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08/11/2022 | FRANCE | N°20PA00595

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 08 novembre 2022, 20PA00595


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Petit, venant aux droits de la société Laine Delau, a demandé au Tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 1 946 280, 73 euros toutes taxes comprises (TTC), ou à défaut la somme de 1 383 980,84 euros TTC, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, au titre du solde du lot n° 1, relatif au " clos couvert ", dans le cadre de l'opé

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Petit, venant aux droits de la société Laine Delau, a demandé au Tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 1 946 280, 73 euros toutes taxes comprises (TTC), ou à défaut la somme de 1 383 980,84 euros TTC, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, au titre du solde du lot n° 1, relatif au " clos couvert ", dans le cadre de l'opération de construction d'un bâtiment complémentaire de cardiologie au sein du groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière.

L'AP-HP a demandé au tribunal administratif de condamner MM. Jean-Marie Valentin, Jean-Marc Tourret et Jacques Rivollier, venant aux droits de la SCM Atelier RTV Architectes, la société AIA Management venant au droit de la société CEROC, et la société Egis Bâtiments, venant aux droits de la société OTH bâtiment, à la garantir de toute condamnation pécuniaire.

Par un jugement n° 1509087 du 6 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a décidé de procéder à une expertise et a désigné la société Entreprise Petit, l'AP-HP,

MM. Valentin, Tourret et Rivollier, la société AIA Management de projets, la société Egis Bâtiments et le Cabinet Andriot, économiste, comme les parties concernées par cette expertise.

Par un jugement n° 1509087 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a :

- condamné l'AP-HP à verser à la société Entreprise Petit la somme de

325 504, 95 euros TTC assortie des intérêts moratoires au taux de 2,04% à compter du

21 mars 2013, ainsi que de leur capitalisation à compter du 3 juin 2015 ;

- mis à la charge de l'AP-HP les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 48 027,94 euros TTC euros par ordonnance du 12 mars 2019 ;

- mis à la charge de l'AP-HP la somme de 6 000 euros à verser à la société Entreprise Petit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- rejeté les appels en garantie de l'AP-HP.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2020, la société Entreprise Petit, représentée par Me Leborgne, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2019 en ce qu'il a pour partie rejeté les conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser, à titre principal, la somme totale de 1 563 405,02 euros TTC, ou, à titre subsidiaire, la somme de 994 908,05 euros TTC, augmentée des intérêts moratoires au taux de 2,04% à compter du 21 mars 2013, avec capitalisation à compter du 3 juin 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP les dépens, ainsi qu'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses demandes relatives aux évènements antérieurs au 8 janvier 2009 en se fondant sur l'absence de réserves à la suite des ordres de service des 17 septembre 2008 et 8 janvier 2009 réduisant les délais de réalisation des travaux, alors que ces ordres de service n'ont pas été à l'origine des retards et se sont bornés à en tirer les conséquences ; ainsi, ils ne l'ont pas privée de la possibilité de demander à être indemnisée de l'intégralité des préjudices qu'elle a subis compte tenu de la nécessité de mettre en œuvre des moyens complémentaires afin de respecter les nouveaux délais ;

- ces préjudices s'élèvent à des sommes de 637 881,85 euros HT, soit 765 458,22 euros TTC, au titre de l'encadrement supplémentaire, 364 094,09 euros HT, soit 436 912,90 euros TTC, au titre de la main d'œuvre supplémentaire, 212 400,23 euros HT, soit 254 880,27 euros TTC, au titre du maintien du matériel et des installations de chantier, 6 500 euros HT, soit 7 800 euros TTC, au titre des études sur le béton armé, et 3 135,36 euros HT, soit 3 762,43 euros TTC, au titre des intérêts consécutifs aux retards des ordres de service ;

- les évènements postérieurs au 8 janvier 2009 ont, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, bouleversé l'économie du contrat ;

