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17/03/2023 | FRANCE | N°21PA05387

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mars 2023, 21PA05387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Rasi a demandé au tribunal administratif de Paris de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1918492 du 13 août 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 octobre 2021 et 14 février 2022, la SAS Rasi, représe

ntée par Me Derouin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1918492 du 13 août 2021 du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Rasi a demandé au tribunal administratif de Paris de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1918492 du 13 août 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 octobre 2021 et 14 février 2022, la SAS Rasi, représentée par Me Derouin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1918492 du 13 août 2021 du tribunal administratif de Paris et de la décharger des suppléments d'imposition en litige ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 171 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement a méconnu le principe du contradictoire pour avoir résolu le litige sur un terrain juridique, celui des règles de déduction des provisions pour pertes et charges futures, qu'aucune des parties n'avait invoqué.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- c'est à tort que l'administration a considéré que l'avance de trésorerie qu'elle a consentie, moyennant intérêts, à sa filiale roumaine, constituait un acte anormal de gestion ;

- elle justifie de ce que les écarts de comptabilisation, en tout état de cause mineurs, de la créance litigieuse dans sa comptabilité et dans celle de sa filiale roumaine ne procèdent que de simples erreurs ;

- elle justifie également de la dépréciation des terrains dont l'achat a été financé par cette avance de trésorerie et de ce que ces terrains constituaient l'unique actif de sa filiale roumaine de sorte que la déduction d'une provision pour créance douteuse était, au vu de l'insolvabilité du débiteur, pleinement justifiée.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 3 janvier et 7 décembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qu'y soulève la société Rasi sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Derouin pour la SAS Rasi.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Rasi, détenue par les époux C... et leurs trois enfants, a signé le 31 décembre 2008 avec la société de droit roumain Rasic Invest, dont elle détient 70 % des parts, les 30 % restants étant détenus par M. B... C..., fils des époux C..., une convention par laquelle elle lui a consenti une avance de trésorerie d'un montant de 1 285 600 euros rémunérée au taux de rendement des SICAV de la BNP, régularisant ce faisant les transferts de fonds effectués aux mois de janvier et février 2008. Cette avance visait à financer l'achat de terrains situés dans la région balnéaire de Corbu (Roumanie) en vue de leur lotissement par la société Rasi Invest. Estimant toutefois que le recouvrement de sa créance revêtait un caractère douteux, la société Rasi a provisionné, au titre du risque de non-recouvrement, les sommes de 674 781 euros en 2009, 3 228 euros en 2010, 339 004 euros en 2011 et 356 387 euros en 2012, soit, au final, la totalité de l'avance de trésorerie majorée des intérêts qu'elle aurait dû percevoir.

2. A l'issue de la vérification de comptabilité de ses exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013, l'administration a, par proposition de rectification du 31 juillet 2015, rehaussé le résultat de la SAS Rasi de l'exercice 2012, premier exercice non prescrit, de la totalité des sommes provisionnées au titre de la créance douteuse qu'elle détenait sur la société Rasi Invest. Elle s'est, pour ce faire, fondée sur l'appréciation selon laquelle ces provisions n'étaient pas déductibles dès lors, d'une part, que l'avance consentie à la société Rasi Invest était constitutive d'un acte anormal de gestion et, d'autre part, que les conditions de déduction prévues au 5° de l'article 39 du code général des impôts n'étaient pas réunies dès lors que ces provisions n'étaient certaines ni dans leur montant, ni dans leur principe. Par sa requête, la SAS Rasi demande à la Cour d'annuler le jugement du 13 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 en conséquence du rejet de la déduction de ses provisions pour créance douteuse.

