La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2022 | FRANCE | N°21PA02280

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 07 mars 2022, 21PA02280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République à Saint-Denis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n° 19-0036 HI IRR JBH du 7 mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré insalubre à titre irrémédiable l'immeuble situé 48 rue de la République dans la commune de Saint-Denis (93200) et la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1909727 du 18 février 2021, le Tribunal administratif de Mont

reuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2019 et de la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République à Saint-Denis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n° 19-0036 HI IRR JBH du 7 mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré insalubre à titre irrémédiable l'immeuble situé 48 rue de la République dans la commune de Saint-Denis (93200) et la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1909727 du 18 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2021 à la Cour administrative d'appel de Versailles et transmise à la Cour par une ordonnance du 27 avril 2021 du président de la

4ème chambre de la Cour administrative d'appel de Versailles, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République à Saint-Denis, représenté par Me Tosoni, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909727 du 18 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 19-0036 HI IRR JBH du 7 mars 2019 du préfet de la

Seine-Saint-Denis, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en estimant qu'il était le représentant des copropriétaires quelles que soient les parties visées de l'immeuble, privatives ou communes et en ne précisant pas pour chacun des copropriétaires concernés les travaux mis à sa charge, le préfet a entaché son arrêté d'irrégularité ;

- en estimant qu'il lui appartenait d'effectuer dans les parties privatives de l'immeuble les travaux prescrits par l'arrêté contesté, le préfet a méconnu les règles de représentation en matière de droit de la copropriété résultant des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et du décret du

17 mars 1967 ainsi que le droit au respect de la propriété privée ;

- l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'immeuble se situant près d'un monument historique remarquable, l'architecte des bâtiments de France aurait dû être consulté comme le prévoit l'article R 1331-4 du code de la santé publique, cet article n'opérant pas de distinction entre des travaux provisoires et des travaux définitifs ;

- le préfet s'est fondé sur une étude qui est incomplète quant à la détermination du coût de reconstruction de l'immeuble, l'administration, sur laquelle pèse la charge de la preuve, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ne justifiant pas que les travaux de reconstruction seraient plus onéreux que les travaux de réhabilitation de l'immeuble.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tosoni, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 mars 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré insalubre à titre irrémédiable l'immeuble situé 48 rue de la République dans la commune de Saint Denis, a interdit définitivement l'habitation et l'utilisation des locaux et logements aménagés dans cet immeuble et a enjoint aux propriétaires concernés de faire réaliser des travaux nécessaires pour empêcher l'utilisation des logements et interdire l'accès aux lieux. Par un recours gracieux formé le 10 mai 2019, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République à Saint-Denis a demandé au préfet de retirer cet arrêté. Ce recours a été implicitement rejeté. Par un jugement du 18 février 2021 dont le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République à Saint-Denis relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur en l'espèce : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; 2° Sur les mesures propres à y remédier. L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. (...) ".

3. Ces dispositions permettent à l'autorité compétente de caractériser d'irrémédiable l'insalubrité d'un immeuble et de prononcer, par suite, l'interdiction définitive de l'habiter ainsi que, le cas échéant, de l'utiliser et l'obligation de le détruire. Elles prévoient, comme l'une des deux conditions alternatives du caractère irrémédiable de l'insalubrité, la circonstance que les travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité de l'immeuble présentent un coût plus élevé que celui de la reconstruction du même immeuble. Pour leur application, le coût de reconstruction de l'immeuble doit être apprécié en y incorporant le coût de démolition de l'immeuble concerné.

4. Il résulte de l'instruction que pour déclarer irrémédiable l'insalubrité de l'immeuble situé 48 rue de la République à Saint Denis, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'avis émis le 31 janvier 2019 par le Comité départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques, après examen des rapports sur la situation de l'immeuble présentés par les inspecteurs de salubrité du service communal d'hygiène et de santé de la commune de Saint-Denis et de l'étude du 28 novembre 2018 établie par le cabinet Archi Ethic qui a procédé à une estimation comparée des coûts des travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité de l'immeuble et des travaux de reconstruction et qui a conclu que le coût d'une réhabilitation de l'immeuble peut être estimé à 2 560 694, 67 euros hors taxes et celui d'une reconstruction à 2 197 500 euros hors taxes. Pour évaluer le coût des travaux de reconstruction de l'immeuble, le cabinet Archi Ethic a retenu le prix du m² pour un immeuble de type logement social situé dans la première couronne de Paris pour une opération comparable en termes de surface, d'emprise, de nombre de niveaux et de répartition entre les commerces et l'habitat, soit 1 500 euros, qu'il a multiplié par la surface de l'immeuble en cause (1 465 m²). Cependant, en l'état, l'instruction ne permet pas à la Cour de connaître précisément le coût de reconstruction de l'immeuble dès lors que ce coût n'incorpore pas le coût de démolition de l'immeuble et en outre, ne prend pas en compte les spécificités du sol et du type de fondations nécessaires, ainsi que les éventuelles sujétions liées à l'implantation de l'immeuble aux abords de la basilique Saint-Denis. Par ailleurs, le coût des travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité de l'immeuble sur la base des éléments retenus par le cabinet Archi Ethic dans son étude du 28 novembre 2018 a été estimé sur la base des tarifs en vigueur en 2018.

5. Par conséquent, il y a lieu d'ordonner avant dire droit une mesure d'instruction aux fins pour le préfet de la Seine-Saint-Denis et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République dans un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt, de produire, tous les éléments de nature à établir :

-le coût de démolition de l'immeuble ;

-le type de fondations nécessaires à la reconstruction d'un nouvel immeuble eu égard notamment à la nature du sol, à la surface de l'immeuble et à sa configuration ainsi que le coût de ces fondations ;

-les éventuelles sujétions imposées lors de la reconstruction de l'immeuble liées à la proximité de la basilique Saint-Denis et leur coût ;

-le coût de reconstruction de l'immeuble déterminé par référence au prix du m² A... la construction d'un immeuble comparable en termes de surface, d'emprise, de nombre de niveaux et de répartition entre les commerces et l'habitat en Seine-Saint-Denis ;

- le coût des travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité de l'immeuble actualisés sur la base des tarifs pratiqués en 2022.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République, procédé par le préfet de la Seine-Saint-Denis et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République à la mesure d'instruction dont l'objet est défini au point 4 des motifs du présent arrêt.

Article 2 : Il est accordé au préfet de la Seine-Saint-Denis et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République, pour l'exécution de la mesure d'instruction prescrite à l'article 1er ci-dessus, un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Toutes conclusions et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 48 rue de la République, au ministre des solidarités et de la santé et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Bonneau-Mathelot, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2022.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

F. HO SI FAT

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02280
Date de la décision : 07/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-002 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TOSONI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-07;21pa02280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award