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30/06/2022 | FRANCE | N°21PA05563

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 30 juin 2022, 21PA05563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2115251/2-1 du 12 octobre 2021, le Tribunal administrati

f de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2115251/2-1 du 12 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Isabelle Calvo Pardo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2115251/2-1 du 12 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, le préfet de police a méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis des erreurs de fait et une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur de droit et de fait, dès lors que la menace à l'ordre public ne peut être retenue ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de menace à l'ordre public, sa durée étant disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 juillet 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si la résidence habituelle en France de M. B... depuis mai 2010 n'est pas contestée par le préfet de police, l'intéressé a vécu au Mali jusqu'à l'âge 28 ans et ne conteste pas s'être maintenu en situation irrégulière sur le territoire français malgré un refus de séjour portant obligation de quitter le territoire français du 20 février 2013, pris après rejet de sa demande d'asile. Il n'est pas plus contesté que M. B... est célibataire et sans charge de famille en France, la circonstance qu'il ait un frère qui réside régulièrement en France ne lui ouvrant aucun droit au séjour. S'il se prévaut de liens amicaux et professionnels et parle français, il ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française. Enfin, si M. B... fait valoir qu'il a travaillé dans les secteurs du nettoyage, de la restauration et du bâtiment et a payé ses impôts, les emplois allégués ne relèvent pas d'expérience, de spécificités ou de qualifications professionnelles particulières. Dans ces conditions, en l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de police aurait méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. A cet égard, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur de fait en estimant que la commission du titre de séjour avait rendu un avis défavorable à sa régularisation manque en fait, l'arrêté contesté ne comportant pas une telle mention. Par ailleurs, si M. B... soutient que le préfet de police aurait commis une erreur de fait en retenant une menace à l'ordre public, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'autorité administrative aurait pris la même décision sans se référer à une telle menace.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 3., M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".

8. M. B... s'étant légalement vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, ainsi qu'il a été dit précédemment, sans que la référence à une menace à l'ordre public, à la supposer erronée, change le sens de cette décision, il entrait ainsi dans le champ d'application du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de police a prononcé une obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

10. Il ressort de l'arrêté contesté que, pour refuser un délai de départ volontaire à M. B..., le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que le comportement de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public. Il se borne toutefois à se prévaloir de ce que le requérant a été intercepté à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle le 1er mai 2016 en possession d'un passeport malien et d'un titre de séjour français usurpés. Cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à établir que le comportement de M. B... constituait, à la date de l'arrêté attaqué, une menace pour l'ordre public, cet arrêté qualifiant au demeurant par ailleurs les faits de trouble à l'ordre public. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de police a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 10, le préfet de police a illégalement refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. B.... Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, celui-ci est dès lors fondé à soutenir, en se prévalant de ce qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, que c'est à tort que le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2021, en tant que cet arrêté lui refuse un délai de départ volontaire et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Ce jugement et cet arrêté doivent dès lors être annulés dans cette mesure. Le surplus des conclusions à fin d'annulation doit en revanche être rejeté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour ni de réexaminer la situation de l'intéressé au regard du droit au séjour. Les conclusions à fin d'injonction de M. B... doivent ainsi être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2115251/2-1 du 12 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2021, en tant que cet arrêté lui refuse un délai de départ volontaire et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2021 est annulé en tant qu'il refuse à M. B... un délai de départ volontaire et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONSLa greffière,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05563
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;21pa05563 ?
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