Sur la régularité du jugement :

3. La SAS Rasi soutient que le jugement est irrégulier en ce que s'étant fondé sur une jurisprudence relative aux conditions de déduction des provisions pour pertes et charges futures sur opérations en cours dont les parties n'avaient pas débattu, il a méconnu le principe du contradictoire. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration avait invoqué, dans la proposition de rectification, outre la circonstance que les provisions pour créance douteuse n'étaient pas déductibles dès lors que la créance trouvait son origine dans un acte anormal de gestion, un second motif tiré de la non-déductibilité des provisions au regard des dispositions du 5° de l'article 39 du code général des impôts et que c'est sur ce second fondement, discuté par les parties dans leurs écritures de première instance, que les premiers juges ont rejeté la demande de la société Rasi. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " et aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".

5. Il résulte des dispositions combinées de ces deux articles, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, et notamment des pertes sur les créances devenues définitivement irrécouvrables à la clôture d'un exercice postérieur à celui de leur inscription valable à l'actif du bilan, ainsi que des provisions destinées à couvrir un risque de non-recouvrement que des événements rendent probable au cours des exercices à la clôture desquels ces provisions sont constituées ou maintenues. Dans tous les cas, il incombe au contribuable, en application de ces dispositions, d'apporter des éléments permettant de reconnaître, avec certitude, un caractère définitivement irrécouvrable aux créances en cause à la clôture de l'exercice considéré et de justifier ainsi la constatation d'une perte, ou de fournir des éléments permettant d'établir, avec un degré de probabilité suffisant, un risque de non-recouvrement des créances à la clôture de l'exercice, et d'exprimer, avec une approximation suffisante, dans quelle proportion le recouvrement de ces créances est devenu douteux, et de justifier ainsi, dans son principe et son montant, la constitution ou le maintien d'une provision à la date de la clôture de l'exercice.

6. D'autre part, et ainsi que le législateur l'a codifié au 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, lorsqu'une provision figure au bilan d'ouverture du premier exercice sur lequel peut s'exercer le droit de reprise de l'administration, celle-ci est fondée, lorsqu'à la clôture de cet exercice, ladite provision apparaît comme illégalement constituée, à la rapporter aux résultats du même exercice.

7. Pour justifier la constitution des provisions en litige, la société Rasi soutient que la crise financière mondiale déclenchée à l'automne 2008 a fait éclater la bulle immobilière roumaine en sorte que le projet de station balnéaire à Corbu n'a pas vu le jour et que les terrains acquis par sa filiale sont demeurés agricoles et que c'est dans ces conditions, dès lors que les terrains constituaient le seul actif de la société Rasi Invest, qu'elle a provisionné progressivement le montant total de sa créance, en principal et intérêts courus au cours des années 2009 à 2012, à hauteur d'un montant de 1 373 400 euros figurant au bilan de l'exercice 2012. S'il est vrai que l'appelante justifie, pour la première fois en appel, que les terrains acquis à Corbu étaient les seules immobilisations de sa filiale roumaine, dont la solvabilité se trouvait nécessairement liée à la valeur de ces derniers dès lors qu'elle ne dégageait par ailleurs pas de recettes d'exploitation, elle se borne toutefois à produire, pour établir la dépréciation des terrains en cause entre 2009 et 2012, une étude d'audit sommaire réalisée plusieurs années plus tard, le 24 juin 2015, et valorisant à cette date, à partir de trois comparables, les terrains à la somme de 27 200 euros. Cette seule étude, notoirement postérieure aux exercices litigieux, ne permet pas de justifier, à la clôture l'exercice 2012, de la probabilité de la perte de valeur desdits terrains sur la période comprise entre la date d'acquisition des terrains et celle de la clôture de cet exercice non plus, surtout, que de son étendue. Par suite, et au seul motif que les provisions litigieuses ne répondaient pas aux conditions prévues au 5° de l'article 39 du code général des impôts, l'administration était fondée à rehausser de leur montant le résultat de la société Rasi au titre l'exercice 2012.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Rasi n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012. Ses conclusions à fins de décharge présentées devant la Cour doivent par suite être rejetées, de même que, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Rasi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Rasi et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2023.

Le rapporteur,

G. A...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA0538702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05387
Date de la décision : 17/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : DEROUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-17;21pa05387 ?
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