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31/03/2023 | FRANCE | N°22PA04843

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 31 mars 2023, 22PA04843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités danoises aux fins d'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2219973 du 26 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en ses articles 1er à 3, annulé l'arrêté contesté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédur

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités danoises aux fins d'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2219973 du 26 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en ses articles 1er à 3, annulé l'arrêté contesté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2219973 du 26 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2023, M. A..., représenté par Me Laprès, conclut au rejet de la requête du préfet de police, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ainsi que l'imprimé mentionné à l'article R. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Laprès, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant chinois né le 12 février 2000, a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile. Par un arrêté du 12 septembre 2022, le préfet de police a décidé le transfert de M. A... aux autorités danoises. Par un jugement du 26 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en ses articles 1er à 3, annulé l'arrêté contesté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée [...] même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement [...] ".

3. Pour annuler l'arrêté en litige comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 504/2013 du 26 juin 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance qu' " une bonne administration de la justice implique que les autorités, françaises, qui ont accordé au père du requérant le statut de réfugié, se prononce également pour les mêmes faits sur la demande de son fils M. F... A... ". D..., alors qu'il ressort des pièces du dossier que le père de M. A..., entré en France en décembre 2017, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 26 juin 2019, eu égard à ses opinions politiques et aux persécutions qu'il a subies en répression de son opposition au régime, M. A... n'établit pas que les menaces auxquelles il serait lui-même exposé dans son pays d'origine seraient identiques à celles ayant justifié l'admission de son père au statut de réfugié, ni qu'il aurait lui-même subi des menaces ou des persécutions du fait des engagements ou des activités de son père, en se bornant à produire une attestation sommaire, rédigée par son père le 20 janvier 2023. Par ailleurs, si M. A... se prévaut d'un mémoire déposé par son père au soutien de la demande enregistrée en 2019 auprès de la CNDA, tendant à l'octroi du statut de réfugié, dans lequel il mentionnait les discriminations subies par " un fils " né d'un " premier mariage ", l'identité de ce fils n'était alors pas précisée. Par ailleurs, si M. A... soutient que son père aurait souhaité apporter son témoignage au soutien de sa demande, il n'apporte aucun élément permettant d'établir que ce dernier ne pourrait pas déposer un témoignage écrit auprès des autorités danoises. Par suite, et alors même que M. A... ne possèderait aucune attache au Danemark et qu'il aurait toujours eu l'intention de résider en France, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 12 septembre 2022 portant transfert de M. A... aux autorités danoises était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. D..., il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés en première instance et devant la Cour par M. A... :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-00856 du 21 juillet 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial, le préfet de police a donné délégation à M. B... E..., attaché d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. En deuxième lieu, en application des dispositions de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

