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13/04/2022 | FRANCE | N°21PA02108

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 13 avril 2022, 21PA02108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2103323/8 du 25 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris, après

avoir admis Mme F... A... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2103323/8 du 25 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris, après avoir admis Mme F... A... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dès la notification du jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 avril 2021 et le 24 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103323/8 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... C... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par Mme E... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, Mme A... C..., représentée par Me Gardes, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de rejeter la requête du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le moyen soulevé par le préfet de police n'est pas fondé ;

- l'auteur de l'arrêté attaqué est incompétent ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 29 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jurin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante congolaise, née le 22 décembre 1992, est entrée en France le 6 juin 2019 selon ses déclarations et a présenté une demande d'asile le 2 septembre 2019, qui a été rejetée par une décision du 17 août 2020 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Son recours contre cette décision a été rejeté par une décision du 25 janvier 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Tirant les conséquences de l'ensemble de ces décisions, le préfet de police a, par un arrêté du 28 janvier 2021, fait obligation à Mme A... C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, le préfet de police relève appel du jugement n° 2103323/8 du 25 mars 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, après avoir admis Mme A... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé son arrêté du 28 janvier 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... C... et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 29 juillet 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont donc devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

3. Le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, dispose : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1 , lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de police du 28 janvier 2021, le premier juge a relevé qu'il n'était pas établi que la décision de la CNDA rejetant son recours contre la décision de l'OFPRA lui avait été notifiée avant l'adoption de l'arrêté contesté.

5. Toutefois, par une décision du 25 janvier 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours formé par Mme A... C... contre la décision du 17 août 2020 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait rejeté sa demande d'asile. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision a été rendue par ordonnance, la circonstance qu'elle ait été ou non notifiée à l'intéressée est sans incidence sur son droit à son maintien sur le territoire français, qui prenait fin, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à compter de sa date de lecture. Ainsi, Mme A... C... pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il suit de ce qui a été dit au point 5 que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 28 janvier 2021.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... C... devant le tribunal.

Sur les autres moyens soulevés en première instance et en appel :

8. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-01102 du 28 décembre 2020 régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 5 janvier 2021, le préfet de police a donné délégation à M. B... D..., attaché d'administration de l'Etat, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

10. La décision contestée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment le 6° du I de son article L. 511-1. Elle mentionne en outre la nationalité et la date de naissance de Mme A... C... ainsi que celle de son entrée en France, précise que l'intéressée a sollicité l'asile et que sa demande a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 17 août 2020, confirmée par une décision de la CNDA du 25 janvier 2021. Elle indique également que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté. Une telle motivation révèle qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.

11. En troisième lieu, Mme A... C... fait valoir qu'il est dans l'intérêt de sa fille de demeurer en France où elle bénéficiera d'un environnement social et familial exempt de violences. Toutefois il ressort des pièces du dossier que la requérante et sa fille sont entrées récemment en France. Elle n'établit ni même n'allègue ne plus disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. En outre, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et la nature de ses attaches en France ou que la cellule familiale qu'elle constitue avec sa fille ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté ne porte pas au droit de Mme A... C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Si Mme A... C... affirme qu'il y a un risque que sa fille et elle soient exposées à des traitements contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, les éléments produits ne permettent pas d'établir la réalité, le caractère personnel et direct des risques que la requérante et sa fille courraient en cas de retour dans leur pays d'origine. Au demeurant, ses allégations n'ont pas été retenues comme établies ni probantes tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays dont elle a la nationalité pour destination de son éloignement méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, ce moyen, qui n'est opérant qu'à l'encontre de l'arrêté attaqué en tant qu'il fixe le pays de destination de l'éloignement de la requérante, doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 janvier 2021, lui a enjoint de délivrer à Mme A... C... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu en conséquence d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions de sa demande auxquelles il a été fait droit en première instance ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour, y compris celles à fin d'injonction et celles au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que Mme A... C... soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2103323/8 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A... C... devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles il a été fait droit en première instance et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.

La rapporteure,

E. JURIN Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02108
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité interne. - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : GARDES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-13;21pa02108 ?
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