 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 11 février 2021 portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée Ramp Terminal One.

Par un jugement n° 2105442 du 31 août 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2021 et par deux mémoires récapitulatifs enregistrés les 14 et 15 décembre 2021, MM. R..., L..., M..., F..., G..., S..., J..., Kraiem, D... et K..., représentés par Me Tamegnon Hazoume, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 août 2021 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ;

2°) d'annuler la décision du 8 mars 2021 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 11 février 2021 portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée Ramp Terminal One ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le dossier examiné par l'administration était incomplet ;

- l'administration devait s'assurer que l'employeur avait régulièrement informé les représentants du personnel et les délégués syndicaux du contenu de sa lettre d'observation du 25 janvier 2021 ;

- le contenu de l'accord valant plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant :

- les mesures relatives aux problématiques de santé et de sécurité au travail sont absentes ;

- le plan de reclassement comporte des carences liées aux insuffisances de mesures d'accompagnement et au caractère insuffisant du reclassement interne et externe des salariés ;

- les catégories professionnelles retenues ont été définies afin de cibler précisément des salariés ;

- les catégories professionnelles présentent un caractère discriminatoire ;

- les critères d'ordre des licenciements ont été fixés de manière discriminatoire ;

- l'accord collectif a retenu des dispositions moins favorables que celles de la convention collective ;

- l'accord collectif exclut expressément les qualités professionnelles ;

- la procédure d'information consultation est irrégulière ;

- l'administration n'a pu vérifier que le délai légal pour la communication des ordres du jour et des documents afférents en vue des réunions du comité social et économique avait été respecté, que les convocations avaient été adressées à chacun des élus et que toutes les parties concernées par le volet santé et sécurité au travail avaient été informées de la tenue des réunions des 22 janvier et 19 février 2021 ;

- la note économique et l'accord collectif ne contiennent aucune information sur les effets de la restructuration envisagée ;

- la note sur le volet santé et sécurité au travail ayant été réécrite, elle n'a été transmise aux élus qu'en vue de la dernière réunion du comité social et économique du 19 février 2021.

Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2021 et un mémoire récapitulatif enregistré le

20 décembre 2021, la société Ramp Terminal One, représentée par Me de Frémont, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

La clôture de l'instruction est intervenue le 23 décembre 2021 à 12 heures.

Un mémoire a été produit 2 janvier 2021 pour MM. R..., L..., M..., F..., G..., S..., M. J..., Kraiem, D... et K... postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Par un acte enregistré le 6 novembre 2021, M. C... R... a été désigné en tant que représentant unique des requérants par Me Tamegnon Hazoume à la suite de la demande qui lui a été faite en application de l'article R. 611-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code du commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Le Goff,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tamegnon Hazoume, avocat de M. R... et autres, et de Me de Frémont, avocat de la société Ramp Terminal One.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Ramp Terminal One, créée en 2009, a pour activité le transport aérien. Elle est spécialisée dans les activités dites " pistes " et exerce son activité à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. A la suite des difficultés économiques liées aux conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le transport aérien, elle a préparé un projet de réorganisation en vue de la suppression de 67 postes dans l'établissement de Mauregard (Roissy-Charles de Gaulle). Des négociations ont abouti à la conclusion d'un accord collectif fixant le plan de sauvegarde de l'emploi qui a été signé le 11 février 2021 par la société et les organisations syndicales CFTC, SPAM Aero Trans et CFE/CGC. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Ile-de-France a été saisie le 22 février 2021 d'une demande de validation de l'accord et par décision du 8 mars 2021, elle a validé cet accord collectif majoritaire. La demande d'annulation formée par MM. R..., L..., M..., F..., G..., S..., J..., Kraiem, D... et K... a été rejetée par le Tribunal administratif de Melun par jugement du 31 août 2021 dont ils relèvent appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire de la décision du 8 mars 2021 :

2. Les requérants reprennent en appel le moyen tiré de ce que M. O..., signataire de la décision attaquée, n'avait pas compétence pour la prendre. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen, qui ne comporte aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne la motivation de la décision de validation de l'accord collectif :

3. Les requérants reprennent le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision. Il y a lieu d'écarter ce moyen qui a été écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne la complétude du dossier :

4. Le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'incomplétude du dossier analysé par la Direccte par le jugement attaqué dont il d'adopter les motifs pour écarter le même moyen présenté en appel sans que les requérants n'apportent aucune précision complémentaire.

