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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA03943

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA03943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a retiré l'attestation constatant le dépôt d'une demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2005150 du 12 juin 2021, le magistrat désigné par le président

du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a retiré l'attestation constatant le dépôt d'une demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2005150 du 12 juin 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2021, Mme C..., représentée par Me Flora Peschanski, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005150 du 12 juin 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'elle n'a pas pu être assistée d'un interprète en langue des signes malgré sa demande, que la note en délibéré produite n'a pas été visée et que le magistrat désigné a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur d'appréciation ;

- les décisions contenues dans l'arrêté attaqué sont entachées d'un vice d'incompétence, ne sont pas motivées et n'ont pas été précédées d'un examen sérieux ;

- la décision de refus de titre de séjour et le refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile n'ont pas été précédés d'une évaluation de ses besoins en méconnaissance de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception, est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée, méconnaît le principe de non-refoulement des demandeurs d'asile en violation des articles L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 33 de la convention de Genève et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 3 août 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme C... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la demande de désignation d'un interprète en langue des signes déposée par l'avocate de Mme C... le vendredi 4 mars 2022 à 22 heures 40 dont le greffe a eu connaissance deux jours avant l'audience.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les observations de Me Peschanski, avocate de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante russe, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 28 mai 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 mai 2020. Par un arrêté du 15 juin 2020, le préfet du Val-de-Marne a par conséquent refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour, lui a retiré l'attestation constatant le dépôt d'une demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme C... relève appel du jugement du 12 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, après l'audience publique qui a eu lieu le 1er juin 2021, Mme C... a adressé au Tribunal administratif de Melun une note en délibéré enregistrée le même jour au greffe de cette juridiction. Le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de cette pièce, est entaché pour ce motif d'une irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité de ce jugement, Mme C... est fondée à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur les moyens communs aux différentes décisions :

5. D'une part, Mme B..., adjointe au chef du pôle asile de la direction des migrations et de l'intégration, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait à cet effet d'une délégation de signature accordée par arrêté du préfet du Val-de-Marne du 4 février 2020, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

6. D'autre part, l'arrêté contesté contient l'ensemble des motifs de droit et de fait qui constituent le fondement de chacune des décisions qu'il comprend, le préfet du Val-de-Marne n'étant pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances relatives à la situation personnelle de Mme C.... Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit ainsi être écarté. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la situation personnelle de Mme C... n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux.

Sur la décision de refus de séjour :

7. Aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ainsi qu'à : a) Son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin (...) b) Son conjoint ou son partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ; c) Ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ; d) Ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié (...) ". Aux termes de l'article L. 313-13 du même code, alors applicable : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit : 1° A l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ; 2° A son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin (...) 3° A son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ; 4° A ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ; 5° A ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile de Mme C... a été rejetée par une décision du 28 mai 2019 de l'OFPRA, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 mai 2020. Elle ne pouvait ainsi prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions mentionnées au point 7. Par ailleurs, le préfet du Val-de-Marne a relevé dans l'arrêté attaqué que Mme C... n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce que la requérante ne conteste pas sérieusement en se bornant à faire état d'une situation de " vulnérabilité ". Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation par le préfet du Val-de-Marne des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

9. A cet égard, Mme C... ne peut utilement soutenir que le refus de délivrance de titre de séjour et de renouvellement de son attestation de demande d'asile serait illégal, au motif que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas examiné sa vulnérabilité en application des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que seraient méconnues les exigences en matière d'accueil des demandeurs d'asile, dès lors que sa demande d'asile a été rejetée, le préfet du Val-de-Marne étant tenu de ne pas renouveler son attestation de demande d'asile en application de l'article R. 743-1 de ce code.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Val-de-Marne a pris en considération l'ensemble de la situation de Mme C.... Le préfet ne s'est ainsi pas estimé en situation de compétence liée par les décisions de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être écarté.

11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la demande d'asile présentée par Mme C... a été définitivement rejetée. Elle n'avait ainsi plus à la date de l'arrêté en litige la qualité de demandeur d'asile au sens du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Par suite, elle ne saurait utilement se prévaloir du principe de non-refoulement garanti par l'article 33 de la convention de Genève. Elle ne saurait pas plus utilement soutenir que le préfet du Val-de-Marne aurait méconnu l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En troisième lieu, dès lors que la demande d'asile de Mme C..., entrée en France en 2018 à l'âge de 22 ans avec sa mère avec laquelle elle n'aurait plus de contacts, a été rejetée, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de sa situation de demandeur d'asile. Mme C..., célibataire et sans charge de famille et qui n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle serait en situation d'accompagnant d'enfant malade, ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française. Si elle fait valoir qu'elle est sourde et muette, qu'elle a vécu son enfance dans un contexte de violence familiale et qu'elle aurait subi des discriminations en Russie, ces seules circonstances ne permettent pas de regarder l'obligation de quitter le territoire français comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

13. En quatrième lieu, dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions de refus de titre de séjour et de renouvellement de l'attestation de demande d'asile ne sont pas illégales, l'illégalité de ces décisions, invoquée par voie d'exception à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

15. Si Mme C... fait valoir qu'elle est sourde et muette, qu'elle a vécu son enfance dans un contexte de violence familiale et qu'elle aurait subi des discriminations en Russie, elle n'apporte aucun élément permettant de supposer qu'elle serait susceptible d'être soumise à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'intéressée, qui ne saurait sérieusement se prévaloir des " persécutions des femmes nigérianes victimes de la traite ", n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle craindrait des persécutions en raison d'une opinion politique imputée, sans autre précision quant à cette prétendue opinion politique. Enfin, Mme C... ne saurait sérieusement se prévaloir d'une situation de violence généralisée en Russie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2020 du préfet du Val-de-Marne. Ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2005150 du 12 juin 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de Mme C... devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONSLe greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03943
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : PESCHANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa03943 ?
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