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28/07/2022 | FRANCE | N°21PA05592

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 juillet 2022, 21PA05592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 4 août 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2116992/2-1 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 4 août 2021 et enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C... dans un dé

lai d'un mois suivant la notification du jugement, en lui délivrant une autorisation prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 4 août 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2116992/2-1 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 4 août 2021 et enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C... dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que la première juge a considéré que M. C... était fondé à soutenir que la décision attaquée était entachée d'erreur de droit ; en effet, d'une part, l'intéressé n'a pu produire un passeport en cours de validité à la date de la décision attaquée et, d'autre part, à supposer même qu'il apporte la preuve de son entrée régulière en France, sa décision peut en tout état de cause être fondée sur les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en lieu et place du 1° du même article, dès lors qu'une telle substitution n'a pas pour effet de priver le requérant de garanties de procédure ;

- en conséquence, c'est à tort que la première juge a considéré que la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois seraient illégales par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- c'est également à tort que la première juge a enjoint de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation ;

- le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public ;

- les arrêtés litigieux ont été signés par une autorité compétente ;

- ils sont suffisamment motivés et ne sont entachés d'aucun défaut d'examen de la situation personnelle de M. C... ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas le droit de M. C... à être entendu ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation et ne porte pas à l'intéressé une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- l'accord franco-algérien modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 5 mars 1986, est entré en France le 1er septembre 2019 sous couvert d'un visa Schengen, selon ses déclarations. Par deux arrêtés du 4 août 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Le préfet de police fait appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties Contractantes. Ce visa, dont la durée de validité est régie par l'article 11, peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Selon l'article 19 de cette convention : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". L'article 22 de cette même convention précise : " I- Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent./ Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ".

4. L'article R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de la convention de Schengen est souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain, par l'étranger, auprès des services de la police nationale, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. Sont toutefois dispensés de cette formalité, en vertu de l'article R. 621-4 du même code, les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. Lorsqu'un étranger entre ou séjourne sur le territoire métropolitain sans souscrire à la formalité de déclaration obligatoire s'il y est astreint, il peut, en vertu des dispositions de l'article L. 621-3 du même code, être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire ou dont il provient directement.

5. Aux fins d'établir qu'il est entré régulièrement en France le 1er septembre 2019, M. C... s'est borné à produire un passeport en cours de validité et un visa espagnol " Estados Schengen " (Etats Schengen), valable du 28 août 2019 au 26 septembre 2019. Toutefois, d'une part, l'intéressé n'a pas produit de page de son passeport comportant un tampon d'entrée sur le territoire français. D'autre part, il ne justifie pas non plus avoir souscrit la déclaration obligatoire prévue à l'article 22 précité de la convention d'application de l'accord de Schengen, à défaut de relever d'un des deux cas de dispense de cette formalité prévus à l'article R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a en outre pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, M. C... entrait dans le cas prévu au 1° de l'article L. 611-1 du même code, permettant à l'autorité préfectorale de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de base légale sollicitée par le préfet, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai contestée ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de ce que M. C... était entré régulièrement en France.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif :

7. En premier lieu, les décisions attaquées ont été signées par Mme E..., attaché d'administration de l'Etat, qui disposait d'une délégation de signature consentie à cet effet par l'arrêté du préfet de police de Paris n°2021-00377 du 30 avril 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, les arrêtés attaqués visent les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les dispositions du 1° de l'article L. 611-1, des articles L.612-1, L. 612-2 et L. 612-6 à L. 612-11 de ce code, et précise les motifs pour lesquels le préfet a obligé M. C... à quitter le territoire français sans délai ainsi que les raisons qui l'ont conduit à prononcer une interdiction de retour d'une durée de trois ans à son encontre. Ainsi, les arrêtés attaqués contiennent l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des arrêtés attaqués que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation de l'intéressé.

10. En quatrième lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour, principe général du droit de l'Union européenne, implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une telle décision. Il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été pris suite à l'interpellation de M. C..., qui a été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête de flagrance pour violences volontaires avec incapacité totale de travail inférieure à huit jours par auteur alcoolisé, au cours de laquelle il a été auditionné, le 4 août 2021, par un officier de police judiciaire. Il ressort du procès-verbal d'audition que l'intéressé a été mis en mesure de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir, notamment en ce qui concerne sa situation familiale et professionnelle. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

12. En cinquième lieu, si M. C... invoque une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, il n'apporte aucune précision utile de nature à permettre à la Cour d'apprécier le bien-fondé d'un tel moyen qui doit, par suite, être écarté.

13. En sixième lieu, si M. C... demande l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans, il n'invoque aucun moyen propre à l'encontre de ces décisions en dehors de ceux analysés aux points 7 à 9.

14. Enfin, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Les moyens invoqués par M. C... à l'encontre de la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français pendant un délai de trois ans n'étant pas fondés, pour les motifs énoncés ci-dessus aux points 7 à 9 et 13, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à demander l'effacement de ce signalement.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 4 août 2021 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C.... Par suite, il y a lieu d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2116992/2-1 du tribunal administratif de Paris du 30 septembre 2021 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05592
Date de la décision : 28/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-28;21pa05592 ?
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