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06/12/2022 | FRANCE | N°20PA03653

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 06 décembre 2022, 20PA03653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Asqualange a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'accord-cadre mono-attributaire à bons de commande relatif à une mission de conseil en assurance conclu entre l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC) et la société Gras Savoye ;

2°) de condamner l'OPPIC à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de son éviction irrégulière de l'accord-cadre ;

3°) d'enjoindre à l'OPP

IC de relancer la procédure de passation.

Par un jugement n°1920240/3-3 du 29 septembre 2020, le T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Asqualange a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'accord-cadre mono-attributaire à bons de commande relatif à une mission de conseil en assurance conclu entre l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC) et la société Gras Savoye ;

2°) de condamner l'OPPIC à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de son éviction irrégulière de l'accord-cadre ;

3°) d'enjoindre à l'OPPIC de relancer la procédure de passation.

Par un jugement n°1920240/3-3 du 29 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, et des mémoires, enregistrés les

19 et 29 octobre 2021, la société Asqualange, représentée par Me Le Port, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2020 ;

2°) de prononcer l'annulation, ou, à défaut, la résiliation, de l'accord-cadre mono-attributaire à bons de commande relatif à une mission de conseil en assurance conclu entre l'OPPIC et la société Gras Savoye ;

3°) de condamner l'OPPIC à lui verser la somme de 33 600 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché ;

4°) de mettre à la charge de l'OPPIC une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute pour le tribunal d'avoir communiqué à l'OPPIC son mémoire en réplique et les pièces déposées le 11 septembre 2020, et d'avoir analysé ce mémoire, alors qu'il comportait un moyen et des arguments nouveaux ; le tribunal aurait pu, à cette fin, reporter l'audience ;

- il n'a pas répondu au nouveau moyen développé dans ce mémoire, tiré du " non-respect par l'OPPIC du sous-critère relatif à la cohérence des éléments constitutifs du prix " ;

- elle justifie d'un intérêt à agir en qualité de candidate évincée ;

- la procédure de passation du marché est irrégulière en raison du non-respect du sous-critère relatif à la cohérence des éléments constitutifs du prix, l'OPPIC ayant attribué la note maximale de 2 pour ce sous-critère à l'offre de la société Gras Savoye, alors qu'elle avait, dans son bordereau de prix unitaires, proposé des prix incohérents entre eux et au regard des prestations sur lesquelles ils portent, et alors qu'elle avait proposé des prix identiques pour les trois bons de commande tests, portant pourtant sur des prestations distinctes et n'ayant pas vocation à être mises en œuvre avec la même fréquence ;

- la méthode de notation est irrégulière, la pondération des notes attribuées pour les trois bons de commande tests étant sans rapport avec la fréquence et le nombre prévisibles de prestations correspondantes ; cette méthode a permis au précédent titulaire de l'accord d'adapter ses prix de façon à obtenir la meilleure note ; le principe d'égalité et l'obligation de mise en concurrence ont été méconnus ;

- ces irrégularités justifient l'annulation de l'accord-cadre en litige ou, à tout le moins, sa résiliation avec un effet différé de cinq mois ; aucun motif d'intérêt général ne s'y oppose ;

- ayant été privée d'une chance très sérieuse de se voir attribuer le marché, elle doit être indemnisée du manque à gagner qu'elle a subi.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 29 novembre 2021 et le 31 janvier 2022, l'OPPIC, représenté par Me Hamri et Me Khatri, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Asqualange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, comme l'était la demande de première instance, la société Asqualange ne justifiant d'aucun intérêt à agir ;

- les vices, dont elle fait état, sont sans rapport avec l'intérêt dont elle se prévaut, et ne sont pas d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ;

- ses conclusions indemnitaires sont irrecevables, sa demande préalable n'ayant été présentée qu'après le jugement du tribunal administratif ;

- les moyens soulevés à l'appui de sa requête ne sont pas fondés ;

- l'intérêt général s'oppose à l'annulation et à la résiliation du contrat.

Par deux mémoires en réplique, enregistrés le 29 décembre 2021 et le 17 février 2022, la société Asqualange conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que la fin de non-recevoir tirée de son absence d'intérêt à agir n'est pas fondée, puisqu'elle a déposé une candidature recevable.

