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29/06/2022 | FRANCE | N°21PA03003

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 juin 2022, 21PA03003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ACC Assurances a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement nos 1914281/1-2, 1914276/1-2 du 6 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2021, la société ACC Assurances, représentée

par Me Gérard Krief, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Pari...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ACC Assurances a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement nos 1914281/1-2, 1914276/1-2 du 6 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2021, la société ACC Assurances, représentée par Me Gérard Krief, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 avril 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement ayant condamné M. A... n'a pas été produit ;

- la nature de l'activité illicite n'est pas clairement identifiée ; elle est le fait d'un salarié ;

- la déclaration 2011 a été déposée dans les délais ; les déclarations 2012 et 2013 ont été déposées ;

- le délai de reprise décennal n'était pas applicable ;

- les sommes en cause ne constituent pas des produits d'exploitation ; elles ont été remboursées en 2014 ;

- dès lors qu'elle n'a pas elle-même d'activité illicite, et que la déclaration 2011 a été déposée dans les délais, les pénalités ne sont pas applicables ;

- la différence entre les intérêts appliqués et les intérêts au taux légal n'a pas été motivée;

- le montant des revenus appréhendés par M. A... n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

30 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société ACC Assurances, dont M. A... était l'unique associé-gérant jusqu'au 14 juin 2017, et qui exerce une activité de courtage en assurances, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos de 2007 à 2014. Par une proposition de rectification du 23 août 2017, l'administration lui a notamment notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011 à 2013. La société ACC Assurances relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'existence des détournements de fonds :

2. Il résulte des éléments transmis à l'administration fiscale par l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales que M. A..., en sa qualité de gérant de la société ACC Assurances, a encaissé à partir de 2011 des chèques d'indemnisation, émis par les sociétés d'assurances dont la société ACC Assurances plaçait les produits suite à de fausses déclarations de sinistres établies au nom de ses clients. Les faits constatés dans les procès-verbaux réalisés à l'occasion de l'instruction pénale menée à l'encontre de M. A... ne font d'ailleurs, à cet égard, l'objet d'aucune contestation sérieuse. Ainsi et alors même que le jugement ayant condamné M. A... n'a pas été produit et que la note d'audience du Tribunal correctionnel de Paris du 2 décembre 2015 ne fait état que d'une condamnation pour blanchiment, les faits reprochés à M. A..., en sa qualité de gérant de la société requérante, permettent d'identifier l'exercice d'une activité illicite de détournement de fonds, et ce, quand bien même ils ont été commis à l'occasion de l'exercice par la société ACC Assurances de son activité habituelle.

En ce qui concerne la prescription de l'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite./ Le droit de reprise mentionné au deuxième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. (...) ".

4. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société ACC Asurances, qui exerçait une activité déclarée de courtages en assurances, a en outre procédé, au cours des années en cause, à divers détournements de fonds. La pratique consistant à détourner des fonds, distincte, eu égard à son objet, de l'activité de courtier en assurances, et qui revêtait un caractère illicite, doit, contrairement à ce qui est soutenu, être regardée comme une activité occulte au sens des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Il est constant que la société ACC Assurances n'a pas déposé de déclaration au titre de cette activité occulte. Le délai de reprise décennale était donc applicable à l'ensemble des impositions en litige, sans que la société requérante puisse utilement faire valoir que sa déclaration relative à son activité déclarée a été déposée dans les délais au titre de l'exercice clos en 2011 et tardivement au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

En ce qui concerne les montants taxables :

5. En vertu des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Les impositions en litige ayant été établies d'office, la charge de la preuve de l'exagération des impositions incombe donc à la requérante. La société requérante n'ayant pas répondu à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 23 août 2017, la charge de la preuve de l'exagération des impositions litigieuses lui incombe également en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales aux termes duquel : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

6. En se bornant à faire valoir que les sommes imposées ne constituent pas des produits courants d'exploitation, et qu'elles ont été remboursées en 2014, la société requérante ne conteste pas valablement le montant des bases qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Les considérations de la société requérante relatives aux impositions mises à la charge de son gérant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont sans influence sur les impositions litigieuses.

Sur les pénalités :

7. En premier lieu, l'intérêt de retard institué par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect, par les contribuables, de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Ainsi la décision mettant à la charge du contribuable cet intérêt de retard ne constitue ni une sanction fiscale au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, ni une sanction au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Ainsi, elle n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1728 1 c du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société ACC Assurances exerçait, au cours des années en cause, l'activité occulte de détournement de fonds. Elle n'est par suite pas fondé à contester les pénalités qui lui ont été appliquées de ce chef en faisant valoir qu'elle n'exerçait pas d'activité occulte.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société ACC Assurances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ACC Assurances est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ACC Assurances et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESME

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA03003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03003
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : KRIEF;KRIEF;KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-29;21pa03003 ?
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