La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2022 | FRANCE | N°21PA02137

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 février 2022, 21PA02137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2021460/1-3 du 26 mars 2021 le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2021, le préfet d

e police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2021 par lequel le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2021460/1-3 du 26 mars 2021 le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 16 novembre 2020 refusant à Mme C... A... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A... dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

S'agissant du refus de séjour :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de l'état de santé de Mme A... ; dès lors qu'elle ne démontre pas que le défaut de prise en charge serait d'une exceptionnelle gravité, l'absence d'un traitement approprié dans son pays d'origine est sans incidence ; Mme A... ne justifie pas, par ailleurs, qu'elle serait isolée en Algérie en cas de retour dans son pays ;

- le signataire de la décision était compétent pour ce faire ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est entaché d'aucune irrégularité ; le délai de trois mois mentionné à l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas prescrit à peine d'irrégularité de cet avis ; l'avis rendu par ce collège l'a été collégialement ; le médecin rapporteur n'a pas siégé à la réunion du collège ; la mention de la durée prévisible du traitement n'avait pas à être renseignée dans l'avis du collège ; enfin, rien ne permet de contester l'authenticité des signatures apposées sur cet avis ;

- Mme A... ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- sa décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance en ce qui concerne le caractère non fondé des autres moyens soulevés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Hagege, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de délivrer également à Mme B... D..., sa mère, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " et dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, ainsi que d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 15 euros par jour de retard, et, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne, née en décembre 2000, entrée en France le 22 mars 2015 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité un titre de séjour le 3 mars 2020 sur le fondement des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 16 novembre 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris. Par jugement du 26 mars 2021, dont le préfet de police fait appel, ce tribunal a annulé son arrêté du 16 novembre 2020, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Mme A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est applicable aux ressortissants algériens, dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 du préfet de police, les premiers juges ont considéré que ce dernier avait entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de l'état de santé de Mme A.... Il ressort des pièces du dossier que celle-ci souffre d'une tétraparésie spastique et dystonique, séquellaire d'une paralysie cérébrale congénitale, pour laquelle elle est suivie par des praticiens de l'hôpital Trousseau et de l'hôpital Rotschild à Paris et a été reconnue par la maison départementale des personnes handicapées comme présentant un taux d'incapacité supérieur à 80 %. Mme A... bénéficie également depuis le mois de septembre 2020, soit juste avant la décision contestée, d'une prise en charge dans un institut médico-éducatif à Rambouillet, et il est constant, comme l'indique le certificat d'un médecin spécialiste en médecine physique et réadaptation de cet établissement, en date du 9 décembre 2020, que sa dépendance pour tous les actes de la vie quotidienne, comme l'habillage, la prise de repas et les transferts, est totale, compte tenu notamment d'une préhension impossible et qu'elle ne peut pas communiquer par la parole en raison d'une dysarthrie majeure. Par un avis du 16 juillet 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que Mme A... est prise en charge de manière pluridisciplinaire et spécialisée, notamment en kinésithérapie, psychomotricité, ergothérapie et orthophonie, et bénéficie d'appareillages et installations orthopédiques et qu'une interruption de cette prise en charge serait de nature à compromettre ses chances de progression, comme l'indique, notamment, la note éducative du 9 décembre 2020 de l'institut médico-éducatif versée au dossier, relevant que son accompagnement thérapeutique, social et éducatif lui permettra de gagner de manière significative en autonomie et qu'elle en a toutes les capacités cognitives, et faisant état en particulier de ce qu'elle apprend à communiquer avec une synthèse vocale à commande oculaire, ainsi que de sa grande motivation, et de l'implication de sa famille. D'autre part, il ressort des certificats médicaux versés au dossier, que Mme A... suit depuis le mois de janvier 2019 un traitement tous les six mois d'injection de toxine botulique dans les quatre membres, ciblé sous contrôle échographique, à visées orthopédique, antalgique et hygiénique, le certificat médical du 6 septembre 2021 de la praticienne qui suit Mme A... à l'hôpital Rotschild, spécialiste en médecine physique et réadaptation, versé par cette dernière en appel, indiquant : " Un arrêt de cette thérapeutique serait responsable de graves complications telles que des rétractions tendineuses et des déformations osseuses douloureuses, aggravant le pronostic fonctionnel de cette patiente. ". Mme A... verse au dossier un certificat médical d'un médecin algérien du 13 décembre 2020 attestant que la toxine botulique n'est pas disponible en Algérie, et se réfère également en ce sens à la nomenclature des produits pharmaceutiques à usage de la médecine du ministère de la santé algérien, éléments qui ne sont pas contredits par le préfet de police. Il résulte, de l'ensemble des pièces apportées concernant la prise en charge de Mme A... en France, qui était déjà effective antérieurement à l'arrêté contesté, que les conséquences de son arrêt seraient d'une exceptionnelle gravité. Au demeurant, il ressort des pièces versées en appel par Mme A..., en particulier d'un nouvel arrêté pris par le préfet de police à son encontre en date du 6 août 2021, à la suite du réexamen de sa demande, que par un nouvel avis du 25 juin 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort également des pièces du dossier, que l'équivalent du traitement suivi par Mme A... en France par toxine botulique ne peut lui être dispensé en Algérie. Dans ces circonstances, le préfet de police doit être regardé comme ayant commis une erreur d'appréciation de l'état de santé de Mme A... et méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 novembre 2020, refusant de délivrer à Mme A... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Le juge administratif doit statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

6. Eu égard au motif d'annulation de la décision du 16 novembre 2020 du préfet de police, rappelé au point 3, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que celui-ci, délivre à Mme A..., une carte de séjour sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans un délai de deux mois à compter de sa notification, et dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. En revanche, l'exécution du présent arrêt n'implique pas que le préfet de police délivre à Mme B... D..., mère de la requérante, un titre de séjour, celle-ci pouvant, si elle s'y croit fondée, solliciter un tel titre.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour à Mme A... sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme C... A... et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02137
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELARLU HAGEGE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-03;21pa02137 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award