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26/01/2022 | FRANCE | N°20PA02107

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 janvier 2022, 20PA02107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Inter Invest Outre-mer a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900421 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 août 2020 et 6 jan

vier 2021, la société Inter Invest Outre-mer, représentée par Me Pierre-Yves Bancel et Me Marion Le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Inter Invest Outre-mer a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900421 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 août 2020 et 6 janvier 2021, la société Inter Invest Outre-mer, représentée par Me Pierre-Yves Bancel et Me Marion Leclerc, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900421 du 16 juin 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si le chiffre d'affaires afférent à l'activité de représentant fiscal est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en Polynésie française, le montant retenu par l'administration est erroné, dès lors qu'il intègre des mouvements de trésorerie avec son établissement secondaire ;

- contrairement à ce qu'oppose la Polynésie française, elle n'exerce pas une activité économique indépendante hors représentation fiscale, et les règles de territorialité font obstacle à ce que l'ensemble de ses produits déclarés soit soumis à la taxe sur la valeur ajoutée polynésienne.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2020, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par Me Johan Marchand, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Inter Invest Outre-mer de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Inter Invest Outre-mer ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- l'arrêté n° 1132 CM du 21 juillet 2009 fixant les modalités de représentation fiscale en Polynésie française (régime intérieur) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Inter Invest Outre-mer, dont le siège est situé à Saint-Barthélemy et qui dispose d'un établissement secondaire en Polynésie française sous l'enseigne " Pacific Investissements ", propose à des investisseurs métropolitains d'acquérir des parts de sociétés en nom collectif (SNC) ayant pour objet la réalisation, dans les collectivités ultramarines, d'investissements productifs ouvrant droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts. A l'occasion de demandes de remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée présentées au titre des quatrièmes trimestres 2015 et 2017, l'administration, après avoir constaté que les prestations de services réalisées en Polynésie française et dont le montant avait était déclaré par la société Inter Invest Outre-mer n'avaient pas été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2015 à 2017, a adressé à la société une proposition de rectification du 16 octobre 2018. Au terme de la procédure, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, assorti des intérêts de retard, a été mis à la charge de la société requérante au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. La société Inter Invest Outre-mer relève appel du jugement du 16 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ce rappel de taxe.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. D'une part, qu'aux termes de l'article 340-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti ". Aux termes de l'article 340-4 du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur résidence, le lieu de leur siège social, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) ". Aux termes de l'article 340-8 de ce code : " Les prestations de services sont imposables lorsque le service est utilisé en Polynésie française ou lorsque le bénéficiaire a en Polynésie française le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu, sa résidence ou son domicile. Le bénéficiaire de la prestation s'entend du client direct du prestataire, quelle que soit la personne qui, en définitive, pourrait recueillir le bénéfice du service rendu (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 344-2 du code des impôts de la Polynésie française, relatif à la désignation d'un représentant fiscal : " Lorsqu'une personne établie hors de Polynésie française y est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou doit y accomplir des obligations déclaratives ou encore y recevoir des remboursements de crédit de taxe non imputable, elle est tenue de faire accréditer auprès de la direction des impôts et des contributions publiques un représentant assujetti établi en Polynésie française qui s'engage à remplir les formalités lui incombant et, en cas d'opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place. Dans le cadre de cette accréditation, elle peut en outre déclarer ce même représentant habilité à percevoir en son nom tout remboursement de taxe (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté 1132 CM du 21 juillet 2009 : " Les personnes (...) qui ne sont pas établies en Polynésie française, et qui y sont légalement redevables des impôts, droits et taxes prévus par le code des impôts ont l'obligation de désigner au service des contributions un représentant solvable accrédité résidant en Polynésie française ". L'article 3 de cet arrêté dispose que " (...) le représentant fiscal (...) s'engage à remplir les formalités incombant au représenté et en cas d'opérations imposables à acquitter les impôts, droits ou taxes pour le compte de ce dernier. ". L'article 4 dudit arrêté précise que : " Toute latitude est laissée à la personne établie hors de Polynésie française dans le choix de son représentant. (...) Il doit toutefois être assujetti aux impôts, droits et taxes en Polynésie française et donc dûment connu à ce titre du service des contributions (...) Le mandat confié au représentant au titre de la représentation fiscale porte sur l'ensemble des impôts, droits et taxes prévus par le code des impôts dont le représenté est susceptible d'être redevable. ". L'article 8 dudit arrêté précise que : " (...) Le représentant fiscal devant impérativement avoir la qualité de contribuable connu du service des contributions, il est donc astreint à la tenue de deux comptabilités distinctes et au dépôt des déclarations, pour les unes au titre de son activité propre et pour les autres au titre de l'activité exercée dans le cadre de la représentation fiscale. ". Enfin, l'article 10 de cet arrêté ajoute que : " Le représentant fiscal accrédité est solidairement responsable avec le représenté du respect des obligations déclaratives et du paiement de l'impôt. II s'ensuit que nonobstant toute stipulation contractuelle contraire, le représentant fiscal accrédité peut être personnellement assigné en paiement des impositions restant due dans les comptes du pays au titre de la représentation fiscale. ".