8. L'arrêté du 12 septembre 2022, par lequel le préfet de police a décidé le transfert de M. A... aux autorités danoises, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il indique qu'" il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. A... au moyen du système Visabio, effectuée conformément au règlement n° 603/2013 [...], que l'intéressé est entré sur le territoire français le 14 mai 2022 sous couvert d'un visa délivré par les autorités danoises le 11 janvier 2022, [...], que les autorités danoises ont été saisies le 5 juillet 2022 d'une demande de prise en charge en application de l'article 12-4 du règlement susvisé, [...] que les autorités danoises ont fait connaître leur accord le 1er septembre 2022 en application de l'article 12-4 du règlement susvisé [...] ". Par ailleurs, le préfet de police a précisé que " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ". Il a également relevé que " M. A... ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner au Danemark ", de sorte que " la présente décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect du droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention susvisée ". Enfin, l'arrêté contesté mentionne que " M. A... n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile ". Ainsi, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est donc suffisamment motivé.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... En particulier, si M. A... soutient que le préfet de police n'a pas fait état, dans les motifs de l'arrêté contesté, de la présence en France de son père, il n'établit pas avoir mentionné cette présence au cours de la procédure d'instruction de sa demande, le résumé de l'entretien individuel du 21 juin 2022 indiquant au contraire que " M. A... déclare n'avoir aucun autre membre de sa famille en France ni dans un autre Etat membre, ni en Islande, Norvège, Suisse ou au Liechtenstein ". Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement [...]. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 [...] ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la brochure dite " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' "), et la brochure dite " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' "), ont été transmises, en chinois, à M. A..., respectivement le 14 juin 2022 et le 21 juin 2022, ainsi qu'en attestent le tampon et la signature de l'intéressé, apposés sur la première page de ces brochures. Alors que ces documents ont été remis à M. A... en temps utile, il n'est pas établi qu'ils ne comportaient pas l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors qu'il est indiqué, au-dessus de la signature apposée par le requérant sur chacun des documents, le nombre de pages qu'ils comportaient. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié, le 21 juin 2022, d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture de police. Le préfet de police a produit un résumé de cet entretien individuel contenant les principales informations fournies par le demandeur à cette occasion. Il en ressort que cet entretien a eu lieu - par le biais d'un interprète qualifié de l'agence ISM interprétariat dont le nom, le prénom et l'adresse sont mentionnés - en chinois, langue que l'intéressé, qui a indiqué " avoir compris l'ensemble des termes " de l'entretien, ne conteste pas comprendre. Si M. A... soutient que la restitution de cet entretien serait " biaisée ", il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations. A cet égard, les circonstances, d'une part, que l'intéressé a déclaré, dans un entretien avec l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), résumé dans une " fiche d'évaluation de vulnérabilité ", que son père résidait en France, et d'autre part, qu'il a rempli une déclaration de domiciliation en faisant état de l'adresse de son père, à compter du 27 juin 2022, ne permettent pas d'établir ses allégations concernant la restitution de son entretien individuel. Par ailleurs, la circonstance que le résumé de l'entretien individuel indique que M. A... a déclaré être entré clandestinement en France, alors qu'il fait état d'un visa en cours de validité jusqu'au 14 mai 2022, ne saurait davantage établir ses allégations. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". L'article 2 du même règlement énonce que : " Aux fins du présent règlement, on entend par : [...] / g) " membres de la famille " dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, / - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, / - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve [...] ".

15. M. A... soutient que son père possède le statut de réfugié en France. D..., M. A..., majeur, ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui ne s'appliquent qu'aux membres de la famille tels qu'ils sont définis par le g) de l'article 2 du même règlement, au nombre desquels ne figurent pas les parents d'un demandeur d'asile majeur. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que les autorités danoises ont répondu favorablement à la demande de prise en charge présentée par les autorités françaises, ainsi qu'en atteste le courrier du 1er septembre 2022, produit par le préfet de police. Par suite, et alors qu'en tout état de cause, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article 27 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le moyen tiré de la circonstance que les autorités danoises n'auraient pas donné leur accord à la prise en charge de M. A... doit être écarté.

17. En huitième lieu, aux termes de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice ". Aux termes de l'article 33 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. La protection de la famille est assurée sur le plan juridique, économique et social [...] ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

18. M. A... se prévaut de la présence en France de son père, de l'absence de toute attache familiale au Danemark, et de la circonstance qu'il dispose d'une promesse d'embauche. D..., M. A... a vécu séparé de son père entre 2017 et 2022. Par ailleurs, la promesse d'embauche qu'il produit ne comporte pas son nom. Ainsi, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions des article 9 et 33 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

19. Enfin, M. A... soutient que le préfet de police aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit en refusant de tenir compte de la présence en France de son père pour examiner sa demande d'asile. D..., il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que ces moyens doivent être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en ses articles 1er à 3, annulé son arrêté du 12 septembre 2022, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement n° 2219973 du 26 octobre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour tendant au prononcé d'une injonction sous astreinte et au versement d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de la formation de jugement,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 31 mars 2023.

Le rapporteur,

K. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04843 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04843
Date de la décision : 31/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : LAPRES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-31;22pa04843 ?
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