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17/06/2022 | FRANCE | N°20PA03418

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juin 2022, 20PA03418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2010685 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020, M. C..., représenté par Me G

ruwez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2010685 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Gruwez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation personnelle dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer au regard du moyen tiré de son ancienneté de séjour de dix ans sur le territoire français ;

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dès lors qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée et d'une promesse d'embauche pour un poste d'agent d'entretien, métier en tension pour lequel il dispose d'une expérience professionnelle de cinq ans ;

- il remplit les conditions posées par la circulaire dite " Valls " du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- il dispose d'une ancienneté de travail significative sur le territoire français ;

- la décision a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 28 janvier 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 30 décembre 1982, entré en France le 26 juin 2010 selon ses déclarations, a sollicité, le 27 juin 2019, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 18 juin 2020, le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient M. C..., il ressort des termes du jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par le requérant, notamment à celui tiré de son ancienneté de séjour alléguée de dix ans sur le territoire français, se sont prononcés de façon suffisamment précise sur tous les moyens soulevés par lui en première instance, et notamment, au point 4 du jugement, sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement manque en fait et doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'omission à statuer concernant l'argument tiré de l'ancienneté de séjour du requérant doit être également écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Les conclusions de M. C..., dirigées contre le jugement du 16 octobre 2020, doivent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme également dirigées contre la décision du 18 juin 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, et désormais codifié à l'article L. 435-1 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

6. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " mentionnée au 1° de l'article L. 313-10. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... se prévaut, d'une part, d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er février 2019 en qualité d'employé libre-service avec la SARL Aniss, société pour laquelle il travaillait sous couvert d'un contrat à durée déterminée depuis le 9 novembre 2017 et, d'autre part, d'une lettre de motivation valant promesse d'embauche en qualité d'agent de nettoyage polyvalent de la société Propreté Alpha Oméga, en date du 7 février 2019. Il ressort des pièces du dossier que M. C... avait également travaillé entre juillet 2015 et juin 2017 pour le compte de la société SARL New Base Jugavil en qualité d'agent d'entretien. Toutefois, de tels éléments ne permettent pas de faire regarder le requérant comme justifiant d'une intégration professionnelle stable sur le territoire français, alors d'ailleurs que la profession qu'il exerce ne présente aucune spécificité. En outre, et à supposer même que l'intéressé réside en France de manière continue depuis l'année 2010, il ne conteste pas avoir fait l'objet de trois précédentes décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées, en 2012, 2014 et 2017. Enfin, le requérant est célibataire sans charges de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment sa mère. Par suite, l'intéressé ne saurait justifier de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 précité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

8. En second lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir des critères de régularisation prévus par la circulaire NOR INTK1229185 C du 28 novembre 2012 qui est dépourvue de caractère réglementaire et ne comporte pas de lignes directrices dont les administrés pourraient se prévaloir devant le juge administratif.

9. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. C... est célibataire sans charges de famille en France et n'établit être dépourvu d'attaches familiales en Côte d'Ivoire où réside notamment sa mère et où il a vécu jusque l'âge de 28 ans. En outre, la circonstance qu'il résiderait en France depuis l'année 2010, à la supposer établie, n'est pas en elle-même de nature à lui ouvrir un droit au séjour, alors au surplus qu'il ne conteste pas avoir fait l'objet de trois précédentes décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées, ainsi qu'il a été également dit. Enfin, il ne justifie pas non plus d'une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03418 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03418
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SOCIÉTÉ SAINT GEORGES CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-17;20pa03418 ?
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