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18/04/2023 | FRANCE | N°21PA04889

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 18 avril 2023, 21PA04889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Travel Planet France a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme totale de 633 644,80 euros, correspondant aux sommes dues au titre des factures impayées et des factures payées après échéance.

Par un jugement n° 1809122 du 1er juillet 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 ao

t 2021, la société Travel Planet France, représentée par Me Peyronne, demande à la Cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Travel Planet France a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme totale de 633 644,80 euros, correspondant aux sommes dues au titre des factures impayées et des factures payées après échéance.

Par un jugement n° 1809122 du 1er juillet 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2021, la société Travel Planet France, représentée par Me Peyronne, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme totale de 633 644,80 euros avec intérêts au taux légal courant à compter du 25 mai 2018 et injonction de payer cette somme sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'EFS la somme de 10 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car il n'a visé et analysé qu'imparfaitement les conclusions des parties ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable ;

- elle est fondée à demander le paiement des factures impayées et des factures payées après échéance ainsi que des intérêts moratoires et des frais de recouvrement y afférents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, l'EFS, représenté par

Me Brault, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Travel Planet France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Travel Planet France sont infondés, en précisant à titre subsidiaire que la demande de la requérante souffre d'une autre irrecevabilité car elle n'a pas présenté de réclamation préalable.

Par une ordonnance du 26 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Peyronne pour la société Travel Planet Farnce.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement en date du 29 mars 2016, l'Etablissement français du sang (EFS) a conclu avec la société Travel Planet France un marché à bons de commande de prestations d'agence de voyage pour les collaborateurs de l'établissement dont les frais de déplacements professionnels sont pris en charge par l'EFS. Ce marché a été conclu pour une durée de deux ans reconductible expressément deux fois pour une période de douze mois. Toutefois, par une décision du 3 janvier 2018, l'EFS a prononcé la résiliation du marché en cause pour faute liée à sa mauvaise exécution, surfacturations, avec effet à compter du 26 janvier 2018, et a notifié à la société Travel Planet France, le 23 mars 2018, un décompte de résiliation faisant apparaître les sommes de 88 358,47 euros TTC au débit de la société requérante et 98 940,05 euros TTC à son crédit. Le 24 mai 2018, la société Travel Planet France a contesté ce décompte. La société Travel Planet France a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de l'EFS à lui payer la somme totale de 633 644,80 euros, correspondant aux sommes dues, d'une part, sur des factures impayées, soit 116 125,50 euros au titre des prestations impayées, 52 200 euros au titre des frais de recouvrement et 9 313,10 euros, au titre des intérêts moratoires et, d'autre part, sur des factures payées après échéance, soit 438 120 euros au titre des frais de recouvrement et 17 886,20 euros au titre des intérêts moratoires. Par un jugement du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme irrecevable. La société Travel Planet France relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, le jugement attaqué comporte l'analyse des conclusions et mémoires des parties et satisfait donc aux prescriptions de l'article R. 741 -2 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour méconnaissance dudit article doit donc être écarté.

3. En second lieu, l'EFS oppose au présent recours indemnitaire deux fins de non-recevoir dont l'une tirée du défaut de qualité à agir de la société Travel Planet France, l'ensemble des factures établies par ladite société en exécution du marché public résilié ayant été émis dans le cadre d'un contrat d'affacturage conclu avec la société Natixis Factor. L'EFS en conclut que la société Travel Planet France n'a pas qualité pour lui réclamer les sommes sollicités, la société Natixis Factor ayant été subrogée dans ses droits par l'effet du contrat d'affacturage conclu entre elles. Les premiers juges ont retenu cette fin de non-recevoir.

4. Aux termes de l'article 1.1 du contrat d'affacturage conclu entre la société Travel Planet France et la société Natixis Factor le 1er juillet 2016 : " Natixis Factor s'engage à mettre à la disposition un service complet d'affacturage en contrepartie du transfert effectif de propriété par voie de subrogation à son profit, des créances que ce dernier détient sur ses acheteurs. Celles-ci devront avoir un caractère certain, liquide, exigible à l'échéance. ". Aux termes de l'article 2.1 de ce contrat : " Le contrat d'affacturage s'appliquera à la totalité des Créances du Client sur ses Acheteurs en France métropolitaine, Guadeloupe, Martinique, Réunion et Guyane et inscrites dans la Balance-Acheteurs au jour de la première cession. ". Les articles 7.1.3, 7.1.4 et 7.1.7 dudit contrat stipulent que " Après validation par Natixis Factor de la Quittance Subrogative, Natixis Factor paiera, par inscription au crédit du Compte Courant, le montant des Créances, dont la propriété lui sera ainsi transférée. (...) Par cette inscription au crédit du Compte Courant, le Client subroge expressément Natixis Factor dans tous ses droits, actions et autres sûretés qu'il pourrait avoir sur les Acheteurs. " et " Outre ces causes exceptionnelles de remboursement, il demeure que le Client garantit l'existence des Créances qui lui seront payées et s'engage expressément à faire son affaire de toutes contestations ou litiges, faisant obstacle au paiement, même partiel, des Créances cédées, par les Acheteurs. ". Enfin, l'article 12.2.2.1 de ce contrat prévoit que : " Le Client est chargé de procéder au recouvrement, pour le compte de Natixis Factor, de l'intégralité des Créances cédées. "

