La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2022 | FRANCE | N°21PA06192

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 octobre 2022, 21PA06192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2111782 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête enregistrée le 6 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Charles, doit être regardé comme deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2111782 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Charles, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2111782 du 4 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal ;

3°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 du préfet de Paris ;

4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été rendu par une formation de jugement non conforme aux dispositions de l'article R. 221-6 du code de justice administrative ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 13 avril 1988 à Dhaka (Bangladesh), et qui a déclaré être entré en France en 2014, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 avril 2021, le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'issue de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 4 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 234-1 du code de justice administrative dispose : " L'affectation d'un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est prononcée par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat. (...) Les affectations des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont effectuées en prenant notamment en compte les emplois vacants, l'intérêt du service au sein de la juridiction d'accueil et, le cas échéant, de la juridiction d'origine, ainsi que les intérêts familiaux et personnels dont les intéressés font état ". Aux termes de l'article R. 221-6 du code de justice administrative : " Le tribunal administratif de Paris comprend des chambres regroupées en sections dont les nombres respectifs sont fixés par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat. Il est présidé par un président classé au 7e échelon de son grade ". Les articles R. 222-3 et R. 222-8 du même code disposent respectivement que : " Le président prend les dispositions nécessaires au fonctionnement de la juridiction qu'il préside. Il assure la direction des services de cette juridiction et le maintien de sa discipline intérieure. " et que : " L'affectation des membres dans les chambres et la composition de chacune d'elles ainsi que la répartition des affaires entre ces chambres sont décidées par le président de la juridiction ".

3. La fixation, par l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, du nombre de sections et de chambres que comprend le tribunal administratif de Paris ne fait pas obstacle à ce que, dans un but de bonne administration de la justice et notamment pour assurer le respect des délais de jugement fixés par le législateur en matière de contentieux des étrangers, le président de cette juridiction, dans l'exercice de son pouvoir d'organisation, prévoie une formation de jugement supplémentaire, en particulier si le nombre des magistrats titulaires du grade de président affectés dans cette juridiction est supérieur à celui nécessaire au fonctionnement des chambres dont le nombre a été fixé par le vice-président du Conseil d'Etat.

4. En l'espèce, si l'arrêté du 2 juillet 2021 pris par le vice-président du Conseil d'Etat en application des dispositions précitées de l'article R. 221-6 du code de justice administrative a fixé le nombre de chambres du tribunal administratif de Paris à dix-huit, regroupées en six sections, il est constant que le jugement attaqué a été rendu par une formation collégiale présidée par un magistrat titulaire du grade de président, affecté dans cette juridiction à compter du 1er septembre 2021 par un arrêté du 23 mars 2021 du vice-président du Conseil d'Etat, dont il résulte que le nombre des magistrats titulaires de ce grade était supérieur à celui nécessaire au bon fonctionnement des chambres dont le nombre a été fixé par la même autorité, et composée de magistrats eux aussi régulièrement nommés et affectés dans la même juridiction. Dans ces conditions, la circonstance que le jugement mentionne qu'il a été rendu par une huitième section, dont l'existence n'est pas prévue par l'arrêté du 2 juillet 2021, est sans incidence sur sa régularité.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté du 26 avril 2021 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 313-14 et L. 511-1 sur le fondement desquels, respectivement, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. En outre, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour, et notamment l'ancienneté de son séjour en France et sa situation familiale et professionnelle. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision, ainsi que celui tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de M. A..., doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. M. A... fait valoir sa présence habituelle sur le territoire national depuis plus de sept ans ainsi que son insertion professionnelle. Toutefois, M. A... exerce une activité comme " employé de libre service magasin " dans une épicerie depuis le 27 septembre 2018 et ne justifie ainsi d'aucune qualification professionnelle particulière et d'une expérience limitée. Par ailleurs, M. A... ne justifie d'aucune attache privée ou familiale particulière en France, et ne conteste pas que son épouse et leur enfant résident au Bangladesh. Par suite, et quand bien même l'intéressé bénéficie du soutien de son employeur, qui a notamment rempli un formulaire " cerfa " de demande d'autorisation de travail à son bénéfice et rédigé une lettre de motivation, compte tenu, d'une part, de ses qualifications et de son expérience professionnelle et d'autre part, de sa situation personnelle, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police a pu estimer que M. A... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et refuser de lui délivrer un titre de séjour sur leur fondement.

10. En dernier lieu, la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constitue pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge mais uniquement des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.

La rapporteure,

C. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06192 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06192
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-21;21pa06192 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award