- ils lui ont causé des préjudices s'élevant à 318 649,26 euros HT, soit 382 379, 11 euros TTC, au titre de l'encadrement supplémentaire, 221 243,45 euros HT, soit 265 492,14 euros TTC, au titre de la main d'œuvre supplémentaire, 212 400,23 euros HT, soit 254 880,27 euros TTC, au titre du maintien du matériel et des installations de chantier, et 3 135,36 euros HT, soit 3 762,43 euros TTC, au titre des intérêts consécutifs aux retards des ordres de service ;

- elle doit également être indemnisée au titre du surcoût du compte prorata, pour un montant de 78 826 euros HT, soit 94 591,20 euros TTC, ou, à titre subsidiaire, de 67 161,75 euros HT, soit 80 594,10 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2022, l'AP-HP, représentée par

Me Memlouk, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Entreprise Petit ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2019 en ce qu'il a fait droit aux conclusions de la société Entreprise Petit, et en ce qu'il a rejeté ses appels en garantie ;

- de rejeter l'ensemble des conclusions présentées à son encontre par la société Entreprise Petit devant le tribunal administratif ;

3°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de condamner MM. Valentin, Tourret et Rivollier, venant aux droits de la SCM Atelier RTV Architectes, et la société AIA Management de projets, à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la société Entreprise Petit les frais et honoraires de l'expertise, les dépens, ainsi qu'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

L'AP-HP soutient que :

- les moyens soulevés par la société Entreprise Petit ne sont pas fondés ;

- les conclusions présentées par la société Entreprise Petit devant la Cour au titre du maintien du matériel et des installations de chantier sont irrecevables en ce qu'elles excèdent le montant de 163 148,44 euros HT, demandé à ce titre dans son mémoire récapitulatif présenté le 25 juin 2019 devant le tribunal administratif ;

- les conclusions de la société Entreprise Petit devant la Cour sont en tout état de cause irrecevables, comme l'étaient ses demandes devant le tribunal administratif, faute d'avoir été précédées d'un mémoire en réclamation motivé, présenté dans les quarante-cinq jours de l'établissement du décompte général, ainsi que l'exige l'article 13 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) ;

- la condamnation de l'AP-HP prononcée par le tribunal administratif au titre des travaux supplémentaires à hauteur de 222 364, 53 euros HT et la décharge des pénalités de retard qu'il a accordée pour un montant de 46 889,60 euros HT ne pouvaient le conduire à condamner l'AP-HP à verser à la société Petit une somme de 325 504, 95 euros TTC, soit 271 254,13 euros HT, mais seulement une somme de 269 254,13 euros HT ;

- le caractère définitif du décompte général faisait obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes de la société Entreprise Petit devant le tribunal administratif ; le jugement attaqué doit donc être infirmé en ce qu'il a fait droit à ses demandes ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 30 256,96 euros HT, montant demandé au titre des travaux de reprise de pierre sur existant, qui n'était pas justifié en totalité, mais seulement à hauteur de 4 547,64 euros HT ; cette prestation n'a pas été ordonnée par ordre de service ; à supposer fondée la condamnation de l'AP-HP à ce titre, l'AP-HP devait être garantie par la société AIA Management CEROC et par la SCM Atelier RTV Architectes ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 5 604,32 euros HT, à raison de l'apport de terre végétale dans les jardinières existantes en escalier, alors que ce montant n'était, à hauteur de 3 097,48 euros HT, pas justifié ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 5 561,03 euros HT, montant retenu pour les travaux d'élargissement du passage de la porte de la passerelle, qui n'était pas justifié ; à supposer fondée la condamnation de l'AP-HP à ce titre, l'AP-HP devait être garantie par la société AIA Management CEROC et par la SCM Atelier RTV Architectes ;

