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12/05/2022 | FRANCE | N°20PA02617

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 mai 2022, 20PA02617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, la société Entreprise Guy Challancin, représentée par Me Gaston du cabinet BFG (Aarpi), a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris à lui verser la somme de 12 632,17 euros correspondant à 21 factures impayées en exécution du marché de service de nettoyage des locaux, la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 84

0 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, la société Entreprise Guy Challancin, représentée par Me Gaston du cabinet BFG (Aarpi), a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris à lui verser la somme de 12 632,17 euros correspondant à 21 factures impayées en exécution du marché de service de nettoyage des locaux, la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 840 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

Par un jugement n° 1907359/3-3 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné le CROUS de Paris à verser à la société Challancin la somme de 13 239,23 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, et la somme de 680 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 2 juin 2021, le CROUS de Paris, représenté par Me Pierre MOREAU, demande à la Cour :

- d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamné au paiement des dix-sept factures litigieuses pour un montant de 13 239,23 € TTC mais de le confirmer sur les autres demandes de la société Guy Challancin, notamment le rejet de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- de rejeter la demande formée par la société Guy Challancin comme étant mal fondée à l'exception de la demande, déjà exclue par le jugement attaqué, portant sur les trois factures n°SO10031893, n°1221682, n°1222671 et 1222672 ;

- de condamner la société Guy Challancin à lui verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- les stipulations du cahier des clauses administratives particulières priment sur celles du cahier des clauses administratives générales des marchés de fournitures courantes et services (CCAG-FCS) de sorte que c'est à tort que le tribunal administratif a appliqué les articles 22.1 et 22.3 du CCAG-FCS qui prévoient une obligation pour le pouvoir adjudicateur d'informer le titulaire du marché des dates et heures des opérations de vérifications ; or en application de l'article 8.2.2.3 du CCAP, des contrôles inopinés peuvent être menés, comme ce fut le cas en l'espèce, sans obligation d'avertir l'entreprise des dates et heures des vérifications ;

- le CCAP déroge sur ce point au CCAG-FCS et il doit primer sur le CCAG dès lors qu'existe une contradiction entre les deux documents en ce qui concerne l'exigence d'une procédure contradictoire ;

- les contrôles inopinés visés à l'article 8.2.2.3 du CCAP n'ont pas à être précédés d'un préavis et le délai de douze jours invoqué par l'entreprise ne concerne que la convocation délivrée en conséquence du contrôle inopiné ; l'article 16 du CCAG-FCS de 2009 prévoit d'ailleurs expressément la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d'avoir accès aux lieux d'exécution du marché ;

- l'obligation de résultat pesant sur la société Challancin en vertu de l'article 5-1 du CCAP et l'article 13 du même CCAP selon lequel seules les prestations correctement exécutées donnent lieu à paiement, de même que le principe tiré de la jurisprudence Mergui du Conseil d'Etat, qui s'applique aux marchés publics, s'opposent au paiement des factures restées en litige ;

- la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive doit être écartée dès lors qu'aucun mauvais vouloir du CROUS n'est caractérisé en l'espèce et qu'aucun préjudice distinct n'est démontré.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 20 mai 2021 et 15 juin 2021, la société Guy Challancin conclut au rejet de la requête, à la condamnation du CROUS à lui payer la somme de 12.632,17 € TTC assortie des intérêts à compter de la date d'échéance de chacune des factures, soit la somme de 906,62 euros ainsi que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 € par facture, soit la somme de 840 €, enfin une somme de 5000 euros pour résistance abusive et à ce qu'une somme de 3500 euros soit mise à la charge du CROUS sur le fondement de l'article L. 751-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordre de prévalence des actes ne s'applique qu'en cas de contradiction entre le CCAG et le CCAP du marché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que le CCAP se borne à prévoir des contrôles inopinés, ce que ne fait pas le CCAG-FCS ;

- l'article 8.2.2.3 du CCAP ne trouve pas à s'appliquer, puisqu'aucune dégradation ni gêne dans le fonctionnement du service n'est alléguée ;

