La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2023 | FRANCE | N°22PA02243

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 22 septembre 2023, 22PA02243


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 2001834 du 16 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et

un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mai 2022 et 9 février...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 2001834 du 16 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mai 2022 et 9 février 2023, Mme A..., représentée par Me Dhalluin, avocat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001834 du 16 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012 ; 2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ; - le droit de reprise de l'administration sur le fondement du 4ème alinéa de l'article L. 169 était prescrit à la date de la proposition de rectification ; les héritiers ne sont soumis à l'obligation de déclaration prévue par l'article 1649 A du code général des impôts qu'à compter du 1er janvier 2019, en application de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 ; - la notion de bénéficiaire économique mentionnée à l'article 344 A de l'annexe III du code général des impôts dans sa version issue du décret du 26 décembre 2018 pris pour l'application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ne peut lui être opposée s'agissant de la déclaration de revenus au titre de l'année 2012 ; - en abandonnant, par sa réponse aux observations du contribuable du 14 avril 2017, les redressements objet d'une première proposition de rectification, en date du 16 décembre 2015, l'administration a pris une position formelle au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales qui lui est opposable. Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2022, le ministère de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Dhalluin pour Mme A....

Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., mari de Mme D... A..., s'était vu attribuer des options sur titres (ou stock-options) de la société américaine Otis UTC. A la suite du décès de M. B... A..., survenu le 11 novembre 2011, il a été procédé à des opérations de levée puis de cession d'options de ces titres qui ont généré une plus-value globale d'un montant de 6 889 185 euros. Mme A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2012 à l'issue duquel l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification datée du 18 avril 2017, des suppléments d'imposition sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales à raison de la quote-part de la plus-value lui revenant ainsi qu'à sa fille C... A..., fiscalement à charge, pour un montant de 2 499 765 euros, taxée selon les dispositions combinées des articles 163 bis C, 1 et 200 A, 6 du code général des impôts, alors applicables, aux taux de 30 % et 41 %. Par un jugement n° 2001834 du 16 mars 2022 dont elle interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux contributions sociales, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondant auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012. Sur la régularité du jugement : 2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme A... ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation que les premiers juges auraient commises. Sur le bien-fondé des impositions : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) / Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du même code n'ont pas été respectées. (...) Le droit de reprise de l'administration concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées ". L'article L. 189 du même livre dispose que : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ".

4. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) ". Enfin, aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. (...) III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. Un compte est réputé être détenu par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci en est titulaire, co-titulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique. Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ". 5. Il ressort des travaux préparatoires de la loi de finances initiale n° 89-935 pour 1990 dont sont issues les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts que le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l'étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, s'agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d'une comptabilité et d'opérations bancaires pour lesquelles l'administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l'article L. 83 du livre des procédures fiscales. Eu égard à l'objet des dispositions en cause, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte. Ne constituent pas de telles opérations, d'une part, des opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes, et, d'autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte. 6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article 344 A de l'annexe III à ce code, dans leur version applicable, que l'obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire, ou sur lesquels il dispose d'une procuration, mais également sur les comptes qu'il a utilisés, notamment en qualité d'ayant-droit du titulaire, alors même que ces comptes seraient ouverts auprès ou au nom d'un tiers, ou qu'il n'en serait pas le bénéficiaire économique. 7. Pour contester le délai de reprise décennal retenu par l'administration résultant de la cession des options sur titres détenus par son époux sur un compte bancaire ouvert auprès d'une banque située aux Etats-Unis, Mme A... soutient qu'elle n'est ni titulaire de ce compte bancaire qui appartenait à son époux et qu'elle a recueilli ce compte dans le cadre de la succession, ni bénéficiaire d'une procuration, ni utilisatrice de ce compte. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme A... a été reconnue héritière des droits de son mari sur ce compte. Par ailleurs, la requérante a indiqué au service, à l'occasion des observations formulées le 18 février 2016 en réponse à la première proposition de rectification du 16 décembre 2015, avoir appris être la bénéficiaire effective de versements au titre d'options sur titres de la société Otis UTC, acquises par son ex-époux, effectués sur un compte ouvert aux Etats-Unis avant la fin de l'année 2012 et avoir donné l'ordre à ladite société de procéder à la levée puis à la cession des options sur titres Otis UTC. Au regard de ce qui précède, Mme A... doit ainsi être regardée comme ayant utilisé le compte titres correspondant. En outre, le compte a subi de fortes variations de solde entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2012, qui, positives ou négatives, ne peuvent s'assimiler respectivement à des intérêts ou paiement de frais de gestion pour tenue de compte. Ces circonstances suffisaient à elles seules à placer Mme A... sous le régime des obligations déclaratives de l'article 1649 A du code général des impôts, alors même qu'elle n'aurait été ni titulaire de ce compte, ni bénéficiaire d'une procuration, et n'aurait pas été la bénéficiaire économique des sommes que ce compte a générées. En l'absence de déclaration de ce compte ouvert à l'étranger dont elle disposait pour l'année 2012, conformément aux obligations fixées par les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, l'administration pouvait se prévaloir de la prescription décennale prévue par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, alors qu'en application de ces dispositions et de celles de l'article L. 189 du même livre, le fait générateur de la mise en œuvre de ce délai de reprise était constitué par la reconnaissance d'un compte non déclaré à la suite de l'engagement de la procédure de contrôle, et ce alors même que cette reconnaissance serait intervenue postérieurement à l'expiration du délai de reprise prévu au 1er alinéa de l'article L. 169 et que l'administration aurait eu connaissance de ce compte dans ce délai. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les gains résultant de la levée puis de la cession des options prises sur les titres de la société Otis UTC inscrits au compte mentionné au point précédent, intervenues immédiatement après le règlement de la succession de M. B... A..., étaient soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de la cession, soit en l'espèce au titre de l'année 2012, en application des dispositions de l'article 163 bis C, 1, et aux taux prévus par les dispositions de l'article 200 A, 6 du code général des impôts, alors applicables. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ". 10. Pour contester les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées par suite de redressements notifiés le 18 avril 2017 au titre de l'année 2012 après un contrôle sur pièces, Mme A... se borne à invoquer en appel, sur le fondement du premier alinéa de l'article L.80 B précité, la décision qui lui a été signifiée dans la réponse aux observations du contribuable en date du 14 avril 2017, par laquelle l'administration fiscale avait renoncé à maintenir les redressements qui lui avaient été notifiés le 16 décembre 2015. Cependant, alors même que cette renonciation serait intervenue au terme d'un délai de quatorze mois après la réception des observations du contribuable, et qu'elle était précédée de la mention " J'ai pris connaissance de vos observations ", cette décision n'était assortie d'aucune motivation expresse valant prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation de la situation de fait de Mme A... au regard du texte fiscal. Dès lors, Mme A... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de la décision avancée sur le fondement des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent ainsi être rejetées. Sur les dépens de l'instance : 12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête ou de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ". La présente instance n'ayant pas comporté de tels frais, les conclusions de la requérante tendant à l'application de cet article ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A... en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.D E C I D E :Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales (division du contentieux).Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Simon, premier conseiller, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 septembre 2023.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA02243 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02243
Date de la décision : 22/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS DHALLUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-22;22pa02243 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award