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27/12/2022 | FRANCE | N°21PA05805

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 27 décembre 2022, 21PA05805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 février 2020 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a considéré qu'il s'identifiait à la personne " Nizar E... " visée par le règlement de l'Union européenne n° 36/2012 du 18 janvier 2012 modifié et que les mesures de gel de fonds et de ressources économiques devaient être mises en œuvre à son égard.

Par un jugement n° 2012969/4-2 du 13 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 février 2020 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a considéré qu'il s'identifiait à la personne " Nizar E... " visée par le règlement de l'Union européenne n° 36/2012 du 18 janvier 2012 modifié et que les mesures de gel de fonds et de ressources économiques devaient être mises en œuvre à son égard.

Par un jugement n° 2012969/4-2 du 13 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 novembre 2021 et 28 février 2022, M. C... D..., représenté par Mes Klugman et Terel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2012969/4-2 du 13 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 12 février 2020 du ministre de l'économie et des finances ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision en litige n'est pas suffisamment motivée ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnait la décision 2011/735/PESC du 14 novembre 2011, le règlement (UE) n° 1150/2011 du Conseil du 14 novembre 2011 ainsi que l'ordonnance du Tribunal de l'Union Européenne du 24 mai 2012 ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) n° 442/2011 du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 2019/798 du Conseil du 17 mai 2019 mettant en œuvre le règlement (UE) n° 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et le rectificatif du 11 septembre 2019 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Terel, avocat de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Saisie d'une consultation par un établissement de crédit français en juillet 2019 à l'occasion d'une transaction financière que voulait effectuer " M. D... ", la direction générale du Trésor lui a répondu qu'il s'agissait de la personne visée par les mesures de gel de fonds décidées par l'Union Européenne en raison de la situation en Syrie telles que prévues, en dernier lieu, par le règlement d'exécution (UE) n° 2019/798 du Conseil du 17 mai 2019 mettant en œuvre le règlement (UE) n° 36/2012 du 18 janvier 2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, rectifié le 11 septembre 2019, et lui a demandé en conséquence de procéder au gel des comptes de l'intéressé. Le 25 octobre 2019, M. D... a contesté cette identification et a demandé à la direction générale du Trésor de considérer qu'il n'était pas la personne visée par les sanctions européennes. Le 4 novembre 2019, celle-ci n'a pas accédé à sa demande et lui a demandé de produire des documents établissant l'homonymie alléguée. Le 20 novembre 2019, M. D... a réitéré sa démarche. Le 12 février 2020, la direction générale du Trésor a maintenu sa position initiale en considérant que M. D... était bien la personne visée par les mesures restrictives du règlement n° 36/2012 du 18 janvier 2012 modifié. M. D... relève appel du jugement du 13 septembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. M. D... soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en répondant de façon superficielle à l'ensemble de son argumentation relative à l'absence de prise en compte par l'administration des éléments matériels corroborant son identité.

3. Il ressort toutefois des motifs du point 6 du jugement attaqué que, pour écarter les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit et considérer comme établis les liens du requérant avec les familles F... et A..., ses qualités de directeur -secondé par un beau-frère de Mohamed Makhlouf- de la société Lead construction and Trading intervenant dans les secteurs pétrolier et gazier et de " projectis manager " de la société " Lead Construction and Trading ", ainsi que l'utilisation par l'intéressé, de manière récurrente, de différentes transcriptions de son patronyme et de sa date de naissance dans le but de contourner les mesures restrictives européennes prises à son encontre en utilisant notamment le patronyme " A... " figurant à l'annexe II du règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012 dans sa version modifiée issue du règlement d'exécution (UE) n° 2019/798 du Conseil du 17 mai 2019 rectifié le 11 septembre 2019, le tribunal s'est, d'une part, fondé sur les éléments crédibles précis et circonstanciés figurant dans la note blanche des services de renseignement soumise au contradictoire, non contredits par ceux fournis par M. D... et, d'autre part, sur les visas et passeports figurant au dossier. Dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, M. D... reprend en appel les moyens tirés de l'incompétence de l'autorité signataire de la décision attaquée et de l'insuffisance de sa motivation. Il ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a dès lors lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, d'une part, la décision 2011/273/PESC du 9 mai 2011 concernant les mesures restrictives à l'encontre de la Syrie modifiée par la décision 2011/735/PESC du Conseil du 14 novembre 2011 ayant été abrogée par la décision 2011/782/PESC du Conseil du 1er décembre 2011 et le règlement (UE) n° 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie modifié par le règlement (UE) n° 1150/2011 du Conseil du 14 novembre 2011 ayant également été abrogé par l'article 36 du règlement (UE) n° 36/2012 du 18 janvier 2012, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de la méconnaissance de la décision n° 2011/735/PESC du 14 novembre et du règlement (UE) n° 1150/2011 du 14 novembre 2011 était, à la date de la décision du 12 février 2020 contestée, inopérant. D'autre part, compte tenu de l'abrogation du règlement (UE) n° 1150/2011 du 14 novembre 2011 et du règlement (UE) n° 442/2011 mis en œuvre par le règlement d'exécution (UE) n° 843/2011 du Conseil du 23 août 2011, c'est également à bon droit qu'ils ont estimé que M. D... ne pouvait utilement invoquer la méconnaissance de l'ordonnance du 24 mai 2012 du Tribunal de l'Union européenne rejetant sa requête comme irrecevable au motif qu'il n'était pas la personne visée par le règlement UE n° 843-2011 du 23 août 2011 et le règlement (UE) n° 1150/2011 du 14 novembre 2011.

