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15/05/2023 | FRANCE | N°22PA01804

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 mai 2023, 22PA01804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la délibération du 16 avril 2021 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle de Polynésie française a refusé de lui délivrer une carte professionnelle d'agent privé de sécurité, la décision implicite de rejet de la commission nationale d'agrément et de contrôle opposée à son recours administratif préalable formé le 14 juin 2021 ainsi que la délibération du 23 septembre 2021 par laquelle la com

mission nationale d'agrément et de contrôle a expressément rejeté son recours adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la délibération du 16 avril 2021 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle de Polynésie française a refusé de lui délivrer une carte professionnelle d'agent privé de sécurité, la décision implicite de rejet de la commission nationale d'agrément et de contrôle opposée à son recours administratif préalable formé le 14 juin 2021 ainsi que la délibération du 23 septembre 2021 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle a expressément rejeté son recours administratif préalable.

Par un jugement n° 2100428 du 1er mars 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 23 septembre 2021, a mis à la charge du conseil national des activités privées de sécurité la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2022, le conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Cano, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100428 du 1er mars 2022 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a annulé la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 23 septembre 2021 et a mis à sa charge la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A... présentées devant le Tribunal administratif de la Polynésie française tendant à l'annulation de la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 23 septembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n'est pas signée par le président, le rapporteur et le greffier ;

- le comportement de M. A... est incompatible avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité ;

- s'agissant des autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal, il renvoie à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 300 000 F CFP (2 514 euros) soit mise à la charge du conseil national des activités privées de sécurité au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- l'agent de la commission locale d'agrément et de contrôle de Polynésie française a été habilité à consulter le fichier du traitement des antécédents judiciaires par une décision du directeur de cabinet du Haut-commissaire de la République en Polynésie française qui n'avait pas délégation de signature en la matière.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Reis, représentant le conseil national des activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier reçu le 20 février 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'une carte professionnelle auprès de la délégation territoriale de Polynésie française du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Par une délibération du 16 avril 2021, la commission locale d'agrément et de contrôle de Polynésie française a rejeté sa demande. Le 23 juin 2021, M. A... a introduit un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de cette délibération devant la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS. Ce recours a donné lieu à une décision implicite de rejet. La commission nationale d'agrément et de contrôle a, par la suite, rejeté ce recours par une délibération n° 2021-08-05-061 du 23 septembre 2021, qui s'est substituée à la décision implicite de rejet. Le CNAPS relève appel du jugement du 1er mars 2022 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a annulé la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 23 septembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'un vice de forme, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. L'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure dispose : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents des commissions nationale et régionales d'agrément et de contrôle spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) / Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle est saisie d'une demande de délivrance d'une carte professionnelle pour l'exercice de la profession d'agent privé de sécurité, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.

6. Il ressort des termes de la délibération du 23 septembre 2021 que, pour rejeter le recours administratif préalable obligatoire présenté par M. A..., la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS s'est fondée sur les faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité commis le 22 octobre 2018 par l'intéressé à l'encontre de son épouse, laquelle a en outre dénoncé des faits de violence récurrents depuis plusieurs années. La commission a estimé que ces agissements graves et récents, contraires aux bonnes mœurs, étaient de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, laquelle constitue la mission principale susceptible d'être confiée à un agent privé de sécurité, et traduisaient de la part de l'intéressé une absence de maîtrise de soi alors qu'il est attendu de la part des agents privés de sécurité un comportement exemplaire.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de renseignement administratif de la gendarmerie de Papeete du 12 mars 2021, que l'épouse de M. A... a déposé plainte contre son mari pour des violences physiques commises à son encontre le 22 octobre 2018 lors d'une dispute. Elle a déclaré aux services de gendarmerie que son mari " l'avait attrapée et serrée par la gorge, l'avait giflée et lui avait pincé la cuisse " et que les violences étaient récurrentes depuis plusieurs années. M. A... a reconnu partiellement les faits commis le 22 octobre 2018 et a nié avoir infligé une gifle à son épouse. Il conteste également les faits de violence antérieurs au 22 octobre 2018. Ni les mentions du procès-verbal de renseignement du 12 mars 2021 qui reprennent les déclarations des intéressés, ni aucun autre élément du dossier ne permettent de tenir pour établir que M. A... aurait giflé son épouse et commis à son encontre des faits de violence depuis plusieurs années, ces derniers notamment n'ayant pas fait l'objet de plaintes ou de mains courantes de la part de son épouse. Dans ces conditions, la matérialité de la gifle portée par M. A... à son épouse et les faits de violence physique récurrents n'est pas établie et, par suite, ces faits ne pouvaient pas être retenus par la commission nationale d'agrément et de contrôle dans sa décision du 23 septembre 2021.

8. Il ressort également des pièces du dossier qu'à la suite des faits de violence commis à son encontre le 22 octobre 2018, l'épouse de M. A... a présenté une incapacité totale de travail d'une journée et que M. A... a fait l'objet d'un rappel à la loi prononcé par un officier de police judiciaire le 30 octobre 2018. Eu égard toutefois au degré de gravité et au caractère isolé de ces faits, commis dans un contexte de difficultés conjugales avant que ne soit prise par le couple la décision de divorcer, et même si ces faits étaient récents à la date de la décision contestée, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la commission nationale d'agrément et de contrôle avait fait une inexacte application des dispositions du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure en considérant que le comportement de M. A... n'était pas compatible, à la date de sa décision, avec l'exercice d'une activité privée de sécurité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le CNAPS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 23 septembre 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

10. M. A... n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme demandée par le CNAPS au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNAPS la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du conseil national des activités privées de sécurité est rejetée.

Article 2 : Le conseil national des activités privées de sécurité versera à M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au conseil national des activités privées de sécurité et à M. B... A....

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2023.

La rapporteure,

V. C... Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01804
Date de la décision : 15/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-15;22pa01804 ?
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