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30/12/2022 | FRANCE | N°22PA03311

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 décembre 2022, 22PA03311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", ensemble la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un tel titre de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la so

mme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", ensemble la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un tel titre de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2117280 du 17 juin 2022, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Boukhelifa, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme irrecevable alors qu'elle était formée contre une décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet sur sa demande de titre de séjour, qui comportait l'ensemble des documents permettant à l'autorité préfectorale d'examiner sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- le refus de régulariser sa situation au regard du séjour au titre d'une activité salariée méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 1er août 1979, relève appel de l'ordonnance du 17 juin 2022 par laquelle le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté, comme irrecevable, sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " présentée le 8 mai 2021 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre l'intérieur et des outre-mer sur le recours hiérarchique qu'il a présenté le 22 septembre 2021 à l'encontre de cette décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code (...) ". Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour introduire valablement une demande de carte de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies par ces dispositions est applicable, que les intéressés se présentent physiquement à la préfecture. L'absence de comparution personnelle du demandeur n'a pas pour effet de retirer la qualité de demande à une démarche réalisée par la voie postale. Il n'est donc pas possible d'estimer que, dans une telle hypothèse, l'absence de demande n'a pu faire naître de décision de refus et donc, pour le juge, d'opposer une irrecevabilité manifeste à la requête critiquant le refus de titre. A défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait en effet naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 432-2 du même code, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis par un courrier reçu par les services préfectoraux le 8 mai 2021. En application des dispositions des articles R*. 432- 1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé par l'autorité préfectorale pendant quatre mois sur cette demande a fait naître, le 8 septembre 2021, une décision implicite de rejet. Par ailleurs, la seule circonstance que cette demande n'aurait pas comporté l'ensemble des pièces exigées par l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la rubrique 66 " Admission exceptionnelle au séjour ", n'a pu faire obstacle à l'intervention de cette décision implicite de rejet, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en application des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, invité l'intéressé à compléter sa demande ou aurait opposé en première instance le caractère incomplet de cette demande. Il suit de là qu'en jugeant que la demande de première instance de M. A... était manifestement irrecevable au motif qu'aucune décision implicite de rejet ne serait née du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis pendant un délai de quatre mois sur sa demande de titre de séjour, faute d'avoir présenté une demande complète, et pouvait être rejetée par ordonnance sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a fait une inexacte application de ces dispositions. Il en résulte que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du 17 juin 2022.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité des décisions attaquées :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

8. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de mars 2016 et fait valoir qu'il exerce une activité salariée, sous contrat à durée indéterminée, en qualité d'électricien auprès de la société " Fouta Elect " depuis le mois de janvier 2019. Toutefois, le requérant, qui, en ne produisant aucun document pour les années 2016 à 2018, ne démontre pas l'ancienneté et le caractère habituel du séjour qu'il évoque. En tout état de cause, la durée de séjour en France de l'intéressé, à la supposer justifiée, depuis le mois de mars 2016, soit cinq ans et demi à la date du refus de régulariser sa situation, ne saurait constituer, à elle seule, un motif d'admission exceptionnelle au séjour. En outre, s'il a travaillé comme électricien à compter du mois de janvier 2019, l'intéressé, qui n'apporte aucune précision sur ses conditions d'existence entre les mois de mars 2016 et décembre 2018, ne justifie d'aucune qualification professionnelle particulière et ne saurait être regardé comme établissant une insertion professionnelle stable et ancienne en France. Au surplus, il produit en dernier lieu, sans fournir la moindre explication, une promesse d'embauche et un contrat à durée déterminée en date du 16 août 2022, en qualité de " chef d'équipe " auprès de la société Pezant, éléments qui sont postérieurs à la décision attaquée du 8 septembre 2021 et, par suite, sans incidence sur sa légalité qui s'apprécie à la date de son édiction. Enfin, le requérant, qui n'apporte aucun élément précis sur les liens de toute nature qu'il aurait noués en France, n'établit, ni n'allègue sérieusement aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, au Sénégal où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-six ans. Ainsi, en estimant que la situation personnelle et familiale du requérant ne justifiait pas une mesure de régularisation, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En second lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 8 septembre 2021 portant refus de titre de séjour, ensemble la décision du 22 novembre 2021 rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2117280 du 17 juin 2022 du président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- M. d'Haëm, président assesseur,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

R. d'HAËMLa présidente,

M. B...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03311 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03311
Date de la décision : 30/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme SAINT-MACARY
Avocat(s) : BOUKHELIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-30;22pa03311 ?
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