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20/07/2022 | FRANCE | N°22PA00257

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 juillet 2022, 22PA00257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par une ordonnance n° 2111676 du 29 octobre 2021, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2021 au greffe de la Cour administ

rative d'appel de Versailles, que le président de la 3ème chambre de cette juridiction a transmi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par une ordonnance n° 2111676 du 29 octobre 2021, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2021 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, que le président de la 3ème chambre de cette juridiction a transmise à la Cour par une ordonnance n° 21VE03491 du 18 janvier 2022, M. C..., représenté par Me Aucher, demande au juge d'appel :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2111676 du 29 octobre 2021 du président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 22 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande, qui comportait une critique du motif de la décision attaquée tiré de l'atteinte à l'ordre public, ne pouvait faire l'objet d'une ordonnance en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 452-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des soins nécessités par son état de santé ;

- il méconnaît l'article L. 423-23 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa vie privée et familiale en France ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant camerounais né en 1980 et entré en France en 2007 selon ses déclarations, a été mis en possession d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à raison de son état de santé, régulièrement renouvelé entre 2013 et 2021. Saisi d'une demande de renouvellement de ce titre sur le fondement des dispositions désormais codifiées à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par arrêté du 22 juin 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, au motif que sa présence en France représente une menace pour l'ordre public. M. C... fait appel de l'ordonnance par laquelle, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ".

3. Pour rejeter la demande de M. C... sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, l'ordonnance contestée relève que l'unique moyen de légalité externe soulevé est manifestement infondé et que les moyens de légalité interne sont inopérants, faute de toute critique du motif de la décision attaquée, fondé sur l'atteinte à l'ordre public.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... a soutenu dans le mémoire introductif de sa demande que l'arrêté du préfet était contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il invitait ainsi le premier juge, implicitement mais nécessairement, à mettre en balance les considérations d'ordre public retenues par le préfet avec l'intensité de sa vie privée et familiale en France, dont il se prévalait de manière circonstanciée en faisant état de ce qu'il y résidait depuis quatorze ans avec ses deux enfants. Dès lors que ce moyen n'était pas inopérant et était assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil ne pouvait rejeter la requête de M. C... en se fondant sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

5. Il y a dès lors lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2021.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

6. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". L'article L. 432-1 du même code dispose que : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

7. Il ressort des pièces du dossier que si, à la date de la décision attaquée, M. C... avait fait l'objet de trois condamnations pénales pour des faits commis en 2019 et 2020, ces condamnations, prononcées pour deux délits routiers et un délit de transfert de fonds non déclaré et blanchiment, n'ont donné lieu, respectivement, qu'à des peines de travaux d'intérêt général, d'emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de 500 euros, aucun des faits reprochés n'ayant par ailleurs porté atteinte aux personnes. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour au seul motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché l'arrêté attaqué d'une erreur d'appréciation, et à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, son annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, et alors qu'il est constant que, ainsi que l'a relevé le collège des médecins de l'OFII dans son avis du 5 février 2021, l'état de santé de M. C... nécessite pour une durée de 24 mois une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par suite il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais lés à l'instance :

9. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros qu'il demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2111676 du 29 octobre 2021 du président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 22 juin 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2022.

La rapporteure,

P. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00257
Date de la décision : 20/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-20;22pa00257 ?
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