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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA03933

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA03933


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.

Par un jugement n° 2007766/11 du 25 juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2021, Mme C..., représentée par Me Corinne Giudicelli-Jahn, demande à la Cour :

1°) d'annuler l

e jugement n° 2007766/11 du 25 juin 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.

Par un jugement n° 2007766/11 du 25 juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2021, Mme C..., représentée par Me Corinne Giudicelli-Jahn, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007766/11 du 25 juin 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle contribue à l'éducation et à l'entretien de son enfant français mineur, elle doit bénéficier d'un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfant français ;

- elle justifie de la contribution du père français à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ;

- l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'oppose à ce qu'un Etat membre refuse le séjour au parent d'un enfant européen en bas âge ;

- l'arrêté contesté méconnaît les articles 3-1 et 9 de la convention relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Platillero a entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante congolaise, a sollicité le 4 juin 2019 le renouvellement du titre de séjour dont elle bénéficiait en qualité de parent d'un enfant français mineur, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme C... relève appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie entrée en vigueur le 1er mars 2019, désormais codifié aux articles L. 423-7 et L. 423-8 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ". Aux termes de l'article 316 du code civil : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est la mère d'un enfant de nationalité française, Da Sylva Toutou Tokoto, né le 8 juillet 2014 et reconnu par le père français par anticipation le 6 juin 2014. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par Mme C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'absence de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant par le père de nationalité française, en application des dispositions du 2ème alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En premier lieu, pour justifier que le père de son enfant français contribue effectivement à son entretien et à son éducation, Mme C... se borne à produire six reçus de transfert d'argent à son attention par le père de l'enfant datés des 1er février, 26 février et 3 mars 2020, de montants respectifs de 92 euros, 100 euros et 92 euros, et des 18 janvier, 15 mars et 25 mars 2021, postérieurs à l'arrêté contesté, ainsi que trois factures du 31 janvier 2020, d'un montant de 40 euros, et des 8 avril 2021 et 10 juillet 2021, également postérieures à l'arrêté contesté. Ces éléments ne sont pas suffisants pour établir la contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de Mme C... par son père français dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2ème alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté.

5. En second lieu, si Mme C... fait valoir qu'elle justifie contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant français dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, conformément au 1er alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé du motif de refus opposé par le préfet de la Seine-Saint-Denis, relatif à l'absence de justification de la contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant par le père de nationalité française, sur le fondement du 2ème alinéa du 6° de cet article.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 9 de cette convention : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

7. D'une part, contrairement à ce que soutient Mme C..., l'arrêté contesté, qui ne comporte aucune obligation de quitter le territoire français, n'a ni pour objet ni pour effet de la séparer de son enfant mineur de nationalité française. En se bornant à se prévaloir d'une telle séparation, la requérante n'apporte ainsi aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles cet arrêté méconnaîtrait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. D'autre part, l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant crée seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Mme C... ne peut dès lors utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de l'arrêté contesté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas (...) ".

9. Mme C..., qui ne conteste pas les motifs retenus par les premiers juges pour écarter le moyen qu'elle invoquait en première instance tiré d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soutient que l'arrêté contesté priverait son enfant mineur de nationalité française de l'exercice des droits conférés par son statut de citoyen de l'Union européenne, en violation de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

10. Toutefois, outre que la requérante n'allègue pas que les dispositions du 2ème alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ne seraient elles-mêmes pas conformes au droit de l'Union, ces dispositions, dont il ressort des travaux préparatoires à cette loi qu'elles visent essentiellement à prévenir les reconnaissances frauduleuses de paternité, prévoient que lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant par le parent de nationalité française, auteur d'une reconnaissance de paternité ou de maternité en application de l'article 316 du code civil, n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui se trouvent ainsi préservés. Par ailleurs, l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, s'il peut s'opposer à des mesures nationales refusant un droit au séjour au parent ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne qui assure l'entretien et l'éducation d'un enfant mineur citoyen de l'Union, à la condition que ces mesures aient pour effet de priver cet enfant A... la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par son statut, n'affecte pas la possibilité pour les Etats membres d'invoquer une exception liée, notamment, au maintien de l'ordre public, en tenant compte du droit au respect de la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce, compte tenu de l'objet de l'arrêté contesté qui n'implique aucun éloignement, l'enfant mineur n'étant ainsi pas obligé, en fait, de quitter le territoire de l'Union pris dans son ensemble ni privé de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par son statut, notamment de son droit au séjour, de ce qui a été dit précédemment en matière d'intérêt supérieur de l'enfant et de vie privée et familiale et de l'objet des dispositions appliquées, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 16 juillet 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONSLe greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03933


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03933
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : GIUDICELLI-JAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa03933 ?
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