6. En troisième lieu, dès lors que la décision 2011/735/PESC du Conseil du 14 novembre 2011 et le règlement (UE) n° 1150/2011 du 14 novembre 2011 ont été, ainsi qu'il a été dit au point précédent, abrogés, M. D... n'est pas fondé à se prévaloir d'une erreur matérielle du fait de la modification orthographique du patronyme initialement inscrit au sein du règlement (UE) n° 843/2011 du 23 août 2011 " Al-Assaad " en " E... " et de l'ajout de la mention afférente aux liens de parenté entre la personne visée et la famille E.... La circonstance que les autorités étatiques suisses et britanniques saisies de la même problématique d'homonymie le concernant n'aient pas procédé au gel de ses avoirs est sans incidence.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 2019/798 du Conseil du 17 mai 2019 rectifié le 11 septembre 2019, vise à l'annexe II parmi les personnes concernées par les mesures restrictives, " M. C... G... A... ou Al-Asad ou A... ou Asad présenté comme un " homme d'affaires syrien influent entretenant des liens étroits avec le régime. Cousin de Bashar E... et lié aux familles A... et F.... En tant que tel, il a participé au régime syrien, en a tiré avantage ou l'a soutenu de toute autre manière. L'un des principaux investisseurs dans le secteur pétrolier et ancien dirigeant de la société " Nizar Oilfield Supplie ". Ainsi que rappelé au point 3, il ressort de la note blanche des services de renseignement, non utilement contredite par l'intéressé faute pour ce dernier de produire aux débats l'original de son acte de naissance, seul acte de nature à établir l'identité revendiquée que, lié aux familles F... et A... comme étant le cousin par alliance de ces familles, le mari de sa tante maternelle est Mohammed F..., père de Rami F... et oncle de Bachar Al A.... M. D... dirige une société qui intervient dans les secteurs pétrolier et gazier en étant secondé par le beau-frère de Mohammed F.... Il utilise régulièrement la transcription de l'arabe, modifiée, de son patronyme ainsi que celle de son jour de naissance dans le but de contourner les mesures restrictives européennes prises à son encontre. Comme le soutient le ministre de l'économie, des finances et de la relance, son identité résulte d'articles disponibles en source ouverte, de comparaison de photographies, du nom de l'entreprise qu'il dirige et de sa qualité d'homme d'affaires agissant dans le secteur pétrolier. Par ailleurs, les visas et passeports produits au dossier établissent qu'il utilise le patronyme " A... " figurant à l'annexe II du règlement (UE) n° 36/2012 dans sa version modifiée. Enfin, le visa de résident délivré par les autorités des Emirats Arabes Unis le 2 novembre 2016 mentionne sa qualité de " projectis manager " de la société " Lead Construction and Trading ". Dès lors, en dépit des résultats d'enquête et des témoignages produits qui ne sont pas de nature à infirmer les éléments de preuve susvisés, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit doivent être écartés.

8. En dernier lieu, si M. D... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision contestée ne pouvait être prise sur le fondement de l'arrêté ministériel du 13 juin 2019 portant application des articles L. 562-3, L. 745-13, L. 755-13 et L. 765-13 du code monétaire et financier, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que si cet article y est mentionné, il ne constitue pas la base légale de l'acte attaqué.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté nationale et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2022.

La rapporteure,

M-D B...Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté nationale et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05805
Date de la décision : 27/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : GRINAL KLUGMAN AUMONT et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-27;21pa05805 ?
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