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28/06/2023 | FRANCE | N°22PA03142

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2023, 22PA03142


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 septembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires contre son bulletin de notation annuelle de l'année 2020 établi le 2 juin 2020 pour les activités au titre de la période du 1er juin 2019 au 31 mai 2020.

Par un jugement n° 2019189 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique qui n'a pas été comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 septembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires contre son bulletin de notation annuelle de l'année 2020 établi le 2 juin 2020 pour les activités au titre de la période du 1er juin 2019 au 31 mai 2020.

Par un jugement n° 2019189 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique qui n'a pas été communiqué, enregistrés les 10 juillet 2022 et 5 avril 2023, M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 28 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à l'administration d'établir un nouveau bulletin de notation annuelle conforme à ses réels mérites en supprimant les appréciations négatives portées sur le bulletin de notation 2020 aux termes desquelles il est indiqué que " décontenancé par le changement de chef de bureau et la mise en place consécutive de nouvelles consignes de travail, l'ADJ A... a sans nul doute les compétences pour retrouver son juste positionnement dans la hiérarchie " et en maintenant sa qualité des services rendus à minima à " excellent " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation manifeste des faits ainsi que de défaut d'examen ;

- son évaluation annuelle, qui n'a pas porté sur une période d'au moins 120 jours de présence effective, n'a pas été établie conformément aux dispositions de l'article R. 4135-5 du code de la défense ;

- sa supérieure hiérarchique n'a pu procéder à une évaluation objective de ses compétences professionnelles, compte tenu de la brièveté de leur collaboration limitée à dix-sept jours ;

- cette évaluation qui a été établie par sa supérieure directe sur la base de l'avis subjectif rendu par son adjoint, méconnaît le principe d'impartialité ;

- l'évaluation litigieuse du 28 septembre 2020 qui comporte une mention erronée de son grade, révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la ministre des armées a entaché cette évaluation d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste en appréciant ses mérites professionnels par comparaison avec les résultats obtenus par d'autres militaires et en opérant une confusion entre notation et avancement ;

- cette évaluation qui retient des griefs formulés à son encontre qui ne sont pas démontrés alors que la charge de la preuve incombe à l'administration et ne reflète pas ses mérites professionnels sur l'ensemble de la période de notation courant du 1er juin 2019 au 31 mai 2020, est entachée d'inexactitude matérielle et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses compétences professionnelles, préjudiciable au déroulement de sa carrière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de M. A....

Une note en délibéré, enregistrée le 30 mai 2023, a été présentée pour M. A... et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjudant de l'armée de terre, a été affecté au sein de la sous-direction des transports du service parisien de soutien de l'administration centrale (SPAC), au bureau mission prévention et sécurité routière, en qualité de chef de la section des moyens itinérants. A la suite de la notification le 1er juillet 2020 de son bulletin de notation annuelle établi au titre de la période du 1er juin 2019 au 31 mai 2020, il a saisi la commission des recours des militaires. Par une décision du 28 septembre 2020, la ministre des armées a rejeté son recours. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement par le lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient entaché le jugement attaqué d'erreurs de droit, d'erreur manifeste d'appréciation, ou de défaut d'examen pour en demander l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense : " Les militaires sont notés au moins une fois par an. / La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. / A l'occasion de la notation, le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir. (...) ". Aux termes de l'article R. 4135-1 du même code : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé. ". Aux termes de l'article R. 4135-5 du même code : " Le militaire est noté au moins une fois par an lorsqu'il a accompli au moins cent vingt jours de présence effective en position d'activité durant la période de notation. / La présence effective comprend les samedis, dimanches, jours fériés et les jours de permission, mais n'inclut pas les jours de congés pris par le militaire lorsqu'il est en position d'activité. / Le militaire qui n'a pas accompli ce nombre minimum de jours de présence effective n'est pas noté au titre de l'année considérée. Dans ce cas, sa dernière notation lui est conservée. (...) ".

4. En premier lieu, la notation contestée portait sur la période comprise entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020. M. A..., qui a été placé en congé maladie à compter du 16 octobre 2019, avait ainsi été présent pendant plus de cent vingt jours au cours de la période de référence qui, aux termes des dispositions précitées de l'article R. 4135-5 du code de la défense, inclut les jours de repos contrairement à ce qu'il soutient, soit les samedis, dimanches, jours fériés et de permission. M. A... qui n'établit pas, ni même n'allègue avoir déposé des jours de congés entre le 1er juin 2019 et le 15 octobre 2019, seuls susceptibles d'être soustraits à cette période, ne démontre pas que sa présence effective aurait été réduite à un seuil inférieur à celui fixé par les dispositions du code de la défense et susceptible de faire obstacle à sa notation annuelle.

