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02/12/2022 | FRANCE | N°21PA02684

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 02 décembre 2022, 21PA02684


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son certificat de résidence et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2012607 du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête, enregistrée le 17 mai 2021, M. C..., représenté par Me Braun, demande à la Cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son certificat de résidence et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2012607 du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2021, M. C..., représenté par Me Braun, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2012607 du 21 avril 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et ce, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de renouvellement de titre :

- cette décision est insuffisamment motivée et elle est entachée d'un défaut d'examen personnalisé et approfondi de sa situation ;

- elle a été adoptée en méconnaissance de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a méconnu les stipulations des articles 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet a statué sur son droit à obtenir un titre de séjour salarié au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable aux ressortissants algériens, sans pour autant rechercher s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour " mention vie privée et familiale " ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle a été adoptée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est à tout le moins entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2022 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les observations de Me Braun avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant algérien né à Oran le 4 décembre 1954, a sollicité le 2 septembre 2020 le renouvellement de son certificat de résidence algérien délivré en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 19 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de ce certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination. Il relève appel du jugement du 21 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre :

2. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation et d'examen personnalisé et approfondi de sa situation repris en appel par M. C... doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Montreuil au point 2 du jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (... ) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux (...) ". Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ". Les stipulations de l'accord régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si un ressortissant algérien ne peut, en conséquence, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, ni celles de l'article L. 313-14 du même code, s'agissant des étrangers dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'ils font valoir, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a épousé Mme A..., ressortissante française, le 8 avril 2015 et l'a rejoint en France le 26 mai 2016. S'il est constant que, lorsque le préfet de la Seine-Saint-Denis a statué sur sa demande de renouvellement de titre, l'intéressé n'était plus lié par une communauté de vie à son épouse française, il fait toutefois valoir que cette autorité aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation et tenir compte, notamment, de sa situation particulière en raison des violences qu'il a subies et qui sont à l'origine de la rupture de la communauté de vie. Au soutien de cette allégation, il ne produit toutefois que plusieurs mains courantes très laconiques, faisant état de disputes et de ce que Mme A... lui aurait refusé l'accès au logement et un dépôt de plainte du 5 août 2020, date à laquelle il aurait quitté le domicile conjugal suite aux violences physiques rapportées par un compte-rendu de médecine légale du 6 août 2020 mentionnant l'existence de griffures au cou et un état de stress justifiant de trois jours d'interruption totale de travail. Ces documents, pour la plupart peu circonstanciés, reposant pour l'essentiel sur les propres déclarations de M. C..., ne sont pas corroborés par d'autres justificatifs médico-légaux non plus que par des déclarations de témoins et ils n'ont reçu aucune suite judiciaire et n'ont pas donné lieu à l'adoption d'une ordonnance de protection. S'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. C... a travaillé à temps partiel pour le compte de plusieurs entreprises en qualité d'agent de propreté, eu égard au caractère récent de son entrée sur le territoire national, à l'âge de soixante-deux ans, à l'insuffisance de preuves des faits de violences conjugales décrits par l'appelant et aux conditions de son insertion professionnelle, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si M. C... soutient que les droits qu'il tient du texte précité ont été méconnus, il ne ressort pas des circonstances tirées de sa vie privée et familiale, telles que précédemment exposées, et alors qu'il est séparé de son épouse, que le centre de sa vie privée et familiale puisse être regardé comme étant constitué en France. S'il se prévaut de la présence à Montpellier de son frère et de sa belle-sœur, sans du reste établir la régularité de leur séjour, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes du procès-verbal du 5 août 2020, qu'il n'a pas estimé pouvoir y être accueilli après la rupture de la communauté de vie avec son épouse. Dans ces conditions et alors que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé est inopérant faute de constituer l'un des fondements de la demande de titre, le moyen ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a également examiné le droit au séjour de M. C... en qualité de salarié au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Si l'appelant soutient qu'il a ce faisant commis une erreur de droit pour avoir statué sur son droit au séjour au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable aux ressortissants algériens, d'une part, un tel fondement légal ne ressort pas de la lecture de cet arrêté et, d'autre part et en tout état de cause, un tel examen ne faisait pas grief à M. C..., qui n'établit pas qu'il avait sollicité ni a fortiori qu'il remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord bilatéral. M. C... ne saurait non plus sérieusement soutenir que le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation en recherchant s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour " mention vie privée et familiale ", ce pouvoir ayant été exercé dans les conditions rappelées aux points 3 et 4 de l'arrêt.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire dont le préfet assortit le refus de renouvellement d'un titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de cette première décision, laquelle était en l'espèce, comme rappelé au point 2, suffisamment motivée. Le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement ne peut, par suite, qu'être écarté.

9. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés aux points 4 et 6 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de retour :

10. Dès lors que l'ensemble des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ont été écarté, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de retour serait privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui sert de fondement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2022.

Le rapporteur,

G. B...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02684
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BRAUN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-02;21pa02684 ?
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