5. Comme l'a rappelé le tribunal, le paiement subrogatoire effectué par l'affactureur à son adhérent en vertu d'une convention d'affacturage investit l'affactureur subrogé de la créance primitive de l'adhérent avec tous les avantages et accessoires qui s'y rapportent, dont le droit d'agir en justice pour en assurer le recouvrement.

6. Il résulte de l'instruction que, sur les factures émises par la société Travel Planet France, figure la mention suivante : " Pour être libératoire, le règlement de cette facture doit être libellé et adressée à : Natixis Factor (...) [qui] a acquis notre créance par voie de subrogation dans le cadre d'un contrat d'affacturage. Natixis Factor devra être avisé de toute réclamation ". Il s'ensuit que, conformément aux stipulations précitées du contrat d'affacturage conclu entre la société Travel Planet France et la société Natixis Factor et à la mention explicitement portée sur les factures, et alors que la société requérante s'est bornée, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, à adresser, sans aucune explication, des factures, des avoirs et des justificatifs de validation, correspondant, selon ses dires, soit à des factures impayées, soit payées après échéance et ne produit aucun document de nature à établir que la société d'affacturage ne lui aurait pas payé les sommes dues par l'EFS, Natixis Factor doit être regardée comme effectivement et intégralement subrogée dans les droits de la société adhérente, Travel Planet France, en particulier pour poursuivre le recouvrement des créances correspondantes.

7. S'il résulte des termes du contrat d'affacturage, notamment de son article 12, que la société Travel Planet France est chargée de procéder au recouvrement et à l'encaissement des créances cédées dans le cadre d'un mandat, pour le compte de la société Natixis Factor, en vue d'obtenir le recouvrement et l'encaissement des moyens de paiement sur le compte de l'affactureur, il est constant que le présent recours indemnitaire est introduit par la société Travel Planet France agissant en son nom propre et non pour le compte de son affactureur. Ainsi, n'agissant pas en qualité de mandataire de la société Natixis Factor, la société Travel Planet France ne dispose pas d'un intérêt pour demander que lui soient versées les sommes réclamées à l'EFS.

8. Si la société requérante se prévaut en appel de la circonstance que le contrat d'affacturage a été résilié avec date d'effet au 15 juillet 2018, la résiliation du contrat d'affacturage est donc intervenue postérieurement à la résiliation du marché lui-même qui est intervenue par une décision du 3 janvier 2018 avec effet au 26 janvier 2018. Comme le soutient l'EFS dans son mémoire en défense d'appel, à défaut pour la société Travel Planet France d'établir que les créances précédemment cédées à la société Natixis Factor sont redevenues sa propriété en raison de la résiliation du contrat d'affacturage, en identifiant précisément quelles seraient les créances qui seraient ainsi redevenues sa propriété, la résiliation du contrat d'affacturage ne saurait être regardée comme ne conférant plus à la société Natixis Factor qualité pour agir. Or, la société requérante n'a produit aucun mémoire en réplique à la suite de ce mémoire en défense.

9. Enfin, si la société requérante fait valoir que les intérêts de retard sont exclus du contrat d'affacturage et que cette créance ne saurait être cédée à Natixis Factor, les stipulations de l'article 4.6 du contrat, lesquelles indiquent que " le client fera son affaire personnelle de la facturation et de la perception auprès des acheteurs des intérêts de retard prévus dans ses conditions générales de vente " ne sauraient s'appliquer aux intérêts de retard dus sur le fondement du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), qui ne peuvent être assimilées aux conditions générales de vente de la société Travel Planet France, et sur le fondement du décret n°2013-269 du 29 mars 2013. Au demeurant, et en tout état de cause, la société Travel Planet France, qui a établi les factures d'intérêts moratoires, a dûment fait figurer sur celles-ci la mention de ce qu'elles devaient être réglées entre les mains de son affactureur, la société Natixis Factor.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Travel Planet France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme irrecevable. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

11. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Travel Planet France une somme de 1 500 euros en application du même article.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de la société Travel Planet France est rejetée.

Article 2 : La société Travel Planet France versera une somme de 1 500 euros à l'Etablissement français du sang au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Travel Planet France et à l'Etablissement français du sang.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04889
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS COUPE PEYRONNE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-18;21pa04889 ?
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