5. En deuxième lieu, l'article L. 4135-1 du code de la défense, qui impose qu'un militaire soit reçu en entretien par son supérieur hiérarchique direct à l'occasion de la communication de sa notation annuelle, n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire que la notation des militaires implique l'ensemble des niveaux hiérarchiques. Ce processus d'élaboration de la notation des militaires a notamment pour objet de mettre les autorités de niveau supérieur à même de prendre en considération les appréciations portées par les autorités qui leur sont subordonnées et d'apporter les éléments d'harmonisation et de péréquation nécessaires à la cohérence d'ensemble de la notation des militaires, constituant d'ailleurs pour ces derniers une garantie. En l'espèce, il est constant que M. A... a été évalué par Mme B..., cheffe de bureau, supérieure hiérarchique directe et notatrice de premier degré de l'intéressé, sans que n'ait d'incidence sa prise de fonctions récente. Aucune disposition législative et réglementaire ne faisait par ailleurs obstacle à ce que la supérieure hiérarchique directe de l'intéressé recueille l'avis de son adjoint avant de porter une appréciation sur la manière de servir de M. A... au titre de la période de notation évaluée.

6. En troisième lieu, la décision de la ministre du 28 septembre 2020, prise sur recours administratif préalable obligatoire, s'est entièrement substituée à la décision initiale établissant la notation de M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que sa supérieure hiérarchique directe, notateur de premier degré, n'aurait pas justifié de l'impartialité requise en prenant en considération l'avis supposé nécessairement subjectif de son adjoint résultant d'un différend l'opposant à l'intéressé, est inopérant et en tout état de cause non établi. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que la notation de M. A... ait été fondée sur des éléments portés par M. C..., adjoint au chef de bureau, entachés d'inexactitude ou de partialité, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, au demeurant non établie, qu'un différend s'était établi entre le requérant et l'adjoint au chef de bureau.

7. En quatrième lieu, d'une part, la seule mention erronée du grade d'adjudant-chef attribué à M. A... qui détient celui d'adjudant, n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen de sa situation mais constitue en l'espèce une simple erreur matérielle qui est restée sans incidence sur l'appréciation portée par la ministre des armées sur la valeur professionnelle de l'intéressé. D'autre part, il résulte de cette évaluation que l'autorité hiérarchique a pris en considération les services accomplis par l'intéressé au titre de la seule période de référence comprise entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020 et il ne ressort pas des pièces du dossier que cette notation définitive n'aurait pas été prise à l'issue d'une appréciation complète et objective par la ministre des armées des qualités et mérites dont il a fait preuve au cours de cette période.

8. En cinquième lieu, la ministre des armées pouvait légalement et sans ajouter un critère d'évaluation supplémentaire ou opérer une confusion entre la notation en litige et la procédure d'avancement, exercer son pouvoir d'appréciation sur la manière personnelle de servir de M. A... en prenant en compte, pour émettre cette appréciation, les mérites comparés de l'intéressé et des autres sous-officiers du même grade.

9. En sixième lieu, la notation contestée du 28 septembre 2020 qui se prononce sur la valeur professionnelle de M. A... au titre de la période évaluée, n'a pas eu pour objet contrairement à ce qu'il soutient, de retenir des griefs formulés à son encontre. La circonstance que la ministre des armées n'ait pas fait droit à son recours préalable au regard des arguments et pièces qu'il avait présentés, ne saurait constituer un renversement de la charge de la preuve s'agissant de l'exactitude des faits servant de fondement à sa notation.

10. En septième lieu, il ressort de la décision contestée que la ministre des armées a relevé que la notation annuelle de M. A... comportait onze points évalués au niveau " fort ", un point au niveau " normal ", cinq au niveau " perfectible " et que les résultats obtenus au titre de la période de référence avaient été appréciés comme étant de très bon niveau, soit au-delà du niveau attendu pour un militaire de son grade et de son ancienneté. La décision retient que l'autorité notant au premier degré a estimé, dans son appréciation littérale, que l'intéressé avait pris à cœur son métier, avait accompli son travail avec application, disposait d'une aisance orale naturelle et qu'il possédait les compétences pour progresser dans la hiérarchie. La décision retient également que l'autorité notant au second degré a estimé que M. A... était un sous-officier attentif au bien-être de ses subordonnées. D'une part, la décision de la ministre des armées s'étant substituée à la notation initiale, l'intéressé ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision arrêtant sa notation définitive, que les appréciations portées par sa supérieure hiérarchique directe et notateur de premier degré, ne seraient pas pertinentes. D'autre part, et alors que des appréciations favorables portées sur la manière de servir d'un militaire ne justifient pas systématiquement l'attribution d'une note d'un niveau supérieur, il ne ressort ni des pièces versées au dossier et notamment des courriels produits à l'instance par M. A..., ni de la prise de fonctions récente de sa supérieure hiérarchique directe, ni d'un différend l'ayant opposé à son adjoint que la notation qui lui a été attribuée au titre de l'année 2020 reposerait sur des faits matériellement inexacts ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En dernier lieu, si la notation des militaires doit leur être communiquée avant l'intervention des tableaux d'avancement, elle ne constitue qu'un des éléments d'appréciation dans les promotions qui seront prononcées après inscription au tableau. M. A... ne démontre ainsi pas que la notation en litige aurait porté préjudice au déroulement de sa carrière.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 juin 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03142
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-28;22pa03142 ?
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