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18/01/2023 | FRANCE | N°22PA01857

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des référés, 18 janvier 2023, 22PA01857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2115006 du 3 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 avril, 26 septembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2115006 du 3 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 avril, 26 septembre, 18 octobre et 30 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Langlois, demande au juge des référés de la Cour :

1°) de suspendre l'exécution des décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de renouvellement de son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer immédiatement un récépissé ou une autorisation de séjour autorisant à travailler à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la condition d'urgence :

- la condition d'urgence est présumée remplie dans le cas d'un refus de renouvellement de titre de séjour ;

- le refus de renouveler son titre de séjour constitue une entrave à la poursuite de son exercice professionnel ;

- elle va perdre ses droits à l'assurance maladie ;

- elle peut faire l'objet d'un placement en centre de rétention.

Sur le doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées :

1) Sur les moyens d'annulation tirés du jugement attaqué

En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour :

- le préfet a commis des erreurs de fait ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure, en l'absence d'habilitation de l'agent de la préfecture chargé de consulter le fichier de traitement des affaires judiciaires, cette habilitation constituant une garantie de la protection des données et de la vie privée ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du même code ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-3 de ce code et se fonde sur une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'alinéa 8 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2) Sur la légalité de l'arrêté du 13 avril 2021 par l'effet dévolutif de l'appel

En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu a été méconnu ;

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la requête n° 22PA01668 par laquelle Mme A... a demandé l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par décision du 1er septembre 2022, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a désigné M. Le Goff, président de chambre, pour juger les référés.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus lors de l'audience publique du 16 janvier 2023 ouverte à 14h30 :

- le rapport de M. Le Goff, juge des référés ;

- et les observations de Me Langlois, avocate de Mme A..., qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

La clôture de l'instruction a été fixée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire de Mme A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Mme A... a demandé l'annulation de cet arrêté au Tribunal administratif de Montreuil, qui a rejeté sa demande par jugement du 3 mars 2022, dont elle a relevé appel. Elle demande au juge des référés de la Cour d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".

Sur la décision portant refus de renouvellement de la carte de séjour temporaire :

En ce qui concerne l'urgence :

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Cette condition d'urgence est, en principe, constatée dans le cas d'un refus de renouvellement de titre de séjour. Par suite, Mme A... demandant la suspension du refus de renouvellement du titre de séjour qui lui a été opposé et en l'absence de circonstance particulière de nature à faire échec à cette présomption, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige :

4. En l'état de l'instruction, les moyens tirés de ce que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour de Mme A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne saisissant pas la commission du titre de séjour et de ce qu'il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales apparaissent de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.

Sur les autres décisions contenues dans l'arrêté en litige :

5. Aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables au jugement de la décision fixant le pays de renvoi contestée en application de l'article L. 721-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 722-7 du même code : " L'éloignement effectif de l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert pour contester, devant le tribunal administratif, cette décision et la décision fixant le pays de renvoi qui l'accompagne, ni avant que ce même tribunal n'ait statué sur ces décisions s'il a été saisi... ".

6. Par les dispositions des articles L. 614-1 et L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de renvoi et accompagnées, le cas échéant, d'une interdiction de retour sur le territoire français et d'un placement en rétention ou d'une assignation à résidence. Eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, une obligation de quitter le territoire français n'est justiciable de la procédure instituée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ni devant le juge des référés du tribunal administratif ni devant celui de la cour administrative d'appel.

7. Il en résulte qu'une décision relative au séjour en tant qu'elle comporte une mesure d'obligation de quitter le territoire français, une décision fixant le pays de renvoi, une interdiction de retour et une assignation à résidence n'est pas justiciable des procédures de référé instituées par le livre V du code de justice administrative, le jugement ayant rejeté une demande dirigée contre un arrêté portant obligation de quitter le territoire étant seulement susceptible de faire l'objet d'une décision de sursis à exécution dans les conditions énoncées par les articles R. 811-14 et R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il n'appartient pas au juge des référés d'ordonner. Il suit de là que les conclusions par lesquelles Mme A... demande au juge des référés de la Cour d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté en litige du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, fixe le pays de renvoi et prononce une interdiction de retour ne sont pas recevables.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il a refusé de lui renouveler la carte de séjour temporaire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. La présente ordonnance implique nécessairement, mais seulement, que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond par la Cour. Par suite, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... dans le délai de dix jours à partir de la notification qui lui sera faite de la présente ordonnance une telle autorisation, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 13 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis est suspendue en tant qu'il refuse le renouvellement du titre de séjour de Mme A... jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête au fond.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A..., dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, valable jusqu'à l'intervention de la décision au fond.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Fait à Paris, le 18 janvier 2023.

Le greffier,

P. TISSERAND Le juge des référés,

R. LE GOFF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 22PA01857
Date de la décision : 18/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Robert LE GOFF
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-18;22pa01857 ?
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