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18/10/2022 | FRANCE | N°22PA02407

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 18 octobre 2022, 22PA02407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOFAXIS a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler partiellement la saisie administrative à tiers détenteur n°TP2020B000040 du 6 juin 2020 ainsi que la décision du 6 octobre 2020 par laquelle la direction générale des finances publiques a implicitement rejeté son recours administratif préalable dirigé contre cette saisie, et totalement les saisies administratives à tiers détenteurs n°TP2021B000885 du

22 juillet 2021 et n°TP2021B001117 du 26 août 2021,

mises par la direction spécialisée des finances publiques de l'Assistance Publique - Hôpitau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOFAXIS a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler partiellement la saisie administrative à tiers détenteur n°TP2020B000040 du 6 juin 2020 ainsi que la décision du 6 octobre 2020 par laquelle la direction générale des finances publiques a implicitement rejeté son recours administratif préalable dirigé contre cette saisie, et totalement les saisies administratives à tiers détenteurs n°TP2021B000885 du

22 juillet 2021 et n°TP2021B001117 du 26 août 2021, émises par la direction spécialisée des finances publiques de l'Assistance Publique - Hôpitaux Publics (AP-HP), en vue du recouvrement de frais médicaux engagés par des agents publics, devant être pris en charge dans le cadre d'un contrat d'assurance conclu avec l'AP-HP ;

2°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 4 826,34 euros,

9 701,71 euros et 10 294, 92 euros.

Par une ordonnance n°2118372/4-1, 2120460/4-1, 2120468/4-1 du 24 mars 2022, la présidente de la 4ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de la société SOFAXIS comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2022, la société SOFAXIS, représentée par Me Alibert, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 4ème section du Tribunal administratif de Paris du 24 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 6 octobre 2020 par laquelle la direction générale des finances publiques de Paris a implicitement rejeté le recours administratif préalable formé contre la saisie administrative à tiers détenteur n° TP2020B000040 ;

3°) d'annuler partiellement la saisie administrative à tiers détenteur n°TP2020B000040 du 6 juin 2020, et totalement les saisies administratives à tiers détenteurs n°TP2021B000885 du 22 juillet 2021 et n°TP2021B001117 du 26 août 2021 ;

4°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 4 826,34 euros,

9 701,71 euros et 10 294, 92 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la contestation qu'elle avait fait valoir en première instance portait pour une très large part sur le bien-fondé des créances en litige ;

- contrairement à ce qu'a estimé l'auteur de la décision attaquée, elle relevait du juge administratif selon les dispositions du 1°) de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- par un jugement du 28 juin 2021, le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré incompétent pour connaitre de la contestation formée contre la saisie administrative à tiers détenteur n° TP2020B000040 du 6 octobre 2020 ;

- il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et de faire droit à ses demandes de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2022, le comptable public responsable de la direction spécialisée des finances publiques de l'AP-HP, représenté par Me Fricaudet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société SOFAXIS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société SOFAXIS ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2022, la société Sofaxis conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et demande, à titre subsidiaire, que la Cour sursoie à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat sur le pourvoi n°462523.

Par une ordonnance du 30 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au

23 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Alibert pour la société SOFAXIS,

- et les observations de Me Fricaudet pour le comptable public responsable de la direction spécialisée des finances publiques de l'AP-HP.

Considérant ce qui suit :