En ce qui concerne la validité de l'accord collectif majoritaire :

S'agissant du contrôle des conditions de signature de l'accord par la Direccte :

5. L'article L. 1233-57-2 du code du travail dispose que : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 (...) / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; / 4° La mise en œuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ". Aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, ou par le conseil d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 2321-9. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants ".

6. Il ressort des pièces du dossier que les syndicats CFTC, SPAM Aero Trans et CFE/CGC signataires de l'accord collectif ont respectivement obtenu, dans la société Ramp Terminal One, à l'issue des élections professionnelles du 23 mai 2018, 89, 13 et 7 bulletins, soit la totalité des suffrages exprimés en ce qui concerne le collège des ouvriers et employés et 7 et 5 bulletins pour les syndicats CFTC et CFE/CGC, soit 100 % des suffrages exprimés en ce qui concerne le collège des techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres. Les procès-verbaux de ces élections ont été adressés à la Direccte le 21 février 2021 et ont ainsi fait partie des pièces vérifiées par celle-ci dans le cadre de l'élaboration de sa décision. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas vérifié si les pourcentages retenus correspondaient aux taux des suffrages exprimés manque en fait.

S'agissant de la notification de la lettre d'observations du 25 janvier 2021 de la Direccte à l'ensemble des syndicats représentatifs de la société :

7. Aux termes de l'article L. 1233-57-6 du code du travail : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales ". L'obligation qui incombe à l'administration d'envoyer copie au comité d'entreprise des observations qu'elle adresse à l'employeur sur le fondement de ces dispositions ainsi que l'obligation qui incombe à l'employeur d'envoyer copie de ses réponses aux représentants du personnel visent à ce que le comité d'entreprise dispose de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

8. Les requérants soutiennent que l'adresse électronique de M. E... ne correspond pas à une personne faisant partie du comité social et économique, mais la société Ramp Terminal One a apporté par courriel, dès le 27 janvier 2021, l'explication selon laquelle les coordonnées électroniques en cause étaient celles de M. N..., délégué syndical. Par ailleurs, s'il n'est pas établi que le courriel contenant la lettre d'observations du 25 janvier 2021 de la Direccte, dont l'envoi à l'ensemble des délégués syndicaux est établi, a été reçu par M. N..., il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux des réunions du comité social et économique des 21 janvier et 19 février 2021, que celui-ci, qui a participé aux réunions de négociations de l'accord collectif et à ces réunions, avait ainsi, en tout état de cause, pris connaissance de tous les éléments concernant les négociations de l'accord collectif. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'un des délégués syndicaux n'ait pas pris connaissance d'un courriel adressé par la Direccte doit être écarté.

En ce qui concerne les mesures relatives à la santé et à la sécurité au travail :

9. Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du même code : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues à l'article L. 1233-4 ". Selon l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; (...) 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

10. S'il résulte de ces dispositions que l'entreprise a l'obligation d'informer les représentants du personnel des effets du projet de réorganisation sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, elles ne l'obligent pas à prévoir dans l'accord collectif un volet consacré à la santé, la sécurité et les conditions de travail. Le moyen tiré de ce que l'accord collectif en litige ne comporte pas un tel volet et de ce que ni la note économique, ni le plan ne contiennent d'information sur les effets de la restructuration doit ainsi être écarté. Quant à l'information donnée aux membres du comité social et économique, elle ressort de la convocation à la première réunion de consultation, du procès-verbal de cette réunion du 22 janvier 2021 du procès-verbal de la seconde réunion du 19 février 2021 qui précise notamment qu'" une note a également été remise au CSE concernant les risques psychosociaux et les conséquences des licenciements projetés sur la santé, la sécurité et les conditions de travail " ainsi que de l'étude d'impact détaillée adressée aux membres du comité social et économique. Au demeurant, la décision elle-même fait état de l'information donnée au comité social et économique sur la santé, la sécurité et les conditions de travail. Le moyen tiré de ce que les informations nécessaires n'auraient pas été données au comité social et économique doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne le plan de reclassement :

