La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2023 | FRANCE | N°21PA05562

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 25 janvier 2023, 21PA05562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1911226/1 du 7 juillet 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le

27 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Christophe Pouly, demande à la Cour :

1°) de saisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1911226/1 du 7 juillet 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Christophe Pouly, demande à la Cour :

1°) de saisir pour avis le Conseil d'Etat ;

2°) le cas échéant, d'annuler ce jugement n° 1911226/1 du 7 juillet 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'annuler l'arrêté contesté devant le tribunal ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

5°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à un moyen, opérant, tiré de ce que la décision contestée est entachée d'erreur de base légale dès lors que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui sont pas applicables ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de base légale dès lors que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui sont pas applicables ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des documents actualisant sa demande de titre de séjour ;

- il a été rendu à la suite d'une procédure anormalement longue ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée par l'avis de la DIRECCTE ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, dont les dispositions sont opposables en application de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration.

La requête présentée par M. A... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit en défense.

Par un courrier du 5 décembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen, relevé d'office, tiré de ce que le pouvoir discrétionnaire de régularisation dont dispose le préfet de la Seine-Saint-Denis doit être substitué à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur comme base légale du refus d'admission exceptionnelle au séjour opposé à M. A... en qualité de salarié.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2022, M. A... a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 21 novembre 1983, qui soutient être entré sur le territoire français en septembre 2011, a sollicité, le 17 août 2018, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 23 septembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1911226/1 du 7 juillet 2020, dont le requérant relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du point 3 du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Montreuil s'est prononcé sur le moyen tiré de ce que le préfet aurait, à tort, examiné la demande de M. A... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''... ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

5. Il ressort de la décision attaquée que le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., ressortissant marocain, d'une part en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur s'agissant de l'examen de sa vie privée et familiale et d'autre part au titre de son pouvoir de régularisation s'agissant de l'examen de son activité salariée. M. A... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur de droit dans l'examen de sa demande de délivrance de titre de séjour à titre exceptionnel.

6. En deuxième lieu, si M. A... soutient que la décision contestée a été rendue à la suite d'une procédure anormalement longue dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis a mis deux ans à saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et trois ans pour examiner sa demande, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.

7. En troisième lieu, M. A... soutient que le préfet aurait dû saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des documents actualisant sa demande de titre de séjour. Il ressort des pièces du dossier que la DIRECCTE, saisie par le préfet, a émis, le 29 avril 2019, un avis défavorable à l'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., au motif que l'employeur du requérant n'avait pas fait parvenir les documents figurant dans la demande de compléments de pièces du 19 février 2019. Si le requérant soutient avoir remis le 18 novembre 2018, à l'agent d'accueil de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, les documents nécessaires à l'obtention d'une autorisation de travail, il ne l'établit pas. En tout état de cause, et en dépit du nouveau contrat de travail dont M. A... se prévaut, le préfet n'était pas tenu de saisir à nouveau la DIRECCTE dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui imposait de recueillir l'avis préalable de cette autorité avant de rendre sa décision.

8. En quatrième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni d'aucune pièce du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait cru à tort lié par l'avis défavorable rendu par la DIRECCTE pour refuser la régularisation de la situation de M. A... au titre du travail.

9. En cinquième lieu, si M. A... a travaillé en qualité de boucher et de vendeur dans une boucherie depuis avril 2014, bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de vendeur conclu le 1er septembre 2018 avec la société Le bon temps de Dades et produit des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation de son employeur, ces seules circonstances ne sauraient suffire, à elles seules, à caractériser un motif exceptionnel justifiant son admission au séjour au titre du travail. En outre, s'il soutient résider en France depuis 2011, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charge de famille, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et dans lequel résident ses parents et sa fratrie. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que les éléments dont se prévaut l'intéressé ne permettaient pas son admission exceptionnelle au séjour.

10. En dernier lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge, notamment au regard de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision contestée aurait méconnu les dispositions de cette circulaire du

28 novembre 2012.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé

E. B...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05562
Date de la décision : 25/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : POULY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-25;21pa05562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award