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06/03/2023 | FRANCE | N°21PA03990

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 mars 2023, 21PA03990


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Inge Pose a demandé au tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 54 300 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi de trois ressortissants étrangers non autorisés à travailler et la somme de 7 659 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, ensemble la décision du 6 janvier 2020 rejeta

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Inge Pose a demandé au tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 54 300 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi de trois ressortissants étrangers non autorisés à travailler et la somme de 7 659 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, ensemble la décision du 6 janvier 2020 rejetant son recours gracieux, d'autre part, de réduire à due proportion le montant de la contribution spéciale due et d'enjoindre à l'OFII de procéder au réexamen de son dossier dans un délai de deux mois.

Par un jugement no 2002977 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés le 15 juillet 2021, le 7 avril 2022, le

8 avril 2022 et le 6 juin 2022, la société Inge Pose, représentée par Me Debord, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du directeur de l'OFII du 1er octobre 2019 ou, à défaut, de réduire le montant de la contribution spéciale ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de procéder au réexamen de son dossier dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du code du travail dès lors que les salariés entendus lors du contrôle n'ont pas donné leur consentement ;

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées, dès lors que l'OFII n'a pas pris en compte le fait que la société avait entamé des démarches afin de régulariser la procédure d'embauche des trois travailleurs étrangers, en violation de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elles ont été prises en méconnaissance du respect du principe de la procédure contradictoire préalable et des droits de la défense en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors d'une part, qu'elle n'a pas été invitée à présenter ses observations à un organe impartial le jour du contrôle et préalablement au déclenchement de la procédure pénale et de recouvrement et d'autre part, qu'elle n'a pas été mise à même de consulter son dossier et de se voir communiquer les griefs formulés à son encontre ;

- les opérations de contrôle sont entachées d'un vice de procédure dès lors que les consentements des personnes entendues par les agents de contrôle n'ont pas été recueillis, que les salariés interrogés n'ont pas été informés de leurs droits et des conséquences de leurs réponses sur le suivi de la procédure judiciaire et administrative et que le procès-verbal de constatation des infractions ne comporte pas les signatures des personnes auditionnées en violation de l'article L. 8271-6 du code du travail ; enfin, l'administration a méconnu l'article 12.2 de la convention n° 81 de l'organisation internationale du travail dès lors que l'employeur n'a pas été informé des opérations de contrôle ;

- la matérialité des faits n'est pas établie dès lors que le jugement de la procédure pénale a été renvoyée à l'audience du 14 juin 2022 ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de droit et d'appréciation dès lors qu'elle n'a jamais eu l'intention de dissimuler des activités salariées et qu'elle s'est engagée dans une démarche de régularisation des salariés concernés ;

- les décisions attaquées portent atteinte au principe de la présomption d'innocence dès lors que le procureur de la République ne s'est pas encore prononcé sur l'opportunité de procéder à des poursuites pénales ;

- l'OFII n'a effectué aucune démarche visant au réacheminement effectif des salariés vers leur pays d'origine

- le montant de la contribution spéciale est disproportionné et doit être minoré ;

- le montant des contributions est susceptible de mettre en péril son activité ;

- le titre de perception, qui est irrégulier dès lors qu'il ne comporte aucune signature et que l'OFII n'a pas produit l'état récapitulatif signé par l'auteur du titre de perception contesté, doit être annulé.

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Inge Pose une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 19 décembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation du titre de perception comme nouvelles en appel.

La société Inge Pose a produit un mémoire enregistré le 11 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale du travail nº 81 concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce signée à Genève le 11 juillet 1947 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. À l'occasion d'un contrôle effectué le 18 mars 2019 sur le chantier de rénovation de l'Hôtel Amiot (Paris Xème), les services de l'inspection du travail ont constaté la présence en action de travail de trois ressortissants ivoiriens démunis de titre les autorisant à séjourner en France et à y travailler. Par une décision du 1er octobre 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Inge Pose la somme de

54 300 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, ainsi que la somme de 7 659 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société Inge Pose relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 1er octobre 2019 et de la décision du 6 janvier 2020 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la société Inge Pose soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8271-6-1 dès lors que les salariés entendus lors du contrôle n'ont pas donné leur consentement à être entendus. Il ressort toutefois de la lecture du jugement attaqué qu'il répond à ce moyen à son point 7. Par suite aucune omission à statuer sur un moyen opérant n'entache le jugement attaqué.