11. Le moyen tiré de ce que le plan de reclassement comporte des carences liées aux insuffisances de mesures d'accompagnement et au caractère insuffisant du reclassement interne et externe des salariés est repris en appel par les requérants. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen, qui ne comporte aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne les catégories professionnelles :

12. L'article L. 1233-24-2, cité au point 9, du même code dispose que l'accord collectif porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et peut également porter sur le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées. La circonstance que, pour déterminer les catégories professionnelles concernées par le licenciement, un accord collectif fixant un plan de sauvegarde de l'emploi se fonde sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou ait pour but de permettre le licenciement de salariés affectés sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée, n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions de l'article L. 1233-57-2 du code du travail. Elle ne saurait, par suite, faire obstacle à la validation de cet accord. Il en va autrement si les stipulations qui déterminent les catégories professionnelles sont entachées de nullité, en raison notamment de ce qu'elles revêtiraient un caractère discriminatoire.

13. Le projet d'accord collectif prévoyait à l'origine l'existence de sept catégories professionnelles. Après négociations, l'accord collectif majoritaire détermine neuf catégories professionnelles qui sont toutes concernées par des suppressions de postes dont quatre dans le secteur " Structure ", dont tous les postes sont supprimés, et cinq dans le secteur " Piste ", dont seule la suppression d'une partie des postes est prévue. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la définition des catégories professionnelles issue des négociations n'a pas eu pour objet de prévoir des découpages en fonction d'un ciblage des salariés lié à leur affectation, leur âge et leur ancienneté. D'une part, toutes les catégories professionnelles sont affectées par la suppression de postes et chacune d'elles a une moyenne d'âge supérieure à 40 ans. D'autre part, la catégorie professionnelle " assistant piste " dont la moyenne d'âge était la plus faible est l'une de celles dont l'ensemble des postes est supprimé. Enfin, la critique portée sur la définition des deux secteurs " Structure " et " Piste " ne concerne pas les catégories professionnelles mais l'organisation structurelle de l'entreprise et les choix de restructuration.

14. Par ailleurs, les requérants critiquent la détermination des catégories professionnelles. Ils soutiennent que les catégories Chef d'équipe et Assistant d'avion et que les catégories Assistant Piste confirmé et Assistant Avion pouvaient, les unes et les autres, être respectivement réunies en une seule catégorie mais, à supposer même que leurs arguments soient pertinents, cette détermination ne présente en tout état de cause aucun caractère discriminatoire. En ce qui concerne les catégories distinctes retenues Assistant avion " casques anglais " et Assistant avion et Chef d'équipe " casques anglais " et Chef d'équipe, cette distinction se justifie directement par les fonctions exercées et correspond à des prérequis liés à l'acquisition d'un niveau de maîtrise de la langue anglaise et à une formation professionnelle délivrant une attestation. Dans ces conditions, les définitions retenues pour les catégories professionnelles ne présentent pas de caractère discriminatoire.

15. Enfin, la circonstance que pour des besoins conjoncturels, la société Ramp Terminal One ait dû recourir, dans les mois suivant l'accord collectif en cause, au concours de salariés occupant les fonctions d'Assistant avion pour occuper temporairement des fonctions de Chef d'équipe, elle est liée à la nécessité de procéder à des remplacements et ne saurait établir que la détermination des catégories professionnelles était discriminatoire.

En ce qui concerne les critères d'ordre des licenciements :

16. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article (...) ". L'article L. 1233-6 du même code prévoit cependant que : " Les critères retenus par la convention et l'accord collectif de travail ou, à défaut, par la décision de l'employeur ne peuvent établir une priorité de licenciement à raison des seuls avantages à caractère viager dont bénéficie un salarié ".

17. Il résulte de la lettre même de ces dispositions que la conclusion d'un accord collectif permet de déroger aux critères fixés à cet article pour fixer l'ordre des licenciements. Dès lors, si un accord collectif a prévu d'autres critères, l'autorité administrative, saisie de la demande d'homologation de ce document, vérifie la conformité de ces critères et de leurs règles de pondération aux seules dispositions conventionnelles applicables, sous la seule réserve, prévue à l'article L. 1233-6 précité, que ces critères conventionnels n'établissent pas une priorité de licenciement à raison des seuls avantages à caractère viager dont bénéficie un salarié. Ainsi, l'administration n'avait pas, au regard de ces dispositions, à exercer son contrôle sur les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Par suite, le moyen tiré de ce que l'accord collectif a prévu d'exclure les qualités professionnelles ne peut avoir d'incidence sur sa légalité.

