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12/05/2022 | FRANCE | N°21PA05048

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 mai 2022, 21PA05048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Arc-de-Triomphe et la société Axa France, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la société Arc de Triomphe, ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à verser la somme de 20 905, 21 euros à la société Axa France et la somme de 1 105, 90 euros à la société Arc-de-Triomphe , en réparation des préjudices que la société Arc-de-Triomphe estime avoir subis du fait des dommages occasionnés par des manifestants à un local dont elle est propriétaire, l

e 24 novembre 2018.

Par un jugement n° 2005595, 2005690/3-1 du 15 juillet 2021, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Arc-de-Triomphe et la société Axa France, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la société Arc de Triomphe, ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à verser la somme de 20 905, 21 euros à la société Axa France et la somme de 1 105, 90 euros à la société Arc-de-Triomphe , en réparation des préjudices que la société Arc-de-Triomphe estime avoir subis du fait des dommages occasionnés par des manifestants à un local dont elle est propriétaire, le 24 novembre 2018.

Par un jugement n° 2005595, 2005690/3-1 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à leur demande en condamnant l'Etat au paiement de la somme de 20 905, 21 euros à verser à la société Axa France et de la somme de 502, 22 euros à verser à la société Arc-de-Triomphe .

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2021 et le 14 avril 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par les sociétés Axa France et Arc de Triomphe.

Il soutient que :

- le lien de causalité entre les dégradations constatées sur le local de la société Arc de Triomphe et la manifestation du 24 novembre 2018 n'est ni direct ni certain en l'absence d'élément au dossier permettant d'établir avec certitude l'heure à laquelle les délits ont été commis ou d'en identifier les auteurs ;

- la société Axa France n'est pas fondée à solliciter le remboursement des frais d'expertise qu'elle aurait exposés dès lors qu'elle ne présente aucune conclusion tendant à l'indemnisation d'un préjudice propre ;

- la société Arc-de-Triomphe n'est pas fondée à demander le remboursement de la franchise contractuelle restée à sa charge ni des frais de surveillance et de gardiennage qu'elle aurait exposés, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle s'en serait acquittée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2022, les sociétés Axa France et SNC Arc-de-Triomphe concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour :

1°) de condamner l'Etat à payer à la société Axa France la somme de 21 685,21 euros, et à la société Arc-de-Triomphe la somme de 1 105, 90 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le lien de causalité entre la manifestation et les dommages causés au local de la société Arc de Triomphe est caractérisé ;

- les dégradations commises sont le fait de " gilets jaunes " ;

- la circonstance que le local de la société Arc-de-Triomphe soit situé en dehors du parcours déclaré de la manifestation ne permet pas d'exclure la responsabilité de l'Etat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion de la manifestation des " Gilets Jaunes " qui s'est tenue le 24 novembre 2018, les locaux de la société Arc-de-Triomphe, situés sis 73 avenue Marceau et assurés auprès de la société Axa France, ont été dégradés. La société Arc-de-Triomphe et la société Axa France, agissant en qualité d'assureur subrogé dans les droits de la société Arc-de-Triomphe, ont saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 20 905, 21 euros et de 1 105,90 euros, en réparation des préjudices résultant des dommages occasionnés par des manifestants au local dont elle est propriétaire, le 24 novembre 2018. Par un jugement du 15 juillet 2021, dont le préfet de police demande l'annulation, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à leur demande. La société Arc-de-Triomphe et son assureur Axa France demandent, pour leur part, que soit portée à 21 685,21 euros l'indemnisation accordée à Axa France et à 1 105,90 euros celle accordée à la société Arc-de-Triomphe.

Sur l'appel principal et la responsabilité de l'Etat :

2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. (...) ".

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que si la manifestation du 24 novembre 2018 s'est principalement déroulée sur le rond-point de l'Etoile, des heurts ont été constatés sur tous les axes y convergeant. Il ressort notamment du procès-verbal d'ambiance qu'aux alentours de 19 heures, les forces de l'ordre ont été déployées sur l'intégralité de ces axes et notamment sur l'avenue Marceau. Par ailleurs, la seule circonstance que le procès-verbal de dépôt de plainte ne mentionne pas d'heure précise de commission des dégradations ne peut suffire à écarter l'existence d'un lien de causalité avec les évènements du 24 novembre 2018 dès lors que ces dégradations ont été commises concomitamment au passage de la manifestation. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments au dossier de nature à établir que ces dégradations auraient été le fait de groupes constitués dans le seul but de commettre ces délits, la responsabilité sans faute de l'Etat doit être engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat au paiement de la somme de 20 905,21 euros à verser à la société Axa France et de la somme de 502, 22 euros à verser à la société Arc-de-Triomphe.

Sur l'appel incident et l'évaluation des préjudices :

5. En premier lieu, si la société Axa France demande en appel que soit portée à 21 685,21 euros l'indemnisation accordée par le jugement attaqué, elle ne justifie avoir versé à son assurée que la somme de 20 905,21 euros. Par suite, sa demande doit être rejetée.

6. En deuxième lieu, la société Axa France sollicite à nouveau en appel, le remboursement de la somme de 780 euros correspondant aux frais d'expertise qu'elle soutient avoir supportés. Toutefois, si elle produit une facture de ce montant, elle n'apporte pas la preuve de son règlement. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.

7. En troisième lieu, la société Arc-de-Triomphe demande que soit portée à 1 105,90 euros le montant de l'indemnisation qui lui a été accordée par le tribunal administratif à hauteur de seulement 502,22 euros, sans apporter d'éléments nouveaux de nature à justifier ce montant. Par suite, sa demande doit être rejetée par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 11 de leur jugement.

8. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Axa France et Arc-de-Triomphe ne sont pas fondées à solliciter la réformation du jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le

15 juillet 2021.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 750 euros à verser à chacune des sociétés Axa France et Arc-de-Triomphe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 750 euros à chacune des sociétés Axa France et Arc-de-Triomphe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident des sociétés Axa France et Arc-de-Triomphe sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Arc-de-Triomphe et Axa France et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

La présidente-rapporteure,

M. A...La présidente-assesseure,

C. BRIANÇON

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05048
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL PHELIP et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-12;21pa05048 ?
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