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28/11/2022 | FRANCE | N°21PA06100

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 novembre 2022, 21PA06100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 8 avril 2019 par lequel le président de l'établissement public territorial (EPT) Paris Terres d'Envol l'a révoqué à compter du 6 avril 2019.

Par un jugement n° 1906397 en date du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision attaquée en tant qu'elle produisait un effet rétroactif sur la période antérieure à la date à laquelle elle est devenue exécutoire et a rejeté le surp

lus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 8 avril 2019 par lequel le président de l'établissement public territorial (EPT) Paris Terres d'Envol l'a révoqué à compter du 6 avril 2019.

Par un jugement n° 1906397 en date du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision attaquée en tant qu'elle produisait un effet rétroactif sur la période antérieure à la date à laquelle elle est devenue exécutoire et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Bousquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906397 du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 8 avril 2019 du président de l'EPT Paris Terres d'Envol prononçant sa révocation ;

3°) de mettre à la charge de l'EPT Paris Terres d'Envol une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les faits d'utilisation frauduleuse de matériel professionnel sont anciens ;

- c'est à tort que le tribunal a motivé son jugement par référence à son incarcération et aux mentions figurant à son casier judiciaire qui ne constituaient pas un motif ayant présidé à l'édiction de la sanction prononcée ;

- l'arrêté du 8 avril 2019 est insuffisamment motivé en fait ;

- le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté, faute de communication de l'intégralité de son dossier disciplinaire ;

- la sanction prononcée a été prise au terme d'une procédure irrégulière et est entachée d'une erreur de droit, les griefs tirés de l'utilisation frauduleuse du matériel professionnel et d'un comportement agressif qu'il aurait eu en 2016, ne figurant pas dans le dossier disciplinaire ;

- ces faits d'usage à des fins personnelles de matériel professionnel ne pouvaient constituer un motif de sanction au-delà d'un délai raisonnable après leur commission ;

- le grief tiré du comportement agressif qui lui est imputé en 2017 n'est pas établi ;

- l'état d'ébriété qui lui est reproché n'est pas démontré ;

- la décision de révocation prononcée est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2021, l'EPT Paris Terres d'Envol, représenté par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'EPT Paris Terres d'Envol fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bousquet, représentant M. C..., et de Me Cochelard, représentant l'EPT Paris Terres d'Envol.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., adjoint technique territorial titulaire de la commune d'Aulnay-sous-Bois depuis 2013, a été employé par l'établissement public territorial (EPT) Paris Terres d'Envol à compter du 1er juillet 2017 à la suite d'un transfert de compétence en matière d'eau et d'assainissement opéré vers cet établissement. Par un arrêté du 8 avril 2019, le président de l'EPT Paris Terres d'Envol a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 6 avril 2019. M. C... relève régulièrement appel du jugement du 1er octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision uniquement en tant qu'elle présentait un caractère rétroactif, ainsi que l'annulation de ladite décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si M. C... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'ancienneté des faits d'utilisation frauduleuse de matériel professionnel pour l'appréciation de la gravité de la sanction, il ressort du point 12 de leur jugement que les premiers juges, en relevant que ces faits ont été retenus à l'appui d'une première poursuite disciplinaire, non aboutie, et qu'il a commis de nouvelles fautes en dépit de cet avertissement, ont implicitement mais nécessairement répondu au moyen soulevé. Par suite, le moyen soulevé manque en fait.

3. En second lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des décisions en litige. Par suite, à supposer qu'il ait entendu contester la régularité du jugement attaqué, M. C... ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur dans l'appréciation des faits à l'origine de la sanction en litige en ajoutant un motif supplémentaire aux griefs retenus à son encontre.

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

4. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures qui infligent une sanction doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que la décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

5. En l'espèce, l'arrêté en litige, qui vise les dispositions légales et réglementaires applicables, énonce les griefs retenus à l'encontre M. C..., en précisant qu'il lui est reproché un comportement agressif répétitif, un état d'ébriété sur son lieu de travail et pendant ses heures de travail, ainsi qu'une utilisation frauduleuse du matériel à des fins personnelles. Ces mentions sont suffisantes pour lui permettre de déterminer sans ambiguïté les faits que l'autorité disciplinaire entend lui reprocher, alors même que les dates précises de ces faits ou le détail de chacun de ces griefs ne sont pas mentionnées. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait de la décision en litige doit par suite être écarté.