3. En second lieu, les premiers juges qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société Inge Pose à l'appui de ses moyens et conclusions, ont répondu de façon suffisante au point 2 de leur jugement au moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions de l'OFII du 1er octobre 2019 et du 6 janvier 2020. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement critiqué doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la régularité de la procédure suivie par l'OFII :

4. En premier lieu, si la société Inge Pose soutient que les opérations de contrôle sont entachées de vices de procédure dès lors que les consentements des personnes entendues par les agents de contrôle n'ont pas été recueillis, que les salariés interrogés n'ont pas été informés de leurs droits et des conséquences de leurs réponses sur le suivi de la procédure judiciaire et administrative et que le procès-verbal de constatation des infractions ne comporte pas les signatures des personnes auditionnées, ces circonstances, à les supposées établies, sont sans influence sur la régularité de la procédure qui a conduit à l'adoption des sanctions contestées, dès lors que ces dernières reposent sur les constatations effectuées lors du contrôle qui s'est déroulé le 18 mars 2019 et qui sont consignées dans des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12.2 de la convention n° 81 de l'Organisation Internationale du Travail du 11 juillet 1947 susvisée : " A l'occasion d'une visite d'inspection, l'inspecteur devra informer de sa présence l'employeur ou son représentant, à moins qu'il n'estime qu'un tel avis risque de porter préjudice à l'efficacité du contrôle. ".

6. Si la société Inge Pose soutient que son gérant n'a pas été informé des opérations de contrôle, en violation des stipulations précitées, elle n'établit pas qu'une telle information n'aurait pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à préjudicier à l'efficacité dudit contrôle. Le moyen ne peut par suite, qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant.

8. Il résulte de l'instruction que le directeur général de l'OFII a informé la société Inge Pose, par un courrier en date du 5 août 2019, qu'un procès-verbal du contrôle du 18 mars 2019 établissait qu'elle avait employé trois salariés étrangers, dont les noms figuraient en annexe, démunis de titres les autorisant à exercer une activité salariée et de titres de séjour, qu'elle était donc susceptible, indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. La société Inge Pose a ainsi été informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de solliciter en temps utile la communication du procès-verbal du 18 mars 2019, l'OFII n'étant pas tenue par les dispositions de l'article

L. 8253-1 du code du travail ou par toute autre disposition, de l'inviter à demander la communication de son dossier. Il résulte en tout état de cause des écritures de l'OFII devant la Cour, qui ne sont pas sérieusement contestées par la société appelante, que celle-ci a fait valoir ses observations le 9 août 2019 en formulant une demande de communication des procès-verbaux qui lui ont été transmis par mail du 14 août 2019 et qu'elle a formulé de nouvelles observations le 19 août 2019. En outre, il ressort des termes de son recours administratif préalable du 2 décembre 2019 qu'elle y indique y joindre le procès-verbal en cause dont elle conteste la régularité. Il s'ensuit que la société Inge Pose n'est pas fondée à soutenir que les contributions en litige auraient été établies à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe général des droits de la défense et le principe du contradictoire.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Inge Pose n'est pas fondée à soutenir que les contributions spéciale et forfaitaire en litige ont été mises à sa charge au terme d'une procédure irrégulière.

