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31/03/2023 | FRANCE | N°21PA06018

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 31 mars 2023, 21PA06018


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, l'a privé du bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2115718 du 20 octobre 2021, l

e magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du préfet de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, l'a privé du bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2115718 du 20 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du préfet de police en date du 21 juillet 2021, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2115718 du 20 octobre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la présence de M. B... en France représente une menace pour l'ordre public ;

- aucun des autres moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Lannaud Navarro, conclut au rejet de la requête du préfet de police.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé Mme Lorin, rapporteure publique désignée en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri ;

- et les observations de Me Lannaud Navarro, avocate de M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 9 mars 2023, a été présentée pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 juillet 2021, le préfet de police a obligé M. B..., ressortissant philippin né le 9 septembre 1984, à quitter le territoire français, l'a privé du bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du même jour, le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 20 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du préfet de police en date du 21 juillet 2021, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Les documents produits par M. B..., à savoir, en particulier, des ordonnances médicales, des demandes d'admission à l'aide médicale d'Etat, des cartes individuelles d'admission à l'aide médicale d'Etat, des ordonnances médicales, des documents émanant d'EDF, notamment des factures, ainsi que diverses factures d'achat à son nom sont, par leur grand nombre, leur objet et leur cohérence, de nature à justifier qu'il a effectivement résidé sur le territoire français à compter du mois de septembre 2015. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a entretenu une relation avec Mme D., ressortissante philippine titulaire d'une carte de séjour valable entre le 28 octobre 2019 et le 27 octobre 2021, et que de cette relation est née une fille, le 2 novembre 2016. M. B... établit la réalité de la communauté de vie avec Mme D. jusqu'à la date de l'arrêté attaqué, en produisant des courriers adressés conjointement à l'un et à l'autre d'entre eux, tels qu'une attestation d'assurance, datée du 19 mars 2021, un calendrier de paiement émanant d'EDF, daté du 10 mai 2020, ainsi que divers documents à son nom, ou au nom de Mme D., comportant la même adresse. Par ailleurs, le requérant produit également, d'une part, une attestation, datée du 24 mars 2021, de la directrice de l'école maternelle au sein de laquelle était scolarisée sa fille, indiquant qu'il l'accompagne et vient la chercher, et d'autre part, un formulaire intitulé " justificatif de déplacement scolaire ", renseigné le 2 novembre 2020 par lui-même pour justifier, dans le cadre de l'application du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, des déplacements effectués pour accompagner sa fille à l'école, et portant la signature de la directrice de cette école ainsi que le tampon de l'école. M. B... produit également une attestation de Mme D., datée du 23 juillet 2021, indiquant qu'il participe à l'éducation de sa fille. Si le préfet de police soutient que la communauté de vie avec Mme D. a cessé, il ressort des pièces du dossier que cette séparation est postérieure à l'obligation de quitter le territoire français en litige, laquelle a été prononcée à la suite de son interpellation pour des faits de violence commis à l'encontre de Mme A... ailleurs, si le préfet de police soutient que M. B... a été interpellé le 21 juillet 2021 pour les faits de violence mentionnés précédemment, et que sa présence en France constitue, par conséquent, une menace pour l'ordre public, ces seuls faits, eu égard à leur caractère ponctuel et isolé, ne sauraient constituer un motif suffisamment grave pour que l'obligation de quitter le territoire français opposé à M. B... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Dès lors, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 21 juillet 2021.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06018 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06018
Date de la décision : 31/03/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LORIN
Avocat(s) : LANNAUD NAVARRO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-03-31;21pa06018 ?
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