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17/03/2022 | FRANCE | N°21PA04651

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mars 2022, 21PA04651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination vers lequel il sera éloigné et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101140 du 15 juillet 2021, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé l'arrêté du 14 janvier 2021 du p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination vers lequel il sera éloigné et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101140 du 15 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé l'arrêté du 14 janvier 2021 du préfet de Val-de-Marne et, d'autre part, enjoint à ce dernier de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 14 janvier 2021 et de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois, à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête n° 21PA04651, enregistrée le 13 août 2021, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101140 du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a accueilli le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- aucun des autres moyens soulevés par M. A... dans sa demande n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2022, et un nouveau mémoire enregistré le 14 février 2022 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Laporte, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de 3 mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- elle a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure entachée de nullité à raison de celle de la retenue administrative dont il a fait l'objet, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 I 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- elle a été prise sans respect du principe du contradictoire, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et l'article 4§42 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006 ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit dès lors qu'il est entré en France avec un visa de court séjour ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 311-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire :

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie d'un passeport, d'un visa d'entrée régulière en France, d'un travail et d'un hébergement stable chez sa sœur, et qu'il dispose donc de garanties de représentations suffisantes ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a exercé son pouvoir d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnait son droit à mener une vie privée et familiale normale.

Par un courrier du 7 février 2022, la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a obligé M. A... à quitter le territoire sans délai pouvait être légalement fondée, par substitution de base légale avec le même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé d'aucune garantie, sur les dispositions alors codifiées au 2° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu du 1° du même article s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français et sur celles b) du 3° de l'article L. 511-1-II du même code, au lieu du a) du 3° du même article, s'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.

Un mémoire aux fins de production de pièces a été enregistré pour M. A... le 15 février 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

II. Par une requête n° 21PA05127, enregistrée le 17 septembre 2021, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2101140 du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-5 du code de justice administrative sont remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, et deux mémoires enregistrés le 4 février 2022, qui n'ont pas été communiqués, M. A..., représenté par Me Laporte, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de 3 mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure entachée de nullité à raison de celle de la retenue administrative dont il a fait l'objet, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 I 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- elle a été prise sans respect du principe du contradictoire, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et l'article 4§42 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006 ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit dès lors qu'il est entré en France avec un visa de court séjour ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 311-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire :

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il justifie d'un passeport, d'un visa d'entrée régulière en France, d'un travail et d'un hébergement stable chez sa sœur, et qu'il dispose donc de garanties de représentations suffisantes ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a exercé son pouvoir d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée de l'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnait son droit à mener une vie privée et familiale normale.

Un mémoire aux fins de production de pièces a été enregistré pour M. A... le 15 janvier 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoire du 23 septembre 2006 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me Laporte, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er janvier 1995 à Lobaly (Sénégal), a été interpellé et placé en retenue administrative aux fins de vérification de son identité, le 14 janvier 2021. Par un arrêté du même jour, le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination vers lequel il sera éloigné et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une première requête enregistrée sous le n° 21PA04651, le préfet du Val-de-Marne relève appel du jugement du 15 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2021 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 21PA05127, il demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées 21PA04651 et 21PA05127, présentées par le préfet du

Val-de-Marne tendent, respectivement, à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Melun. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 21PA04651 et les conclusions d'appel incident de M. A... :

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement présentées par le préfet du

Val-de-Marne :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal de son audition, dans le cadre de son placement en retenue administrative, produit pour la première fois en appel, que M. A... a déclaré être marié au Sénégal et avoir un fils de 3 ans, et être venu en France en vue de trouver un travail afin d'aider sa famille restée au Sénégal. S'il allègue qu'il est séparé de son épouse, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Par suite, et alors que M. A... n'est entré en France qu'en 2019, à l'âge de 24 ans, la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A... pour annuler l'obligation faite à ce dernier de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, la décision lui refusant un délai de départ volontaire, celle fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et devant la Cour.

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / II.- (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".

8. L'arrêté du 14 janvier 2021 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions alors codifiées à l'article

L. 511-1 I 1° sur le fondement desquelles il a été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. Il est mentionné notamment que M. A... ne justifie pas être entré en France muni des documents requis par l'article L. 211-1 du même code. Ainsi, la décision attaquée comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. A....

10. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' Si, à l'occasion d'un contrôle (...), il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. (...) / L'étranger est aussitôt informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : (...) / 4° Du droit de prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix (...) ".