Par ordonnance du 17 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

18 mars 2022 à midi.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le règlement de la consultation ;

- le cahier des clauses techniques particulières ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Le Port, pour la société Asqualange,

- et les observations de Me Khatri, pour l'OPPIC.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 19 juin 2019, l'OPPIC a lancé une consultation sous la forme d'une procédure adaptée en vue de la passation d'un accord-cadre mono-attributaire à bons de commande, avec minimum et maximum, d'une durée d'un an reconductible trois fois portant sur une mission de conseil en assurance. Par un courrier du 29 juillet 2019, l'OPPIC a informé la société Asqualange du rejet de son offre, classée en troisième position avec une note globale de 9,06/10, et de l'attribution du marché à la société Gras Savoye qui avait obtenu une note globale de 9,60/10. Par un jugement du 29 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions contestant la validité de l'accord-cadre conclu le 5 juillet 2019, et ses conclusions tendant à ce que l'OPPIC soit condamné à indemniser le préjudice qu'elle aurait subi en raison de son éviction du marché. Elle fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". L'article R. 613-2 du même code dispose : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. La société Asqualange ne saurait utilement faire état de l'absence de communication à l'OPPIC du mémoire en réplique et des pièces qu'elle a déposés le 11 septembre 2020, avant la clôture de l'instruction intervenue, en application des dispositions précitées, trois jours francs avant l'audience du mardi 15 septembre 2020, l'absence de communication de ce mémoire et de ces pièces étant sans incidence sur le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".

5. Si la société Asqualange soutient que son mémoire en réplique du 11 septembre 2020 n'a pas été analysé dans les visas du jugement attaqué, il résulte de l'instruction qu'il ne comportait aucun moyen nouveau, les moyens soulevés dans ce mémoire, tirés de l'irrégularité de la méthode de notation et du non-respect par l'OPPIC du sous-critère relatif à la cohérence des éléments constitutifs du prix, ayant déjà été soulevés par la société Asqualange dans sa demande introductive d'instance.

6. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société Asqualange, les premiers juges ont expressément répondu, au point 13 de leur jugement, au moyen tiré du non-respect par l'OPPIC du sous-critère relatif à la cohérence des éléments constitutifs du prix. Le bienfondé de la réponse qu'ils ont apportée à ce moyen est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Asqualange :

7. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, et contrairement à ce que soutient l'OPPIC, la société Asqualange justifie, en sa qualité de concurrent évincé de la conclusion du contrat en litige, d'un intérêt suffisant pour en contester la validité.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché :

9. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

10. Ainsi, ce n'est que dans le cas où le contrat a un contenu illicite ou se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité devant être relevé d'office que le juge peut prononcer son annulation. Or, l'irrégularité de la méthode de notation mise en œuvre et le non-respect par l'OPPIC du sous-critère relatif à la cohérence des éléments constitutifs du prix, même à supposer cette dernière circonstance établie, n'affectent pas la licéité du contenu du contrat, et ne peuvent être regardés comme caractérisant un vice du consentement ou, en l'absence de circonstance particulière, un autre vice d'une particulière gravité de nature à justifier l'annulation du marché. Les conclusions tendant à l'annulation du marché ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la résiliation du marché :

11. Aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. (...) ". L'article R. 2152-11 du même code dispose : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ".

12. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.

13. Le règlement de la consultation indique en son article 4.1.2 que les offres sont appréciées selon deux critères pondérés, tenant à la valeur technique pour 60 % et au prix pour 40 %, le critère tiré du " prix " étant lui-même décomposé en deux sous-critères, relatifs à " la cohérence des éléments constitutifs portés dans le BPU " (bordereau de prix unitaires), noté sur 2 points, et au " prix global ", noté sur 8 points. Pour l'appréciation du sous-critère relatif au prix global, le règlement de la consultation précise que : " Les offres sont appréciées financièrement à l'aide de 3 bons de commande type non contractuels dont le montant est obtenu par application des prix figurant au bordereau des prix à des quantités théoriques décomposé comme suit : - réponse au bon de commande test n°1 noté sur 3/ L'offre financière conforme la plus basse se verra affecter la note maximale. Les autres propositions seront notées par rapport à cette offre selon la formule suivante : (3 x offre la plus basse) / offre analysée - réponse au bon de commande test n°2 noté sur 3/ L'offre financière conforme la plus basse se verra affecter la note maximale. Les autres propositions seront notées par rapport à cette offre selon la formule suivante : (3 x offre la plus basse) / offre analysée - réponse au bon de commande test n°3 noté sur 2/ L'offre financière conforme la plus basse se verra affecter la note maximale. Les autres propositions seront notées par rapport à cette offre selon la formule suivante : (2 x offre la plus basse) / offre analysée ".