- en tout état de cause, la procédure prévue à cet article n'a pas été respectée dès lors qu'elle impose un constat contradictoire avec un préavis de douze heures, après le contrôle inopiné ;

- le défendeur a fait preuve d'une résistance abusive à l'origine d'un préjudice, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts ;

- les intérêts de retard sont dus à hauteur de 906,62 euros en application de l'article 1er du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;

- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 en son article 40 prévoit une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement laquelle a été fixée à 40 € par facture, soit au total en l'espèce 840 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics,

- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière,

- le décret n°2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique,

- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services annexé à l'arrêté du 19 janvier 2009,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers, présidente,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public

- et les observations de Me Ben Hamouda représentant le CROUS de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Entreprise Guy Challancin a, le 30 juin 2014, conclu avec le centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Paris (" CROUS de Paris ") et pour une durée de douze mois reconductible trois fois, un marché de service de nettoyage et entretien de ses locaux et résidences à compter du 1er juillet 2014. La société Entreprise Guy Challancin a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande de condamnation du CROUS de Paris à lui verser une somme totale de 14 378,79 euros TTC correspondant au préjudice matériel qu'elle estimait avoir subi du fait de l'absence de règlement d'une partie des factures émises dans le cadre de l'exécution de ce marché. Par la présente requête, le CROUS de Paris fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif l'a condamné à payer une somme de 13 239,23 euros TTC assortie des intérêts moratoires, après avoir rejeté la demande portant sur trois factures, soit déjà réglées, soit relatives à des prestations hors marché. Par un appel incident, la société Challancin demande la condamnation du CROUS de Paris à lui payer la somme de 12.632,17 euros TTC assortie des intérêts à compter de la date d'échéance de chacune des factures, soit la somme de 906,62 euros ainsi que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros par facture, soit la somme de 840 euros, enfin une somme de 5000 euros pour résistance abusive.

Sur l'appel principal du CROUS :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services (" CCAG-FCS ") : " Les stipulations du présent cahier des clauses administratives générales (CCAG) s'appliquent aux marchés qui s'y réfèrent expressément. / Ces marchés peuvent prévoir de déroger à certaines de ces stipulations. / Ces dérogations doivent figurer dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) qui comporte une liste récapitulative des articles du CCAG auxquels il est dérogé ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 4.1 : " En cas de contradiction entre les stipulations des pièces contractuelles du marché, elles prévalent dans l'ordre ci-après :- l'acte d'engagement et ses éventuelles annexes, dans la version résultant des dernières modifications éventuelles, opérées par avenant ;- le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et ses éventuelles annexes ;- le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et ses éventuelles annexes ;- le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux prestations objet du marché, si celui-ci vise ce cahier ;- le cahier des clauses techniques générales (CCTG) applicable aux prestations objet du marché, si celui-ci vise ce cahier ;- les actes spéciaux de sous-traitance et leurs avenants, postérieurs à la notification du marché ;- l'offre technique et financière du titulaire. ". Et aux termes de l'article 17 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), " En cas de contradiction entre le C.C.A.G. /F.C.S. et le présent C.C.A.P., les clauses contenues dans ce dernier prévaudront ".

4. S'agissant du CCAP, l'article 8.2.2.3 prévoit que " Le directeur d'un des sites du C.R.O.U.S. de Paris, ou son représentant, peut à tout moment, vérifier sur place dans les lieux d'exécution, que la prestation faisant l'objet du marché est exécutée d'une manière conforme. Les contrôles inopinés ont pour objet de réagir à une dégradation manifeste et de nature à gêner le fonctionnement des services. / Le contrôle inopiné portera, notamment, sur :

- la qualité des prestations, conformément aux critères énoncés dans le présent cahier des charges,

- le respect du planning mis en place par le titulaire dans le cadre de réponse technique,

- la vérification des moyens humains et matériels mis en place, conformément au cadre de réponse technique et à la liste des matériels et produits,

- l'efficacité du suivi et du contrôle des prestations par le responsable d'encadrement du personnel. / Les observations négatives seront prises en compte pour le calcul des réfactions de prix et des pénalités conformément aux dispositions des articles 13 et 14 du présent C.C.A.P. / En cas de dysfonctionnement, le directeur du site concerné convoque pour constat avec douze heures de préavis le responsable de l'encadrement du personnel par mail, fax ou téléphone, inscrit la nature du dysfonctionnement dans le cahier de liaison et met en demeure le titulaire de remédier au dysfonctionnement dans le délai prévu dans le cadre de réponse technique. ". Cette procédure de contrôle inopiné ne figure pas dans la liste des dérogations visées à l'article 1er du CCAG-FCS.