1. La société SOFAXIS a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les saisies administratives à tiers détenteur émises les 6 juin 2020, 22 juillet 2021 et 26 août 2021 par la direction spécialisée des finances publiques de l'AP-HP, en vue de recouvrement de frais médicaux engagés par des agents publics, devant être pris en charge dans le cadre d'un contrat d'assurance. Elle fait appel de l'ordonnance du 24 mars 2022 par laquelle la présidente de la 4ème section du tribunal a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant du I de l'article 73 de loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant du IV de l'article 160 de la loi du 29 décembre 2020 : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) 4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. (...) L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public vaut notification de ladite ampliation (...) / 5° Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public lui adresse la mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais. Lorsque la mise en demeure de payer n'a pas été suivie de paiement, le comptable public peut, à l'expiration d'un délai de huit jours suivant sa notification, engager des poursuites devant donner lieu à des frais mis à la charge du redevable dans les conditions fixées à l'article 1912 du code général des impôts./ 6° Pour les créances d'un montant inférieur à 15 000 euros, la mise en demeure de payer mentionnée au 5° est précédée d'une lettre de relance adressée par le comptable public compétent ou d'une phase comminatoire, par laquelle il demande à un huissier de justice d'obtenir du redevable qu'il s'acquitte auprès de lui du montant de sa dette (...) Lorsque la lettre de relance ou la phase comminatoire n'a pas été suivie de paiement, le comptable public peut adresser une mise en demeure de payer. Dans ce cas, l'exécution forcée des poursuites donnant lieu à des frais peut être engagée à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la notification de la mise en demeure de payer. / 7° Le recouvrement par les comptables publics compétents des titres rendus exécutoires dans les conditions prévues au présent article peut être assuré par voie de saisie administrative à tiers détenteur dans les conditions prévues à l'article L. 262 du livre des procédures fiscales (...) ".

4. En premier lieu, le I de l'article 73 de la loi du 28 décembre 2017 est entré en vigueur, en vertu du XVII du même article, le 1er janvier 2019. Le IV de l'article 160 de la loi du 29 décembre 2020 est entré en vigueur, en vertu du A du XI du même article, le 1er janvier 2022. Ils étaient immédiatement applicables aux instances en cours à cette date. Par suite, les articles L. 281 du livre des procédures fiscales et L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales étaient applicables dans leur rédaction citée aux points 2 et 3 le 24 mars 2022, date à laquelle la présidente de la 4ème section du tribunal administratif a statué sur la demande de la société SOFAXIS dirigée contre les différents actes de poursuites mentionnés au point 1.

5. En second lieu, il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

6. Il résulte de l'instruction que la société SOFAXIS a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant notamment à l'annulation des différents actes de poursuite émis à son encontre en vue du recouvrement des sommes de 4 826,34 euros, 9 701,71 euros et

10 296, 92 euros, ainsi que, par voie de conséquence, à la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées.

7. Ces conclusions, ressortissant du contentieux du recouvrement, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative mais de celle du juge de l'exécution, sans que puisse être remis en cause devant lui le bien-fondé de la créance.

8. Dans ces conditions et en l'état du dossier, il apparaît que le litige ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Or, le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Paris, saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 octobre 2020 par laquelle la direction générale des finances publiques a implicitement rejeté le recours administratif préalable formé par la société SOFAXIS contre la saisie administrative à tiers détenteur n° TP2020B000040 du 6 juin 2020, et à la décharge de la somme de 4 826,34 euros, a décliné sa compétence par un jugement du 28 juin 2021.

9. Aux termes de l'article R. 771-1 du code de justice administrative : " Les difficultés de compétence entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire sont réglées par le Tribunal des conflits conformément aux dispositions de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits et du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ". La saisine du Tribunal des conflits par les juridictions administratives en prévention des conflits négatifs obéit ainsi aux règles définies par l'article 32 du décret du 27 février 2015, selon lequel : " (...) Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ".

10. Il convient par application des dispositions qui précèdent, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et, dans les circonstances de l'espèce, de surseoir à statuer sur l'ensemble du présent litige jusqu'à la décision de ce Tribunal.

DÉCIDE :

Article 1er : La question de compétence juridictionnelle soulevée dans l'affaire n° 22PA02407, en ce qui concerne les conclusions tendant, d'une part, à l'annulation partielle de la saisie administrative à tiers-détenteur n° TP2020B000040 du 6 juin 2020 et de la décision du

6 octobre 2020 par laquelle la direction générale des finances publiques a implicitement rejeté le recours administratif préalable dirigé contre cette saisie, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 4 826,34 euros, est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait déterminé la juridiction compétente pour connaître de cette question.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOFAXIS, à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et à la direction spécialisée des finances publiques pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur,

J-C. A...

Le président,

T. CELERIER La greffière

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02407
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SCP GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;22pa02407 ?
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