14. La société Asqualange soutient que la pondération ainsi appliquée aux notes attribuées pour les trois bons de commande ne tenait pas compte de la fréquence prévisible du recours à chacune des prestations incluses dans ces bons de commande, et donc de la quantité de chacune de ces prestations. Il résulte en effet de l'article 1.1 du cahier des clauses particulières, que la prestation d'assistance à la passation d'un accord-cadre d'assurances, prestation relevant du bon de commande test n°2 pondéré à 3 points, " pourrait survenir (...) la dernière année " de l'exécution du marché, c'est-à-dire nettement moins fréquemment que la prestation d'assistance à la passation des marchés d'assurance en dehors de l'accord-cadre d'assurances, rattachée au bon de commande test n°1, également pondéré à 3 points, et que les réponses aux questions assurantielles diverses et la prestation d'assistance à la gestion des marchés d'assurance entrant dans le champ de cet accord-cadre, incluses dans le bon de commande test n°3, pondéré à 2 points seulement. L'OPPIC n'est donc pas fondé à faire état, en réponse au moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de notation, du caractère, selon lui, imprévisible de la fréquence et du nombre des prestations relevant de chacun de ces trois bons de commande. L'OPPIC ne saurait par ailleurs se prévaloir utilement du caractère " non contractuel ", selon le règlement de la consultation, de ces trois mêmes bons de commande, qui n'est pas de nature à remettre en cause l'absence de lien entre les pondérations appliquées et les quantités de chaque prestation. La société Asqualange est donc fondée à soutenir que, compte tenu des pondérations appliquées, la méthode de notation mise en œuvre ne permettait pas d'identifier l'offre dont le prix était effectivement le plus avantageux, et était ainsi par elle-même de nature à priver de sa portée le critère tenant au prix, et que l'OPPIC a méconnu le principe d'égalité ainsi que son obligation de mise en concurrence en retenant une telle méthode de notation du critère du prix.

15. L'irrégularité de la méthode de notation relevée au point qui précède, qui est en rapport direct avec l'éviction de la société Asqualange, ne peut être couverte par une mesure de régularisation et ne permet pas la poursuite de l'exécution du marché, est de nature à justifier sa résiliation. Toutefois, compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité de la gestion des espaces publics dont l'OPPIC a la charge, durant le délai nécessaire au lancement d'une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence et à la conclusion d'un nouvel accord-cadre, et de l'intérêt général qui s'y attache, il y a lieu de différer l'effet de cette résiliation au

1er mai 2023.

Sur les conclusions indemnitaires :

16. La recevabilité des conclusions indemnitaires, présentées à titre accessoire ou complémentaire aux conclusions contestant la validité du contrat, est soumise, selon les modalités du droit commun, à l'intervention d'une décision préalable de l'administration de nature à lier le contentieux, le cas échéant en cours d'instance, avant que le juge de première instance ne statue.

17. Il résulte de l'instruction que la demande présentée par la société Asqualange devant le tribunal administratif n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire adressée à l'OPPIC. Les conclusions indemnitaires dont elle a saisi le tribunal, étaient donc irrecevables. Si elle a, en cours d'instance en appel, présenté une telle demande indemnitaire par un courrier en date du 18 mai 2021, reçu le 26 mai 2021, cette demande, postérieure à la lecture du jugement attaqué, n'est pas de nature à couvrir cette irrecevabilité, opposée à bon droit par l'OPPIC.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la société Asqualange est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la résiliation du marché.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Asqualange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que l'OPPIC demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'OPPIC le versement à la société Asqualange d'une somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'accord-cadre mono-attributaire à bons de commande relatif à une mission de conseil en assurance conclu entre l'OPPIC et la société Gras Savoye le 5 juillet 2019 est résilié. Cette résiliation prendra effet le 1er mai 2023.

Article 2 : Le jugement n° 1920240/3-3 du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'OPPIC versera à la société Asqualange une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Asqualange, à l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture et à la société Gras Savoye.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

Le rapporteur,

J-C. A...

Le président,

T. CELERIERLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03653
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LE PORT - AWEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-06;20pa03653 ?
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