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14/02/2023 | FRANCE | N°22PA03576

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 février 2023, 22PA03576


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2117580 du 27 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2117580 du 27 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Besse, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 novembre 2021 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, durant cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle au regard de la législation interne ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation tant professionnelle que personnelle et familiale au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, né en 1990, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 3 mai 2021. Par un arrêté du 19 novembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions des articles L. 421-1 et suivants ni celles de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.

3. Si M. B... a entendu soutenir que le jugement attaqué est irrégulier au motif que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour contestée est entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation de [sa] situation professionnelle au regard de la législation interne ", il résulte de ce qui a dit au point précédent qu'un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant en ce qui concerne l'admission au séjour d'un ressortissant marocain en qualité de salarié. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que, d'ailleurs, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne de manière suffisamment précise et circonstanciée les conditions d'entrée et du séjour en France de M. B... ainsi que sa situation personnelle, professionnelle et familiale. L'autorité administrative n'est pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger en l'absence d'obligation en ce sens et la motivation de l'arrêté attaqué s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Ainsi, la décision attaquée est motivée au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit sur la motivation comme des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. B.... Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention (...) " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ".

8. Si M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis février 2016, qu'il y exerce une activité salariée de ferrailleur depuis août 2017 et qu'il bénéficie du soutien de son employeur, ces circonstances ne sont toutefois pas suffisantes pour constituer, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une considération humanitaire ou un motif exceptionnel de nature à permettre la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". En outre, il est constant que le requérant est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. B... au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que, s'agissant de l'appréciation portée sur la situation professionnelle du requérant, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché la décision attaquée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont inopérants compte tenu de ce qui a été dit au point 2 et doivent, dès lors, être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B..., doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

13. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin, selon l'article L. 613-1 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

14. S'il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus d'octroi d'un délai volontaire attaquée vise les dispositions précitées des articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne fait toutefois pas apparaître les considérations de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a entendu se fonder pour prononcer cette décision. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'un défaut de motivation et à en demander pour ce motif l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, qui en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut légalement être prononcée que si aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 19 novembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

16. L'annulation des décisions du 19 novembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement n° 2117580 du Tribunal administratif de Montreuil du 27 juin 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des décisions du 19 novembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Article 2 : Les décisions du 19 novembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Segrétain, premier conseiller,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

C. JARDIN

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03576
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;22pa03576 ?
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