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24/03/2022 | FRANCE | N°21PA05662

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 24 mars 2022, 21PA05662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2009448 du 7 octobre 2021 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Pierrot, demande à la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2009448 du 7 octobre 2021 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Pierrot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler, à titre principal, l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et l'a obligée à quitter le territoire français, et à titre subsidiaire, seulement l'obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est à cet égard entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est à cet égard entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entaché le refus de titre de séjour ;

- dès lors qu'elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne pouvait prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié en matière de séjour et d'emploi ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine, née en 1969, entrée en France en décembre 2007 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 16 octobre 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Melun, lequel, par un jugement du 7 octobre 2021, dont elle fait appel, a rejeté sa requête.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, alors que Mme A... B... ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait nouveau, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et du défaut d'examen de sa situation personnelle, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, devenu l'article L. 435-1 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

4. Alors que Mme A... B... soutient devant la Cour, comme elle le soutenait par la même argumentation devant le tribunal administratif, être entrée en France à la fin 2007 et s'y être maintenue habituellement depuis, les pièces versées au dossier, qui ne sont suffisantes en nombre qu'à partir de 2010, ne permettent pas de justifier de ses dix années de présence alléguée sur le territoire national à la date de la décision contestée. Il ressort en effet du dossier qu'elle produit des pièces, pour cette période, de manière discontinue pour chaque année. Ainsi, notamment, au titre de l'année 2010, elle justifie de pièces pour le mois de février, puis seulement à partir du mois de juin, de même pour l'année 2011, les seules pièces justifiant de sa présence effective en France, telles que des ordonnances médicales ou des opérations bancaires démontrant de rares mouvements sur son compte, ne sont produites, à l'exception d'un versement bancaire ponctuel au mois de janvier, qu'à compter du mois d'avril. Comme l'ont retenu les premiers juges, pour l'année 2018, sa présence effective n'est pas non plus justifiée tout au long de l'année, Mme A... B... ne produisant des pièces probantes que pour le mois de mars, puis mai, et enfin d'octobre à décembre. Ces pièces, alors qu'elle n'est pas dans une situation où elle peut justifier d'une stabilité sur le territoire par des quittances de loyer ou des bulletins de salaire, ne sont donc pas de nature à établir qu'elle n'aurait pas quitté le territoire national, et que sa présence aurait été continue en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ne consultant pas, préalablement à celle-ci, la commission du titre de séjour.

5. En troisième lieu, contrairement à ce que fait valoir Mme A... B..., il lui appartient de justifier en vertu des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale, comme elle indique l'avoir demandé. La seule durée de son séjour en France ne saurait constituer de telles circonstances. Si elle se prévaut de sa maîtrise du français, et de la présence de sa sœur, de nationalité française, ces circonstances, alors qu'elle est célibataire et sans enfant à charge sur le territoire national et n'y justifie pas d'une particulière intégration, n'établissant pas non plus être dépourvue d'attaches familiales ou personnelles au Maroc où elle a vécu pendant près de 40 ans, ne sont pas plus susceptibles de relever de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté, de même que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard de celles-ci.

6. En quatrième lieu, aux termes de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ", et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, devenu l'article L. 423-23 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...)".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... B... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris l'arrêté litigieux. Le moyen tiré d'une violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté. De même, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs, ainsi que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte d'obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.

9. Mme A... B... ne pouvant prétendre, comme il a déjà été exposé, à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet ne pouvait prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

10. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment exposés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2020 du préfet du Val-de-Marne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Renaudin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05662
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PIERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-24;21pa05662 ?
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