S'agissant des sanctions :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

11. La décision du 1er octobre 2019 du directeur général de l'OFII vise les articles L. 8251-1, L. 8253-1, R. 8253-2 et R. 8253-4 du code du travail, les articles L. 626-1 et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne le procès-verbal établi à la suite du contrôle du 18 mars 2019 au cours duquel l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail a été constatée. Elle indique en annexe les noms des salariés concernés. Elle mentionne également que le montant de la contribution spéciale est précisé à l'article R. 8253-2 du code du travail et que celui de la contribution forfaitaire est fixé conformément aux barèmes fixés par arrêtés du 5 décembre 2006, et elle indique le montant de chacune de ces contributions mises à la charge de la société Inge Pose, soit respectivement 54 300 euros et 7 659 euros. Par suite, la décision du 1er octobre 2019 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permettent de la contester utilement.

12. Par ailleurs, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. Toutefois, l'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Par suite, la société Inge Pose ne peut utilement soutenir que la décision du 6 janvier 2020 par laquelle l'OFII a rejeté son recours gracieux serait insuffisamment motivée.

13. En deuxième lieu, l'article L. 8251-1 du code du travail dispose que : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article

L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. -Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article

L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à

1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

14. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement.

15. Il résulte de l'instruction et il est constant qu'à l'occasion d'un contrôle effectué le 18 mars 2019 sur le chantier de rénovation de l'Hôtel Amiot (Paris Xème), les services de l'inspection du travail ont constaté la présence en action de travail de trois ressortissants ivoiriens démunis de titre les autorisant à séjourner en France et à y travailler. La matérialité des infractions est par conséquent établie.

16. Il résulte de ce qui précède, et dès lors que les infractions prévues aux articles L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 8251-1 du code du travail sont constituées du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers en situation de séjour irrégulier et démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, que la société requérante ne peut utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel, ni sa prétendue bonne foi, ces circonstances étant sans effet sur la matérialité de l'infraction.

17. En troisième lieu, la circonstance qu'aucune poursuite pénale à l'encontre de la société Inge Pose n'ait été à ce jour menée à son terme, est sans incidence sur le bien-fondé de l'application des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge dès lors que le directeur général de l'OFII peut sanctionner l'employeur d'un étranger en situation irrégulière sans attendre l'issue d'éventuelles poursuites pénales, lorsqu'après avoir recueilli les observations de l'intéressé, il estime que les faits sont établis. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe de la présomption d'innocence doit être écarté.

18. En quatrième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que le procès-verbal d'infraction dressé le 18 mars 2019 mentionne, outre l'infraction de " travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié " celle de d'" emploi d'étranger non muni d'une autorisation de travail salarié ". D'autre part, la société appelante n'établit pas avoir acquitté les salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code. Contrairement à ce qu'elle soutient, elle ne remplit donc aucune des deux conditions posées par les dispositions de l'article R.8253-2 du code du travail pour l'application du montant réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu par l'article L.8253-1 du même code.

19. Les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et celles de l'article R. 8253-2 du même code n'autorisent l'administration à minorer le montant de la contribution spéciale que dans le cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6 du même code. Ainsi, le moyen tiré des difficultés financières que rencontrerait la société ne peut être utilement soulevé pour demander la modulation des contributions mises à sa charge et ne peut, par conséquent, qu'être écarté.

S'agissant du montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement du salarié étranger dans son pays d'origine :

20. Les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine à la justification par l'administration du caractère effectif de ce réacheminement. Par suite, la circonstance que l'administration n'aurait pas justifié du réacheminement des travailleurs en situation irrégulière employés par la société appelante est sans incidence sur la légalité de la contribution litigieuse.

Sur les conclusions à fin d'annulationdu titre de perception :

21. Si dans ses mémoires enregistrés le 8 avril 2022 et le 6 juin 2022, la société appelante soutient que le titre de perception est irrégulier et doit être annulé, ces conclusions sont nouvelles en appel, et par suite, irrecevables.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Inge Pose n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la société Inge Pose au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Inge Pose est rejetée.

Article 2 : La société Inge Pose versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inge Pose et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 15 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

N° 21PA03990 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03990
Date de la décision : 06/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DEBORD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-06;21pa03990 ?
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