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07/06/2022 | FRANCE | N°21PA06603

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 07 juin 2022, 21PA06603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

19 mai 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003709 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e et un mémoire complémentaire enregistrés le 23 décembre 2021 et le

25 février 2022, la préfète du Val...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

19 mai 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003709 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 23 décembre 2021 et le

25 février 2022, la préfète du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu que M. B... était arrivé en France sous couvert d'un visa valant titre de séjour ;

- l'intéressé devait solliciter un titre de séjour dans les deux mois à compter de son arrivée en France le 14 septembre 2019 ;

- l'obligation de quitter le territoire français sans délai pouvait être légalement fondée, par substitution de base légale, avec le même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé d'aucune garantie, sur les dispositions du 2° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, au lieu du 1° du même article ;

- aucun des moyens invoqués devant le tribunal par M. B... n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, M. B... représenté par Me Nessah demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête comme irrecevable ;

2°) à titre subsidiaire, de la rejeter au fond, et par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour " étudiant" dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 23 mai 2000, de nationalité algérienne, a été interpellé et placé en rétention administrative aux fins de vérification de son identité, le 18 mai 2020. Par un arrêté du

19 mai 2020, le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination vers lequel il sera éloigné et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le préfet du Val-de-Marne relève appel du jugement du 22 novembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2020 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 311-1 devenu l'article L.411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l'article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants :1° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an ; 2° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an, conférant à son titulaire, en application du troisième alinéa de l'article L. 211-2-1, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21 et aux I et II de l'article L. 313-24 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an ; (...). ". Aux termes du I de L.511-1 devenu L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; ".

3. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal a estimé que M. B... établit être entré sur le territoire français sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour " étudiant ", qu'il est régulièrement inscrit en deuxième année de licence économie-gestion au sein de l'Université Paris-Saclay et a entamé des démarches pour l'obtention d'un certificat de résidence " étudiant " mais que ses tentatives se sont révélées infructueuses du fait des mesures de confinement liées au Covid 19, que l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en litige ne mentionne pas ces circonstances mais au contraire fait état d'une entrée irrégulière sur le territoire français.

4. Pour contester le jugement attaqué, le préfet du Val-de-Marne fait valoir que si M. B... est régulièrement entré sous couvert d'un visa en qualité d'étudiant, il n'avait pas engagé les démarches pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour dans les délais impartis et que les éléments dont M. B... se prévaut, dans le cadre de son audition et dans le cadre de la procédure contentieuse, ne permettent pas de regarder l'arrêté du 19 mai 2020 comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation, étant observé que cet arrêté ne souffre d'aucune illégalité tant externe qu'interne.

5. Le préfet du Val-de-Marne a pris la décision d'obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 devenu L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que M. B... ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour. M. B... a produit dans le cadre de l'instance contentieuse son passeport dont il ressort qu'il est entré sur le territoire français le 14 septembre 2019 sous couvert d'un visa de type D mention " étudiant " valable du 8 septembre 2019 au 7 décembre 2019 et portant la mention " Carte de séjour à solliciter dans le délai de deux mois suivant l'arrivée ". Par suite, M. B... entre dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1. Ces dispositions peuvent être substituées à celles du 1° du I de l'article L. 511-1 dès lors que cette substitution de base légale a été sollicitée par le préfet. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a effectué les démarches pour obtenir un certificat de résidence que le 25 novembre 2019, soit avec 10 jours de retard, il a malgré tout obtenu un premier rendez-vous auprès de la préfecture le 30 janvier 2020 puis le 9 avril 2020 pour compléter son dossier et que ce dernier rendez-vous a de nouveau été reporté en raison de la situation sanitaire durant cette période. Ainsi, comme l'a relevé le tribunal, il était, à la date de l'arrêté attaqué, inscrit en deuxième année de licence économie-gestion au sein de l'Université Paris-Saclay au titre de l'année 2019-2020 et a été, compte tenu de son assiduité et de sa présence aux partiels, autorisé à redoubler. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 19 mai 2020.

Sur les conclusions incidentes à fin d'injonction présentées par M. B...:

7. Par l'arrêté litigieux le préfet du Val-de-Marne ne s'est pas prononcé sur une demande de titre de séjour. Par ailleurs, le présent arrêt qui confirme le jugement du tribunal n'implique aucune nouvelle mesure d'exécution, dès lors que le tribunal a enjoint au préfet de statuer à nouveau sur sa situation. Par suite, les conclusions incidentes à fin d'injonction sous astreinte présentées par

M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la requête d'appel du préfet du Val-de-Marne doit être rejetée ainsi que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B....

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : La requête du préfet du Val-de-Marne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte de M. B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

La rapporteure,

C. C...

L'assesseur le plus ancien,

P.MANTZ

Le greffier,

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°2106603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06603
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-07;21pa06603 ?
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