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26/09/2022 | FRANCE | N°22PA01163

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 26 septembre 2022, 22PA01163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 décembre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté du 28 novembre 2008 prononçant son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 2102943/4-1 du 10 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2022, M. C..., représenté par Me Aucher, demande à la Cour :

1°) d'

annuler le jugement du 10 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 décembre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté du 28 novembre 2008 prononçant son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 2102943/4-1 du 10 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2022, M. C..., représenté par Me Aucher, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 14 décembre 2020 du préfet de police refusant d'abroger l'arrêté du 28 novembre 2008 prononçant son expulsion du territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'abroger l'arrêté du 28 novembre 2008 prononçant son expulsion du territoire français ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation au regard notamment de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son fils de nationalité française et âgé de

7 ans, qu'il vit en France depuis 1999 où vivent également ses frères et sœurs de nationalité française, qu'il justifie d'une vie commune, qu'il travaille et qu'il n'a pas fait l'objet d'autre condamnation pénale depuis 2008 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant camerounais né le 1er avril 1979, est arrivé en France en 1999, à l'âge de 20 ans, selon ses déclarations. Il a été condamné le 22 mai 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris à une peine d'emprisonnement de deux ans, dont dix mois avec sursis, pour agression sexuelle ayant entraîné une lésion ou une blessure ainsi qu'à une interdiction du territoire français d'une durée de dix ans. Il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion pris le 28 novembre 2008 par le préfet de police sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur au motif que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public. Le 17 décembre 2019, l'intéressé a présenté une demande d'abrogation de cet arrêté. Par une décision du 14 décembre 2020, le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté du 28 novembre 2008 prononçant l'expulsion de M. C... du territoire français. Par un jugement du 10 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cette décision. M. C... relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont reprises à l'article L. 632-5 de ce code : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : / 1° Pour la mise en œuvre de l'article L. 524-2 ; / 2° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d'emprisonnement ferme ; / 3° Lorsque l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 523-5 ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public, sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée. Toutefois, si le ressortissant étranger réside en France et ne peut invoquer le bénéfice des exceptions définies par l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité préfectorale a compétence liée pour rejeter la demande d'abrogation présentée. En revanche, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant sont opérants.

4. En premier lieu, il n'est pas contesté qu'à la date de la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 28 novembre 2008, M. C... résidait en France. En application des dispositions de l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2, le préfet de police était dès lors tenu de rejeter la demande d'abrogation dont il était saisi. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. C... sont inopérants et doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. C... soutient être entré en France en 1999 à l'âge de 20 ans. Il ressort des pièces du dossier qu'il est le père d'un enfant de nationalité française né le

21 avril 2015 qu'il a reconnu le 22 décembre 2015. Il ressort des copies des virements bancaires versées au dossier que M. C..., qui établit exercer une activité salariée depuis 2019, a versé presque tous les mois une somme comprise entre 50 euros et

130 euros, généralement 50 euros, à la mère de son enfant à partir de mai 2018. S'il verse également des copies de virements bancaires effectués entre le 25 janvier 2016 et le

10 octobre 2017, ces documents, qui mentionnent uniquement le numéro d'un compte bancaire, ne permettent pas d'identifier la mère de l'enfant comme étant la bénéficiaire de ces virements. En tout état de cause, si M. C... justifie contribuer à l'entretien de son enfant depuis au moins mai 2018, il n'établit pas, en se bornant à produire une attestation de la mère de l'enfant en date du 17 décembre 2018 rédigée en des termes très généraux et une copie du carnet de santé de l'enfant, entretenir des liens affectifs avec son fils. En outre, si les frères et sœurs de M. C... résident en France, les attestations de l'un de ses frères et de ses sœurs versées au dossier rédigées en des termes généraux sont insuffisantes pour établir l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec sa fratrie. Le requérant n'établit pas en outre être dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à 20 ans. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que compte tenu, d'une part, de la nature et de la gravité des faits reprochés à

M. C... et, d'autre part, de la situation familiale de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 6 de l'arrêt qu'en l'absence d'éléments suffisants de nature à établir l'existence et l'intensité des liens entretenus entre

M. C... et son fils, la décision contestée ne peut être regardée comme contraire à l'intérêt supérieur de son enfant et, par suite, comme ayant méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il suit de là que le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2022.

La rapporteure,

V. A... Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01163 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01163
Date de la décision : 26/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-26;22pa01163 ?
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