4. Il résulte de ces dispositions que les représentants fiscaux d'assujettis établis hors de Polynésie française doivent accomplir, pour le compte de ces derniers, des prestations consistant notamment en la tenue de la comptabilité des opérations qu'ils réalisent sur le territoire de la Polynésie française et le dépôt des déclarations de chiffre d'affaires correspondantes. Par suite, alors qu'il n'est pas contesté que les SNC mises en place par la requérante et ayant réalisé un investissement en Polynésie française étaient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée sur ce territoire, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus qu'eu égard à la nature des obligations incombant aux représentants fiscaux, l'établissement secondaire " Pacific Investissements " ne peut être considéré ni comme n'exerçant pas une activité économique indépendante et dissociable de la sienne, ni comme se bornant à rendre des services à son siège. En effet, cet établissement, immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Papeete, a la qualité de représentant fiscal des SNC sur le territoire de la Polynésie française et, compte tenu des conditions d'accréditation et des obligations incombant à ce représentant fiscal, mentionnées au point précédent, et étant le seul organisme habilité à exercer les prestations découlant de son mandat, il déploie nécessairement une activité économique exercée de manière indépendante, de sorte qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 340-4 du code des impôts de la Polynésie française à raison des prestations de services opérées directement pour le compte des SNC, spécifiquement utilisées sur le territoire de la Polynésie française et de ce fait, soumises à la taxe en vertu des dispositions de l'article 340-8 du code des impôts de la Polynésie française.

5. Si la société Inter Invest Outre-mer reconnaît qu'en tant que représentant fiscal des SNC en Polynésie française, son établissement secondaire déploie une activité économique exercée de manière indépendante lui conférant la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 340-4 du code des impôts de la Polynésie française à raison des prestations de services opérées directement pour le compte des SNC, spécifiquement utilisées sur le territoire de la Polynésie française et ainsi soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 340-8 de ce code, elle fait valoir que les services de représentation fiscale fournis par cet établissement ne représentent qu'une très faible partie de son activité, pour l'essentiel affectée à la réalisation d'autres missions nécessaires au montage des opérations de défiscalisation en Polynésie française, les sommes portées sur les liasses fiscales qu'elle a déposées comprenant des flux financiers entre les deux entités, qui ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.

6. A cet effet, la société Inter Invest Outre-mer produit un devis d'un cabinet d'expertise comptable du 4 juillet 2019 portant sur l'établissement des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de 130 SNC, en tant que représentant fiscal, pour un montant annuel de l'ordre de 650 000 francs CFP et une attestation de son expert-comptable du 4 avril 2018, qui se borne à indiquer que les coûts relatifs à la prestation de représentation fiscale sont très faibles. Elle produit également des bulletins de paie et le descriptif des postes occupés par les salariés de l'établissement secondaire, en soutenant que seule une assistante administrative et le directeur d'agence affectent une part marginale de leur temps à la mission de représentation fiscale, ce que corroborerait un procès-verbal de constat d'huissier du 6 juillet 2020 chronométrant certaines tâches de représentation fiscale. Enfin, sur le fondement d'un rapport établi par un cabinet comptable le 29 juillet 2020, elle évalue les charges salariales et locatives générées par l'activité de représentant fiscal, puis détermine le chiffre d'affaires correspondant à cette activité par application d'une méthode de coût majoré retenant un taux de marge de 9 %. Toutefois, le gouvernement de la Polynésie française fait valoir en défense que la société Inter Invest Outre-mer n'établit pas que la part des produits qu'elle a déclarés qui ne concerneraient pas l'activité de représentation fiscale serait seulement afférente à des flux financiers avec l'établissement secondaire et non pas à d'autres prestations de service utilisées en Polynésie française, soumises à ce titre à la taxe sur la valeur ajoutée. La société Inter Invest Outre-mer ne justifie par aucune pièce que tel est le cas, l'attestation de son expert-comptable du 4 avril 2018 se bornant à indiquer que les flux financiers entre la société et son établissement secondaire ne correspondent pas à des prestations de service, cet établissement étant " un centre de coûts " au titre de la représentation de la société en Polynésie française, sans autre précision. La société Inter Invest Outre-mer n'apporte ainsi pas d'éléments de preuve, qu'elle seule est en mesure d'apporter, alors qu'elle a elle-même déclaré les sommes en litige en produits. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2016 et 2007 les sommes portées sur les liasses fiscales déposées par la société Inter Invest Outre-mer au titre de prestations de services réalisées en Polynésie française.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Inter Invest Outre-mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du gouvernement de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Inter Invest Outre-mer demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Inter Invest Outre-mer, qui est la partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais que le gouvernement de la Polynésie française a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Inter Invest Outre-mer est rejetée.

Article 2 : La société Inter Invest Outre-mer versera au gouvernement de la Polynésie française la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inter Invest Outre-mer et au gouvernement de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02107
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : BANCEL ZEEN LAW

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-26;20pa02107 ?
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