- les travaux qui avaient fait l'objet du devis du 22 décembre 2009 pour la " dépose et la repose de chemins de câbles et réseaux plomberie du SS-1 ", relevaient en totalité du prix global et forfaitaire ; c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 11 981, 20 euros HT au titre des travaux de reprise de flocage compris dans ce devis ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 37 378,49 euros HT au titre de des travaux supplémentaires portant sur la réalisation de gaines en maçonnerie ; l'AP-HP devait en tout état de cause être garantie de cette condamnation par la société AIA Management CEROC et par la SCM Atelier RTV Architectes ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 19 160,47 euros HT à raison de la prestation de découpe d'un acrotère qui relevait du prix global et forfaitaire ; la société EGIS aurait en tout état de cause dû être condamnée à garantir la condamnation de l'AP-HP sur ce point ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 5 552,50 euros HT à raison de la prestation dite de " fermeture provisoire des baies (non livraison des châssis Rinaldi) ", alors que le caractère indispensable de cette prestation n'est pas démontré ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 1 272,85 euros HT à raison de la prestation dite " reprise de baie R+5 suite à modification cote de réservation par Rinaldi", à hauteur de 7 237,11 euros HT au titre des travaux supplémentaires portant sur le " tube de Quench ", qui n'étaient pas justifiés, et à hauteur de 42 615,70 euros HT à raison des travaux supplémentaires portant sur une " extension solutés ", qui étaient inclus dans le prix global et forfaitaire du marché ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 1 534,59 euros HT à raison des travaux supplémentaires entrepris à la suite d'une erreur d'implantation des ouvrages réalisés par la société FORCLIM, qui n'ont été rendus nécessaires que par la faute d'un autre constructeur ; il aurait à tout le moins du admettre l'appel en garantie de l'AP-HP ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 1 957,53 euros HT à raison de travaux supplémentaires portant sur le " remplacement mur en placostyl du local TGBT par murs en parpaing " sans admettre son appel en garantie dirigé contre le bureau de contrôle SPIE et contre la société EGIS ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'AP-HP à hauteur de 3 612,96 euros HT à raison des travaux supplémentaires portant sur la " réalisation de jambage bêton destinés à reprendre les efforts du vent sur la clôture vitrée réalisée par l'entreprise SAM+ " dont il n'est pas établi qu'ils n'étaient pas compris dans le marché, et qu'ils étaient nécessaires à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

- c'est par ailleurs à tort que le tribunal administratif a déchargé la société d'une somme de 46 889,60 euros HT au titre des pénalités de retard, en se fondant sur un nombre de jours de retard imputables à la société, limité à 14 ;

- il ne pouvait légalement se fonder sur la circonstance que les retards n'auraient eu aucun impact sur les délais généraux du chantier, pour la décharger des pénalités appliquées à raison des retards constatés sur les tâches 144, 170 et 171.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 12 mai 2022, la société Entreprise Petit conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elle demande en outre à la Cour de rejeter les conclusions d'appel incident de l'AP-HP, et porte à 10 000 euros le montant de la somme qu'elle demande à la Cour de mettre à la charge de l'AP-HP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient en outre que :

- le moyen tiré par l'AP-HP du caractère définitif du décompte général, n'est pas fondé, le décompte du 31 janvier 2013 n'ayant pas été signé par le pouvoir adjudicateur, et le décompte envoyé le 2 juillet 2013 ayant été régulièrement contesté par un mémoire de réclamation présenté le 30 juillet 2013 ;

- les autres moyens soulevés par l'AP-HP au soutien de ses conclusions d'appel incident ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

29 juillet 2022.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré, en cas de rejet de l'appel principal de la société Entreprise Petit, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué de l'AP-HP tendant à ce que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2019 soit réformé en ce qu'il a rejeté ses appels en garantie, et à ce que MM. Valentin, Tourret et Rivollier, et la société AIA Management de projets, soient condamnés à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, de telles conclusions n'étant recevables que si la situation de leur auteur est aggravée par l'admission de l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Leborgne pour la société Entreprise Petit.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'opération de construction d'un bâtiment complémentaire de cardiologie à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a confié, par un marché à prix global et forfaitaire notifié le 27 juin 2008, pour un montant initial de 4 640 035,63 euros HT, soit 5 549 482,61 euros TTC, l'exécution du lot n°1 intitulé " clos couvert ", comprenant les travaux de démolition, fondation, gros œuvre, structure, revêtement de façade, étanchéité et espaces verts, à la société Laine Delau, aux droits de laquelle est venue la société Entreprise Petit. Le délai d'exécution était initialement fixé à 19 mois à compter de la date fixée par l'ordre de service de démarrage, soit le 1er juillet 2008. Ce marché a, compte tenu de travaux modificatifs, fait l'objet d'une décision de poursuivre avec une incidence financière de 290 188,75 euros HT soit 347 065,74 euros TTC. La réception des travaux a été prononcée le 8 mars 2011 avec effet au 11 janvier 2011.

