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12/12/2022 | FRANCE | N°21PA03305

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 décembre 2022, 21PA03305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 mai 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure les gens du voyage installés sur une partie herbeuse du parc omnisports de Lieusaint, parcelle cadastrée AL1, de quitter les lieux dans un délai de 48 heures.

Par un jugement n° 2104338 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en r

éplique, enregistrés les 14 juin et 21 novembre 2021, M. D... A... et M. C... B..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 6 mai 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure les gens du voyage installés sur une partie herbeuse du parc omnisports de Lieusaint, parcelle cadastrée AL1, de quitter les lieux dans un délai de 48 heures.

Par un jugement n° 2104338 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juin et 21 novembre 2021, M. D... A... et M. C... B..., représentés par Me Candon, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mai 2021 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- il est également irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur un moyen ;

- l'arrêté du 13 octobre 2016 est illégal en ce que la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart ne respectait pas, à la date de son édiction, les obligations prescrites par le schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage de l'Essonne ;

- il ne pouvait porter seulement sur les communes de Seine-et-Marne ;

- la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart ne respectait pas ses obligations au regard des schémas d'accueil et d'habitat des gens du voyage de l'Essonne et de Seine-et-Marne à la date de la décision contestée ;

- le stationnement de leurs véhicules n'était pas de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2021, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des obligations prescrites par le schéma d'accueil et d'habitat des gens du voyage d'Essonne est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- le décret n° 2019-1478 du 26 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Des pièces, produites par le préfet de Seine-et-Marne, ont été enregistrées le 5 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 octobre 2016, le président de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart a interdit, sur le territoire des communes de l'établissement public situées en Seine-et-Marne, dont Lieusaint, le stationnement de résidences mobiles constituant l'habitat de gens du voyage en dehors des aires d'accueil aménagées à cet effet. Le 4 mai 2021, le stationnement irrégulier de quinze caravanes et douze véhicules sur une partie herbeuse du parc omnisports de Lieusaint, parcelle AL1, a été constaté. A la demande de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 6 mai 2021, mis en demeure les occupants de quitter les lieux dans un délai de 48 heures. M. A... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de cet arrêté. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

2. Aux termes du II de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : " Dans chaque département, (...) un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation et les communes où doivent être réalisés : / 1° Des aires permanentes d'accueil, ainsi que leur capacité ; / 2° Des terrains familiaux locatifs aménagés (...) ; / 3° Des aires de grand passage (...). / Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental (...) ". Aux termes du I de l'article 2 de la même loi : " A. Les communes figurant au schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er sont tenus, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre. / B (...) L'établissement public de coopération intercommunale compétent remplit ses obligations en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur son territoire (...) / L'établissement public de coopération intercommunale compétent peut également remplir ses obligations en contribuant au financement de la création, de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion d'aires ou de terrains situés hors de son territoire (...) ". Aux termes de l'article 9 de cette même loi : " I.- Le maire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie : / 1° L'établissement public de coopération intercommunale a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l'article 2 (...) / 5° L'établissement public de coopération intercommunale a décidé, sans y être tenu, de contribuer au financement d'une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d'un autre établissement public de coopération intercommunale ; / 6° La commune est dotée d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n'ait pas satisfait à l'ensemble de ses obligations (...). / II.- En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I ou au I bis, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques (...) ".

3. Aux termes du A du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales : " (...) Par dérogation à l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement leurs attributions dans ce domaine de compétences (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 4 du décret du 26 décembre 2019 relatif aux aires permanentes d'accueil et aux terrains familiaux locatifs destinés aux gens du voyage et pris pour l'application de l'article 149 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et la citoyenneté : " Les aires d'accueil sont ouvertes tout au long de l'année. / En cas de fermeture temporaire pour réaliser des travaux d'aménagements de réhabilitation et de mise aux normes ou des réparations ou pour un autre motif, supérieure à un mois, une dérogation doit être demandée au préfet, qui peut l'accorder dans la limite de six mois s'il a agréé un ou des emplacements provisoires en application du décret du 3 mai 2007 susvisé, situés dans le même secteur géographique au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 susvisée et d'une capacité suffisante (...) ".

5. La légalité de l'arrêté de mise en demeure du 6 mai 2021, pris par le préfet de Seine-et-Marne sur le fondement du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, est subordonnée à celle de l'arrêté du 13 octobre 2016, pris par le président de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart sur le fondement des dispositions du I de l'article 9 de la même loi. Ce dernier arrêté ayant un caractère réglementaire, sa légalité s'apprécie à la date de l'édiction de la mise en demeure.

6. Il ressort des pièces du dossier que la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart dispose, sur son territoire situé en Seine-et-Marne, de trois aires d'accueil comprenant en tout 116 places de stationnement, implantées dans les communes de Combs-la-Ville, Savigny-le-Temple et Lieusaint, conformément à ce que prévoit le schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage de Seine-et-Marne tant pour la période de 2013 à 2019 que pour celle de 2020 à 2026. Les requérants font toutefois valoir sans être contredits que l'aire d'accueil de Lieusaint est fermée depuis au moins deux ans, ce que corroborent le document relatif aux places disponibles au 11 mai 2021 produit par le préfet et le schéma départemental de Seine-et-Marne pour 2020 à 2026 qui mentionne cette fermeture. Compte tenu de la durée de cette fermeture, motivée par la réhabilitation de l'aire, qui excède largement la durée nécessaire à son entretien annuel, et même la durée pendant laquelle une dérogation peut être accordée par le préfet sous réserve de l'agrément d'emplacements provisoires, cette aire ne peut être regardée comme étant mise à disposition des gens du voyage pour apprécier le respect, par la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart, de ses obligations. Sans la prise en compte de cette aire de 40 places, ni la communauté d'agglomération, ni la commune de Lieusaint ne remplissent leurs obligations au regard du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage de Seine-et-Marne. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué en défense que la communauté d'agglomération contribue au financement d'une aire d'accueil sur le territoire d'un autre établissement public. Dans ces conditions, à la date de la mise en demeure contestée du 6 mai 2021, la condition posée par le I de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 n'était plus remplie et l'arrêté du 13 octobre 2016 était devenu illégal, à tout le moins en ce qu'il s'applique à la commune de Lieusaint. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cet arrêté à la date de la mise en demeure contestée doit être accueilli.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que M. A... et M. B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 6 mai 2021.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et M. B... et non compris dans les dépens, soit 750 euros chacun.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2104338 du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 6 mai 2021 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... et M. B..., soit 750 euros chacun, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Fombeur, présidente,

Mme Heers, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2022.

La rapporteure,

M. E...

La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03305
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CANDON BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-12;21pa03305 ?
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