La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2022 | FRANCE | N°22PA01416

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 22PA01416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 2106518 du 21 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2022, M. B..., représenté par Me Paulhac, demande à la cour :

1

) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 2106518 du 21 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2022, M. B..., représenté par Me Paulhac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation de regroupement familial au bénéfice de son épouse dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa cellule familiale pouvait se reconstituer dans son pays d'origine, écartant ainsi toute atteinte à sa vie privée et familiale alors qu'il est de nationalité tunisienne et que son épouse est de nationalité algérienne ;

- le préfet de Seine-Saint-Denis s'est estimé en compétence liée pour rejeter sa demande à raison de la seule présence en France de son épouse ;

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors que ni son âge avancé, ni son état de santé n'ont été pris en compte ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... , ressortissant tunisien né le 3 avril 1937, titulaire d'une carte de résident, a épousé en France le 10 septembre 2018 Mme C... D..., ressortissante algérienne. Le 27 décembre 2019, il a déposé une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse entrée sur le territoire français le 10 avril 2018. Par une décision du

11 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à sa demande. M. B... relève appel du jugement en date du 21 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision rejetant sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code alors en vigueur : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles

R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction. Peuvent en bénéficier le conjoint et, le cas échéant, les enfants de moins de dix-huit ans de celui-ci résidant en France, sauf si l'un des motifs de refus ou d'exclusion mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-5 leur est opposé ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence illégale sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il ressort de la décision contestée que pour refuser à M. B... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, le préfet de Seine-Saint-Denis ne s'est pas exclusivement fondé sur la circonstance que son épouse réside de manière irrégulière en France mais a également procédé à l'examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des incidences de son refus sur la situation de l'intéressé au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que le préfet de Seine-Saint-Denis ne s'est pas estimé lié, en prenant la décision litigieuse, par la seule circonstance que l'épouse de M. B... était en situation irrégulière en France.

6. La décision en litige comporte l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de Seine-Saint-Denis pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. B.... Par suite, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle du requérant n'aurait pas été examinée par le préfet de Seine-Saint-Denis. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa demande ne peut qu'être écarté.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... D... est entrée en France le 10 avril 2018 et qu'elle s'est mariée le 10 septembre 2018 avec M. B.... Si ce dernier fait valoir que la présence de son épouse à ses côtés est indispensable en raison des pathologies, notamment cardiaque, dont il est atteint et mentionne qu'il est titulaire d'une carte d'invalidité, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux assez sommaires et tous postérieurs à la décision en litige, que l'aide dont M. B... a besoin dans les actes de sa vie quotidienne ne pourrait lui être apportée que par son épouse. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent du mariage, et nonobstant les nationalités différentes des époux, rien ne s'oppose à ce que Mme D... puisse temporairement retourner en Algérie le temps de l'examen d'une nouvelle demande de regroupement familial présentée par son époux. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le tribunal a pu à bon droit estimer que l'intéressé n'était pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ce refus de regroupement familial sur la situation personnelle de M. B....

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01416 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01416
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;22pa01416 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award