2. Par un courrier du 24 mars 2011, la société Laine Delau a adressé au maître d'œuvre son projet de décompte final intégrant un montant de 3 176 300,08 euros TTC au titre d'un mémoire en réclamation qu'elle avait été transmis, le 22 juillet puis le 14 décembre 2010, au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre, et qui avait fait l'objet d'un rejet implicite. Elle a, le

8 juillet 2011, demandé à l'AP-HP de lui notifier le décompte général du marché. Elle a signé ce décompte, arrêté à la somme de 6 301 175,81 euros TTC, au cours d'une réunion organisée le

31 janvier 2013, " sous réserve de validation du mémoire remis le 17 2 2011 ". Par un courrier du 12 juin 2013, l'AP-HP lui a adressé un projet de protocole transactionnel. Par un courrier avec avis de réception du 20 juin 2013, la société a mis en demeure l'AP-HP de lui notifier le décompte général du marché dans les formes prescrites par les stipulations de l'article 13-42 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable. Par un courrier daté du

12 juillet 2013, l'AP-HP a adressé à la société un exemplaire original et régulièrement signé de ce décompte général. Par un courrier du 22 juillet 2013, la société Laine Delau a rejeté la proposition de transaction qui lui avait été faite pour le règlement d'un montant de 451 265,12 euros TTC au titre de sa réclamation. Par deux courriers recommandés du 30 juillet 2013, elle a confirmé au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre les réserves émises sur le décompte général du marché, et adressé au maître d'œuvre un mémoire en réclamation exposant les motifs de ces réserves et reprenant la réclamation formulée antérieurement. La société Entreprise Petit, venant aux droits de la société Laine Delau, a, à la suite du rejet de cette réclamation, demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'exécution de ce marché.

3. Par un jugement du 6 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a décidé de procéder à une expertise avant de statuer sur la demande de la société Entreprise Petit. A la suite du dépôt de son rapport par l'expert, le 26 février 2019, la société Entreprise Petit a, dans le dernier état de ses écritures, demandé au tribunal à titre principal de condamner l'AP-HP à lui verser la somme totale de 1 946 280, 73 euros TTC, au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires capitalisés.

4. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif a notamment condamné l'AP-HP à verser à la société Entreprise Petit la somme de 325 504, 95 euros TTC assortie des intérêts moratoires capitalisés, mis à la charge de l'AP-HP les frais et honoraires de l'expertise ainsi qu'une somme de 6 000 euros à verser à la société Entreprise Petit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté les appels en garantie de l'AP-HP. La société Entreprise Petit et l'AP-HP font appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Aux termes de l'article 13-42 du CCAG applicable : " Le décompte général signé par la personne responsable du marché doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final. Trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde (...) ". Aux termes de l'article 13-44 du même cahier : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (...). Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires (...). Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif (...) ". Aux termes de l'article 13-45 de ce cahier : " Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'œuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ".

6. Si l'AP-HP fait valoir que la société Laine Delau a signé le décompte général du marché, au cours d'une réunion organisée le 31 janvier 2013, sans assortir ses réserves d'aucun mémoire de réclamation, il résulte de l'instruction que ce document ne comportait alors pas la signature de la personne responsable du marché, et n'a donc en tout état de cause pu acquérir un caractère définitif. De plus, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, il résulte également de l'instruction que le mémoire de réclamation que la société a présenté le 30 juillet 2013 après avoir eu notification par un courrier daté du 12 juillet 2013, d'un exemplaire original et régulièrement signé du décompte général, était assorti d'un classeur exposant les motifs et les montants de ses demandes et comportant les justifications nécessaires. Ainsi, la société Entreprise Petit ne peut se voir opposer le caractère intangible du décompte général.