18. D'autre part, il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 1233-57-2 du code du travail, citées au point 5, que, lorsque le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l'article L. 1233-24-1 du même code, l'administration doit seulement s'assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir, pour contester la décision de validation en litige, que le plan méconnaîtrait l'article 18 de la convention collective applicable relatif aux critères pour fixer l'ordre des licenciements.

19. Enfin, les requérants allèguent que le critère de l'ancienneté se cumule en réalité avec celui du nombre d'enfants alors que le plan a retenu de manière distincte les critères de l'ancienneté et de la charge de famille. Pour les mêmes raisons, la discrimination qui serait liée au fait que seraient pénalisés les salariés ayant une grande ancienneté au sein de l'entreprise et des charges de famille ainsi que les salariés ayant une ancienneté moyenne et une famille nombreuse n'est pas avérée. En outre, la circonstance que la convention collective prévoit une majoration d'ancienneté pour les salariés de plus de cinquante ans ne saurait avoir d'incidence, par elle-même, sur l'existence d'une discrimination.

20. Il s'ensuit que doit être écarté le moyen tiré de ce qu'il appartenait à l'administration de vérifier que les mesures conventionnelles sont reprises dans le plan de sauvegarde de l'emploi et que les mesures retenues ne sont pas moins favorables que les mesures conventionnelles ou discriminatoires.

En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

21. Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique sont précisées par l'article L. 1233-30 du code du travail : " I. Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1°) L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2°) Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours (...) ".

22. Il résulte de ces dispositions et de celles des articles L. 1233-57-2, qui prévoient que l'autorité administrative doit, pour valider l'accord collectif, s'être assurée de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, et

L. 1233-24-1 du code du travail, citées au point 5, notamment celles du 2° de l'article L. 1233-57-2, que, lorsqu'elle est saisie par l'employeur d'une demande de validation d'un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 1233-24-1 et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise prescrite par ces dispositions a été régulière. Elle ne peut ainsi légalement accorder la validation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et, à ce titre, sur le plan de sauvegarde de l'emploi.

23. Les requérants soutiennent qu'il est impossible de vérifier que tous les membres titulaires et suppléants ont bien été convoqués par la société et ont reçu les convocations et l'ordre du jour dans les délais visés à l'article L. 2315-30 du code du travail, que les membres du comité social et économique n'auraient pas été en mesure de rajouter des points à l'ordre du jour et que la présence des membres aux réunions du comité social et économique n'est pas établie.

24. Il ne peut être reproché à l'administration de ne pas avoir demandé la preuve de l'envoi des convocations et ordres du jour alors que, d'une part, elle en disposait par l'accès au portail SI-RUPCO où ces éléments étaient téléchargés par l'entreprise et, d'autre part, aucune des réunions n'a donné lieu à des observations sur leur régularité. Il est allégué que les membres du comité social et économique n'ont pas été en mesure de rajouter des points à l'ordre du jour sans qu'aucun élément ne vienne à l'appui de cette affirmation et alors que les signatures apposées par le secrétaire du comité à côté de celle de l'employeur atteste de ce qu'il n'avait pas de remarque à faire sur l'ordre du jour. Quant à la présence des membres du comité, elle ressort de ce que les procès-verbaux des séances, signés par le président et le secrétaire du comité, ont été approuvés par ses membres. Dès lors, le moyen tiré des irrégularités dans la procédure d'information et de consultation doivent être écartés.

25. Il résulte de tout ce qui précède que MM. R..., L..., M..., F..., G..., S..., J..., Kraiem, D... et K... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la déicision du 8 mars 2021 de la Direccte d'Ile-de-France de validation de l'accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Ramp Terminal One. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. R... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. R..., à la société Ramp Terminal One et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités.

Délibéré après l'audience publique du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.

Le président assesseur,

F. HO SI FAT

Le président - rapporteur,

R. LE GOFFLa greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05624
Date de la décision : 25/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Robert LE GOFF
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MARTIN DE FREMONT HUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-25;21pa05624 ?
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