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29/06/2022 | FRANCE | N°21PA06240

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 29 juin 2022, 21PA06240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A... D... et Mme E... C... épouse D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les deux arrêtés du 23 novembre 2020 par lesquels le préfet de police a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour leur éloignement.

Par un jugement nos 2109563 et 2109564/4-2 du 13 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris

a rejeté leurs demandes, après les avoir jointes.

Procédure devant la Cour :

I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A... D... et Mme E... C... épouse D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les deux arrêtés du 23 novembre 2020 par lesquels le préfet de police a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour leur éloignement.

Par un jugement nos 2109563 et 2109564/4-2 du 13 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes, après les avoir jointes.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2021 sous le n° 21PA06240, M. D..., représenté par Me Hug, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2109563 et 2109564/4-2 du 13 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2109563 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police n° 24274652 du 23 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Hug, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur compte tenu de l'indisponibilité en Arménie des traitements qui lui sont nécessaires ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus de séjour qui lui est opposé ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation particulière ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

II - Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2021 sous le n° 21PA06241, Mme C... épouse D..., représentée par Me Hug, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2109563 et 2109564/4-2 du 13 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2109564 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police n° 24274653 du 23 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Hug, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur compte tenu de l'indisponibilité en Arménie des traitements qui sont nécessaires à son époux ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus de séjour qui lui est opposé ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation particulière ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

M. D... et Mme C... épouse D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 5 novembre 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et son épouse, Mme C... épouse D..., tous deux ressortissants arméniens nés respectivement en 1959 et 1960, sont entrés ensemble en France le 12 août 2014 selon leurs déclarations. M. D... a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, à raison de son état de santé et son épouse Mme C... a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'accompagnante de son époux. Par deux arrêtés du 23 novembre 2020, le préfet de police a refusé de délivrer aux intéressés les titres demandés, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme D... font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés, après les avoir jointes.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 21PA06240 et 21PA06241 présentent à juger des questions similaires et sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne M. D... :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".

4. Il est constant que M. D... souffre d'un diabète de type II ayant engendré des complications ophtalmologiques, rénales, cardiaques et vasculaires multiples et sévères et que, ainsi que l'a relevé le collège des médecins dans son avis du 12 octobre 2020, le défaut de prise en charge médicale de celles-ci pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort ensuite des nombreuses prescriptions et certificats médicaux produits par M. D..., notamment ceux des 11 décembre 2020, 8 janvier, 21 janvier et 3 mars 2021 établis par différents praticiens hospitaliers assurant le suivi de M. D... depuis plusieurs années, que les pathologies dont il est atteint, ainsi que les suites de la transplantation rénale qu'il a subie en 2018, nécessitent un lourd traitement médicamenteux, notamment par l'administration d'un anti-rejet " Cellcept " qui est non substituable et un suivi pluridisciplinaire spécialisé, une nouvelle intervention vasculaire étant en outre envisagée. Alors que M. D... produit en appel une attestation du ministère de la santé arménien mentionnant l'indisponibilité en Arménie, y compris à la date de la décision attaquée faute de tout élément sur une évolution de la situation, du médicament " Cellcept ", et qu'il soutient sans être contesté que le second médicament " Advagraf " nécessaire à son traitement ne figure plus à la date de la décision contestée sur la liste des médicaments distribués en Arménie, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'état de santé de M. D... ou la disponibilité des soins qui lui sont nécessaires auraient évolué favorablement depuis le dernier renouvellement de son titre de séjour.

5. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixant le pays de destination pour son éloignement.

En ce qui concerne Mme D... :

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ".

7. Il est constant que la présence de Mme D... est nécessaire, à la date de la décision attaquée, auprès de son époux qui s'est vu reconnaître un taux d'invalidité de 50 à 79 % avec prise en charge à hauteur de 80 heures par mois d'un aidant familial pour les actes essentiels de l'existence, par une décision de la maison départementale des personnes handicapées de Paris du 11 décembre 2020. Dans ces conditions, et compte tenu de l'annulation prononcée au point 5, Mme D... est fondée à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixant le pays de destination pour son éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Compte tenu des motifs du présent arrêt, les annulations qu'il prononce impliquent nécessairement que soient délivrés à M. et Mme D... des titres de séjour mention " vie privée et familiale ". Par suite il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. D... et à Mme D..., chacun, ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés aux instances :

9. M. et Mme D... ont chacun obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, sous réserve que Me Hug, avocat de M. et Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hug de la somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés dans les deux instances.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 2109563 et 2109564/4-2 du 13 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris et les arrêtés n° 24274652 et n° 24274653 du 23 novembre 2020 par lesquels le préfet de police a rejeté les demandes de titre de séjour présentées par M. D... et Mme D... et leur ont fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination pour leur éloignement sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... et à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Hug, avocat de M. D... et Mme D..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Hug renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme E... C... épouse D..., à Me Elsa Hug, au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

La rapporteure,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21PA06240, 21PA06241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06240
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-29;21pa06240 ?
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