Sur la requête de la société Entreprise Petit :

7. En premier lieu, les conclusions de la société Entreprise Petit tendant à l'indemnisation des coûts supplémentaires qui auraient été induits par les ordres de service du 17 septembre 2008 et du 8 janvier 2009 et par l'allongement de la durée du chantier, doivent, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande présentée au titre du maintien du matériel et des installations de chantier, être rejetées par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 23 à 29 de leur jugement du 20 décembre 2019.

8. En second lieu, pour rejeter, au point 30 de leur jugement du 20 décembre 2019, la demande de la société Entreprise Petit tendant à ce que l'AP-HP soit condamnée au paiement d'une somme de 78 826 euros HT au titre du compte prorata dont elle assurait la gestion, à raison d'une faute contractuelle au regard de la convention de prorata, l'AP-HP ayant réglé des sommes dues à la société Horel sans disposer de l'attestation du gestionnaire du compte prorata, les premiers juges ont relevé à juste titre que l'AP-HP n'était pas partie à la convention de prorata signée entre les entreprises, et que les stipulations de cette convention ne pouvaient être utilement invoquées à son encontre. Si la société Entreprise Petit soutient en appel que la condamnation de l'AP-HP qu'elle demande au titre du compte prorata, ne correspond pas seulement aux conséquences financières de la défaillance de la société Horel, mais vise, à hauteur de 67 161,75 euros HT, à compenser le surcoût supporté par l'ensemble des entreprises du fait de la prolongation du chantier, à la fois dans la mesure où ce surcoût est resté à sa charge et dans la mesure où cette prolongation ne lui était pas imputable, elle ne fait état d'aucune faute du maître d'ouvrage de nature à justifier que celui-ci soit condamné à prendre en charge les dépenses du compte prorata.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Entreprise Petit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a pour partie rejeté sa demande.

Sur les conclusions d'appel incident de l'AP-HP :

10. Les conclusions de l'AP-HP visant à contester le jugement du tribunal administratif du 20 décembre 2019 en ce qu'il a fait droit aux conclusions de la société Entreprise Petit au titre des travaux supplémentaires réalisés lors de l'exécution du marché pour un montant total de 222 364, 53 euros HT, et en ce qu'il l'a déchargée des pénalités de retard à hauteur de 46 889,60 euros HT, doivent être rejetées par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 4 à 22, et 31 à 35 de ce jugement.

11. L'AP-HP est toutefois fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a, pour ces motifs, condamnée à verser à la société Entreprise Petit une somme totale de 271 254,13 euros HT, soit 325 504,95 euros TTC, à la suite d'une erreur de calcul, et à demander que cette somme soit ramenée à 269 254,13 euros HT, soit 323 104,95 euros TTC, et que ce jugement soit réformé en conséquence.

Sur les conclusions d'appel provoqué de l'AP-HP :

12. Les conclusions de l'AP-HP tendant à ce que le jugement du tribunal administratif du 20 décembre 2019 soit réformé en ce qu'il a rejeté ses appels en garantie, et à ce que

MM. Valentin, Tourret et Rivollier, et la société AIA Management de projets, soient condamnés à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, ont été introduites après expiration du délai d'appel. Elles ne seraient recevables que si la situation de leur auteur était aggravée par l'admission de l'appel principal de la société Entreprise Petit. Cet appel principal étant rejeté, ces conclusions sont irrecevables.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Entreprise Petit et par l'AP-HP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 325 504, 95 euros toutes taxes comprises que l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2019 a condamné l'AP-HP à verser à la société Entreprise Petit est ramenée à 323 104,95 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : Le jugement n° 1509087 du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : La requête de la société Entreprise Petit est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'AP-HP est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise Petit et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.

Le rapporteur,

J-C. A...Le président,

T. CELERIERLa greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00595
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SELARL LEVY-CHEVALIER LEBORGNE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-08;20pa00595 ?
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