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01/04/2022 | FRANCE | N°21PA00719

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 avril 2022, 21PA00719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 13 janvier 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2100670 du 18 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer sans délai à Mme D... le visa de régularisation de huit jours mentionné à l'article L. 213-9 du co

de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 13 janvier 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2100670 du 18 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer sans délai à Mme D... le visa de régularisation de huit jours mentionné à l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2021, le ministre de l'intérieur, représenté par la SCP Saidji Moreau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100670 du 18 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à Mme D..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri,

- et les observations de Me Ben Hamouda, avocate du ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 13 janvier 2021, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'entrée en France au titre de l'asile présentée par Mme D..., ressortissante de la République démocratique du Congo née en 1995. Par un jugement du 18 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer sans délai à Mme D... le visa de régularisation de huit jours mentionné à l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : / [...] 3° [...] la demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves [...] ".

3. Pour annuler la décision en litige comme méconnaissant les dispositions alors codifiées à l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a relevé que Mme D... soutenait que, après le décès de son père, elle avait vécu avec sa mère sous l'autorité de son oncle maternel, qu'elle avait été promise à un cousin plus âgé exerçant le métier de commerçant, et qu'après que cet homme, avec lequel elle avait entretenu des relations sexuelles depuis qu'elle était âgée de 13 ans, s'était opposé à ce qu'elle poursuive des études, elle avait décidé de fuir son pays avec l'aide de sa mère. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de l'entretien que Mme D... a eu, le 13 janvier 2021, avec un officier de protection de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), que l'intéressée est demeurée très imprécise sur les menaces dont elle soutenait faire l'objet et sur les risques auxquels elle serait exposée dans son pays d'origine. A cet égard, l'OFPRA, qui a émis un avis défavorable à l'entrée de Mme D... sur le territoire français, relève que ses déclarations, très sommaires, sont dénuées de tout élément crédible et circonstancié, tant en ce qui concerne la coutume à laquelle sa famille entendrait la soumettre - alors que l'intéressée a semblé hésitante quant à sa région d'origine - l'identité de l'homme avec laquelle sa famille souhaiterait la forcer à se marier, les relations qu'elle aurait entretenues avec cet homme, que les circonstances exactes du projet de mariage forcé. Par ailleurs, l'Office indique que Mme D... a apporté peu de précision quant aux conditions dans lesquelles sa sœur, dont elle a allégué qu'elle aurait été confrontée à un projet similaire, serait décédée. Compte tenu de ces éléments, c'est sans méconnaître les dispositions alors codifiées à l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre de l'intérieur a estimé que la demande d'asile présentée par Mme D... était manifestement infondée. Il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 13 janvier 2021.

4. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme D... :

5. En premier lieu, la décision contestée a été signée par Mme C... B..., adjointe à la cheffe du département de l'accès à la procédure d'asile, qui avait reçu délégation pour ce faire par un arrêté du 24 août 2020 régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 4 septembre suivant. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque donc en fait et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. La décision en litige, après avoir visé, notamment, la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et le code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 213-8-1, fait état de la situation de Mme D..., telle que l'intéressée l'a exposée devant les services de l'OFPRA. Elle indique également, d'une part, que " les déclarations de Mme D... sont dénuées de tout élément circonstancié, que son récit revêt un caractère sommaire et fort peu spontané, que si elle soutient avoir, en vertu d'une coutume, été promise à un cousin dès son plus jeune âge, elle demeure fort évasive lorsqu'il lui est demandé d'apporter des informations sur cette coutume, qu'elle se révèle hésitante [...] s'agissant de ses origines [...], qu'elle se montre tout aussi imprécise tant en ce qui concerne le choix dudit prétendant que l'identité et la situation de ce dernier, se limitant à énoncer des généralités [...], qu'elle ne livre pas davantage d'éléments factuels quant aux actions entreprises par sa mère, se contentant d'indiquer que celle-ci était également opposée à ladite union [...] ", et qu'il " résulte de l'ensemble de ces éléments que sa demande est manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves exprimé en cas de retour dans son pays ". Ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.

8. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 723-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office peut décider de procéder à l'entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : 1° Lorsque le demandeur est dans l'impossibilité de se déplacer, notamment pour des raisons de santé ou des raisons familiales ; / 2° Lorsqu'il est retenu dans un lieu privatif de liberté ; / 3° Lorsqu'il est outre-mer [...] ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien de Mme D... avec les services de l'OFPRA aurait eu lieu dans des conditions irrégulières. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que cet entretien a eu lieu par visioconférence, ainsi que le permettent les dispositions alors codifiées à l'article R. 723-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait empêché l'intéressée d'exprimer clairement sa situation. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la durée de cet entretien, de 41 minutes, aurait été insuffisante au regard des éléments dont Mme D... entendait se prévaloir. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de Mme D....

11. En cinquième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1. / Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre ".

12. Mme D... soutient que le procès-verbal de l'entretien avec l'officier de protection ne lui a pas été communiqué en même temps que l'arrêté contesté. Toutefois, l'absence de communication de ce procès-verbal, si elle fait obstacle au déclenchement du délai de recours et à l'exécution d'office de la décision ministérielle de refus d'entrée au titre de l'asile, est sans incidence sur la légalité de cette décision. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la communication tardive, au cours de la procédure contentieuse devant le tribunal administratif de Paris, du procès-verbal de son audition devant l'OFPRA, entacherait d'illégalité la décision en litige.

13. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment au point 3 que Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle pourrait être soumise à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Par ailleurs, Mme D... n'est pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions alors codifiées à l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, concernant l'octroi de la protection subsidiaire.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 janvier 2021 et lui a enjoint de délivrer sans délai à Mme D... le visa de régularisation de huit jours mentionné à l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de de ce jugement, et le rejet des conclusions de la demande présentée par Mme D... devant le tribunal.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100670 du 18 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 1er avril 2022.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00719 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00719
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SCP SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-01;21pa00719 ?
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