11. Les mesures de contrôle et de retenue que prévoient ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République. Elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire français ou décide son placement en rétention administrative. Dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle qui a, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, les conditions dans lesquelles M. A... a été contrôlé, le 14 janvier 2021, en application des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

12. En quatrième lieu, M. A... soutient que le préfet ne l'a pas mis en mesure de présenter ses observations écrites ni de se faire assister d'un mandataire de son choix avant de prendre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort toutefois des dispositions alors codifiées à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article

L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposant de façon générale le respect d'une procédure contradictoire en préalable aux décisions individuelles soumises à l'exigence de motivation, ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une telle mesure d'éloignement. Il ressort en tout état de cause des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de retenue administrative et du procès-verbal d'audition, dont les termes ne sont pas contestés par le requérant, que M. A... a pu faire valoir ses observations sur la mesure d'éloignement lors de son audition, le 14 janvier 2021, après avoir été informé de la possibilité de se faire assister par un interprète et un avocat et avoir décliné cette assistance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'une procédure contradictoire préalable doit être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, tel que modifié par l'article 3 de l'avenant du 25 février 2008 à cet accord : " La France s'engage à proposer aux ressortissants sénégalais en situation irrégulière qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français son dispositif d'aide au retour volontaire ". Ces stipulations n'imposent pas à l'administration, sous peine d'irrégularité, d'assortir les mesures d'éloignement d'une information sur le dispositif d'aide au retour, ni qu'une telle aide soit proposée à l'étranger concerné avant l'édiction d'une telle mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et des dispositions de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. -L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré(...) ".

15. Le préfet du Val-de-Marne a pris sa décision d'obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que M. A... ne pouvait justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour. Si M. A... produit dans le cadre de l'instance contentieuse son passeport dont il ressort qu'un visa de court séjour lui a effectivement été délivré, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité et obtenu un titre de séjour après l'expiration de son visa. Par suite, M. A... entre dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1. Ces dispositions peuvent être substituées à celles du 1° du I de l'article L. 511-1 dès lors que cette substitution de base légale, dont les parties ont été informées de ce que la Cour entendait y procéder, ne prive l'intéressée d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de droit doivent, par suite, être écartés.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 311-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

17. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (... II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusés de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévue au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 (...) ".

18. M. A... fait valoir que c'est à tort que le préfet de police lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire dès lors qu'il justifiait d'une entrée régulière ainsi que de garanties de représentation suffisantes puisqu'il dispose d'une adresse stable. Toutefois, si M. A... justifie d'une entrée régulière, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de la validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il s'ensuit ainsi que si la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du f) du 3° de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette décision trouve son fondement légal dans les dispositions du b) du même article qui peuvent être substituées à celles du a) dès lors que cette substitution de base légale, dont les parties ont été informées de ce que la Cour entendait y procéder, n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par ailleurs, la seule attestation établie par la sœur de M. A... le 14 octobre 2021 ne suffit pas pour justifier d'une adresse stable. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait entaché sa décision d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

19. En premier lieu, Mme C... B..., cheffe du département expertise juridique et contentieux et signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation pour signer la décision attaquée par un arrêté du préfet du Val-de-Marne n° 2020/1738 du 28 septembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

20. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi.

21. La décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. A... vise l'article L. 511-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet du Val-de-Marne a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, relevé que l'intéressé ne justifiait pas, à la date de la décision, et ainsi qu'il a été dit au point 15, de son entrée régulière en France, et qu'il ne faisait état d'aucune circonstance humanitaire pouvant justifier que l'interdiction de retour ne soit pas prononcée. La décision est ainsi motivée au regard des critères tenant à la durée de la présence de l'intéressé sur le territoire français et à l'ancienneté des liens qu'il a entretenus avec la France. De même, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de police n'a pas entendu lui opposer l'existence d'une précédente mesure d'éloignement ni celle d'une menace à l'ordre public et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, le préfet n'est pas tenu d'indiquer les raisons pour lesquelles aucune circonstance humanitaire ne ressortait de la situation de l'intéressé. Dans ces conditions, et dès lors que la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sera écarté comme manquant en fait.

22. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... vivait en France depuis moins de deux ans, qu'il est resté en France à l'expiration de la durée de validité de son visa sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, que son épouse et son fils de trois ans vivent au Sénégal et qu'il ne justifie pas de liens particuliers en France en dehors de sa soeur. Par suite, en prononçant une interdiction de quitter le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de police du Val-de-Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

23. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

24. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif Melun a annulé son arrêté du 14 janvier 2021 et lui a enjoint de procéder aux réexamen de la situation de M. A..., dans un délai de 3 mois, et d'effacer le signalement dont celui-ci faisait l'objet dans le système d'information Schengen aux fins de non-admission.

Sur les conclusions d'appel incident présentées par M. A... :

25. Il résulte de ce précède que les conclusions d'appel incident de M. A..., par lesquelles il demande l'annulation de l'article 2 du jugement du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun et qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour, doivent être rejetées.

Sur la requête n° 21PA05127 et les conclusions d'appel incident de M. A... :

26. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 21PA04561 du préfet du Val-de-Marne tendant à l'annulation du jugement du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA05127 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a demandé à la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

27. Il résulte de ce qui a été dit au point 24 que les conclusions d'appel incident de M. A..., par lesquelles il demande l'annulation de l'article 2 du jugement du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun et qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101140 du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulé et la demande de M. A... devant ce tribunal est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA05127 par lesquelles le préfet du Val-de-Marne demande le sursis à exécution du jugement du 15 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de M. A... et celles qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

La rapporteure,

C. E...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04651, 21PA05127 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04651
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : LAPORTE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-17;21pa04651 ?
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