5. Enfin, aux termes de l'article 14 du CCAP : " Vérifications et réfactions. 14.1 Opérations de vérification. Les vérifications et l'admission des prestations ont lieu conformément aux articles 22 à 25 du CCAG FCS. Les modalités de contrôles effectués par l'administration sont décrites à l'article 8 du présent CCAP. La décision d'admission, d'ajournement, de réfaction, ou de rejet est prise par le directeur du site concerné. ". Or l'article 22.3 du CCAG FCS prévoit que le pouvoir adjudicateur avise le titulaire des jours et heures fixés pour les vérifications, afin de lui permettre d'y assister ou de se faire représenter.

6. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces clauses que les contrôles inopinés prévus à l'article 8.2.2.3 du CCAP constituent une modalité de contrôle des prestations, laquelle ne dispense pas du respect, dans un second temps, de la procédure dite " vérification " permettant de procéder au constat contradictoire des éventuels manquements relevés lors de contrôles inopinés, sans que les deux procédures puissent être regardées comme contradictoires au sens de l'article 17 du CCAP.

7. Ainsi, à défaut d'avoir respecté la procédure de vérification, le directeur des sites concernés ne pouvait rejeter les factures, restant en litige, présentées par la société Guy Challancin. Dès lors, ces sommes étaient dues par le CROUS, qui ne peut donc utilement se prévaloir de ce que la totalité ou certaines des prestations correspondant à ces factures n'ont pas été effectuées ou, pour certaines, pas correctement.

8. Il résulte de ce qui précède que le CROUS de Paris n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à payer à l'entreprise Challancin la somme de 13 239,23 euros TTC assortie des intérêts moratoires.

Sur l'appel incident de la société Challancin :

9. En premier lieu, la société demande que la somme de 12.632,17 € TTC qu'elle estime lui être due au titre des factures impayées soit assortie des intérêts à compter de la date d'échéance de chacune des factures, pour un montant de 906,62 euros. Elle sollicite à ce titre la confirmation du jugement. En l'absence de contestation du mode de calcul des intérêts retenus par le tribunal aux points 10 à 12 de son jugement, et dès lors que l'appel principal du CROUS de Paris est rejeté, les présentes conclusions de la société Challancin, qui a déjà obtenu satisfaction sur ce point, ne peuvent qu'être rejetées.

10. En deuxième lieu, l'entreprise Challancin sollicite la condamnation du CROUS de Paris à lui payer l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue par l'article 40 de la loi du 28 janvier 2013, d'un montant de 40 € par facture, soit la somme de 840 €. Toutefois, elle ne conteste pas le jugement attaqué, dont elle demande d'ailleurs la confirmation, en ce qu'il a retenu que seules dix-sept factures restaient dues. Elle n'est donc pas fondée à demander une somme supérieure à celle de 680 euros à laquelle le CROUS de Paris a été condamné à lui verser par le tribunal administratif.

11. Enfin, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la société Challancin ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui causé par le retard de paiement des dix-sept factures du marché, qui est intégralement réparé par le versement des intérêts moratoires. Sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour résistance abusive doit donc être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

12. D'une part, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Challancin, qui n'est pas la partie principalement perdante, au titre des frais exposés par le CROUS de Paris. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Challancin présentées, sur le même fondement, à l'encontre du CROUS de Paris.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la société Guy Challancin et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris et à la société Guy Challancin.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022.

La présidente-rapporteure,

M. A...La présidente-assesseure

C. BRIANÇONLa greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA02617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02617
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : GASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-12;20pa02617 ?
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