6. En deuxième lieu, si M. C... soutient que le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté, faute de communication intégrale et effective de son dossier préalablement à l'édiction de la décision en litige, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.

7. En troisième lieu, M. C... soutient que les griefs tirés, d'une part, de l'utilisation frauduleuse de matériel professionnel à des fins personnelles et, d'autre part, d'un comportement agressif adopté en 2016, n'étaient pas au nombre de ceux qui ont été débattus dans le cadre de la procédure conduite devant le conseil de discipline. Il ressort toutefois tant du rapport de saisine de cette instance disciplinaire, établi le 5 décembre 2018, que du procès-verbal de la séance du conseil réuni le 5 avril 2019, que ces faits ont été précisément mentionnés au titre des griefs retenus par l'autorité disciplinaire et ont été soumis au débat contradictoire au cours de la séance. Par suite, les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur de droit qui en résulteraient doivent être écartés.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " (...) / Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. (...). ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de cette date. Il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date.

9. Il ressort des pièces du dossier que les faits d'usage à des fins personnelles et sans autorisation d'un véhicule de service reprochés à M. C... qui ont été à l'origine d'un dommage causé à un tiers ont été commis le 24 avril 2015 ainsi qu'il ressort des pièces du dossier et non pas au cours de l'année 2014 contrairement à ce qu'il soutient. Ces faits, dont la matérialité est établie, pouvaient encore être régulièrement invoqués dans le cadre de la procédure disciplinaire initiée au mois de décembre 2018, soit moins de trois ans après le 22 avril 2016. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le délai écoulé entre la commission de ces faits et le prononcé de la sanction est excessif et que le principe du délai raisonnable a été méconnu.

10. En cinquième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

11. D'une part, il ressort des pièces produites au dossier par l'EPT Paris Terres d'Envol que le grief tiré du comportement agressif répété de M. C... est établi notamment par le dépôt de plainte enregistré contre lui le 9 septembre 2016 par le gérant d'une société au sein de laquelle il était inscrit à une formation professionnelle d'apprentissage de la conduite de véhicules poids-lourds dont il a été exclu compte tenu de son attitude perturbatrice, son agressivité l'ayant conduit à briser la porte vitrée du centre de formation. Le caractère réitéré de ce comportement est démontré par la fiche d'incident établie le 25 septembre 2017 par le directeur du service réseaux de l'EPT, décrivant précisément une violente altercation verbale accompagnée de menaces avec un collègue de travail, ces faits s'étant produits devant témoins. Les termes de ce rapport d'incident ne sont pas sérieusement démentis par l'attestation rédigée le 17 juin 2019 par la victime de cette altercation qui se borne à en minimiser la portée en évoquant une " simple dispute " sans apporter la moindre précision sur le déroulement de ces faits. D'autre part, si la consommation d'alcool de M. C... sur le lieu et pendant le temps de travail est elle-même établie par le rapport disciplinaire du chef du service réseaux et assainissement de l'EPT en date du 5 mars 2018, précisant la nature et les circonstances exactes de cette consommation, l'heure et le lieu de ce constat, il ne ressort en revanche pas des pièces produites que son état d'ébriété ait lui-même été constaté.

12. En dernier lieu, les faits énoncés aux points 9 et 11 du présent arrêt dont la matérialité est établie, présentent un caractère fautif susceptible de justifier une sanction. Compte-tenu de la nature et de la gravité de ces seuls griefs portant atteinte à la réputation de la collectivité et eu égard au caractère réitéré du comportement fautif de l'intéressé qui ne s'est pas amendé depuis l'abandon de la première procédure disciplinaire engagée contre lui consécutivement à son transfert vers l'EPT, M. C... n'est pas fondé à soutenir, dans les circonstances de l'espèce, que l'administration aurait pris une sanction disproportionnée. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit par suite être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 avril 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais exposés par l'EPT Paris Terres d'Envol et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. C... soient mises à la charge de l'EPT Paris Terres d'Envol, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'EPT Paris Terres d'Envol présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à l'établissement public territorial (EPT) Paris Terres d'Envol.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 novembre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06100
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL CABANES-NEVEU et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-28;21pa06100 ?
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