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07/12/2022 | FRANCE | N°22PA00096

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 07 décembre 2022, 22PA00096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi pour son éloignement, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2113481 du 8 décembre 2021, le Tribunal ad

ministratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi pour son éloignement, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2113481 du 8 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Lendrevie, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2113481 du 8 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de le munir durant cet examen d'un récépissé l'autorisant à travailler dans le délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me Lendrevie une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le jugement attaqué méconnait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le jugement ne mentionne pas qu'il était présent à l'audience ;

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse aux conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant qu'il a eu avec sa compagne ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- en ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire, le risque de fuite n'est pas caractérisé ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le préfet de de police conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens qu'elle contient n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 18 février 2022.

Par une ordonnance du 15 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 juillet 2022 à 12h.

Un mémoire, présenté par M. A..., et qualifié de note en délibéré, a été enregistré le 14 novembre 2022, soit postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant congolais né le 8 avril 1984 à Kinshasa, a été interpelé le 29 septembre 2021 pour des faits de possession de faux documents. Par un premier arrêté du 29 septembre 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et par un second arrêté intervenu le même jour, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Par un jugement du 8 décembre 2021 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... a soutenu devant les premiers juges que l'arrêté contesté méconnaissait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Toutefois, les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et doit, pour ce motif, être annulé.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur les moyens communs aux décisions en litige :

4. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions et stipulations applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il précise l'identité, la date et le lieu de naissance de M. A... ainsi que sa nationalité. Il précise que M. A... ne s'est pas conformé aux règles des frontières Schengen, que son comportement a été signalé pour faux et usage de faux documents et ne justifie pas une entrée régulière sur le territoire en application de l'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas sollicité un titre de séjour. Il comporte ainsi également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Concernant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, elle indique dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve M. A... et précise les éléments justifiant la décision du préfet eu égard à la durée de la présence du requérant en France et à ses liens avec la France. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé. En outre, une telle motivation révèle qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

6. Si M. A... soutient qu'il réside en France depuis fin 2020, qu'il a une compagne de nationalité congolaise en situation régulière avec laquelle il a eu une fille née le 6 septembre 2021, que sa compagne a d'autres enfants à charge nés d'une précédente union, qu'il travaille dans la sécurité et subvient aux besoins de sa famille, que son enfant est malade, et enfin que l'usage de faux documents s'explique par le besoin de travailler et n'a donné lieu qu'à un simple rappel à l'ordre, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité et l'ancienneté de sa relation avec sa compagne alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il réside à Paris alors que celle-ci est domiciliée à Strasbourg. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'enfant du requérant est né peu de temps avant la décision attaquée et M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'à cette période il contribuait à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Ainsi, compte tenu de ces éléments et du caractère récent du séjour en France du requérant, la décision contestée ne porte pas au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. Si M. A... fait valoir à cet égard que la décision attaquée privera son enfant de son assistance notamment compte tenu de son état de santé, les éléments produits ne permettent pas d'établir la gravité de l'état de santé de sa fille. En outre ainsi qu'il est jugé au point 6 du présent arrêt, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il contribue à l'entretien ou à l'éducation de sa fille. Dans ces circonstances le moyen tiré de ce que la décision porterait atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant doit être écarté.

9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dirigé contre la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

11. L'obligation de quitter le territoire n'étant pas entachée d'excès de pouvoir, M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui des conclusions dirigées contre de la décision fixant le pays de destination pour son éloignement.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

12. Pour refuser à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé est entré irrégulièrement en France, n'a pas sollicité de titre de séjour et a déclaré vouloir se maintenir sur le territoire français. Ces éléments d'appréciation, qui ne sont pas contestés par le requérant, caractérisent le risque de fuite mentionné à l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être en tout état de cause écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

14. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

15. La décision d'interdiction de retour contestée a été prise au vu des critères énoncés par les dispositions précitées et est suffisamment motivée par la mention du fait que M. A... a été signalé par les services de police le 29 septembre 2021 pour faux et usage de faux documents dont un permis de conduire grec. Elle n'est dès lors entachée d'aucun défaut d'examen de sa situation personnelle. En outre, il ne ressort pas des circonstances invoquées par M. A... et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, rappelées au point 6, que M. A... justifierait de circonstances humanitaires justifiant une absence d'interdiction de retour sur le territoire français. Enfin, compte tenu de ces mêmes circonstances, en fixant à douze mois la durée de l'interdiction de retour prononcée le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

16. L'obligation de quitter le territoire n'étant pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, entachée d'excès de pouvoir, le moyen par lequel il est excipé de son illégalité, à l'encontre de l'interdiction de retour, doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à la substitution de base légale demandée par le préfet de police, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 29 septembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2113481 du 8 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Segretain, premier conseiller,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

La rapporteure,

E. B...La présidente,

P. HAMON

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00096 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00096
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Avocat(s) : LENDREVIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-07;22pa00096 ?
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