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27/09/2023 | FRANCE | N°22PA05427

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 septembre 2023, 22PA05427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des comptes rendus d'entretien professionnel dont il a fait l'objet au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2006460/6-3 du 20 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 décembre 2022 et 1er jui

n 2023,

M. B..., représenté par Me Isabelle Beguin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des comptes rendus d'entretien professionnel dont il a fait l'objet au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2006460/6-3 du 20 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 décembre 2022 et 1er juin 2023,

M. B..., représenté par Me Isabelle Beguin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2022 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'irrégularité de la notation de 2013 et de 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les notations de 2013 et de 2014 sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa manière de servir ;

- elles sont entachées d'un détournement de pouvoir ;

- elles sont fautives dès lors qu'elles résultent d'un harcèlement moral à son encontre ;

- l'irrégularité des notations lui a causé un préjudice d'avancement au grade de capitaine et a altéré sa santé.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il ne soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 17 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 juin 2023.

Un mémoire enregistré le 17 août 2023 a été présenté pour M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Beguin, représentant M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 20 septembre 2023, a été présentée pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par le jugement nos 1401125 et 1502274/5-1 du 7 décembre 2015, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé les comptes rendus d'entretien professionnel au titre des années 2013 et 2014 de M. A... B..., capitaine de police, alors affecté au commissariat du 4ème arrondissement de Paris, en qualité de chef de la brigade de police de secours de nuit, au motif que les entretiens n'avaient pas été menés par le supérieur hiérarchique direct de M. B.... Par un courrier du 21 décembre 2019, M. B... a formé une demande préalable indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions. Cette demande a été rejetée par un courrier du 12 mars 2020 du préfet de police. Par un jugement n° 2006460/6-3 du 20 octobre 2022, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande indemnitaire de M. B....

2. Aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable à l'espèce : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. / Toutefois, les statuts particuliers peuvent prévoir le maintien d'un système de notation. (...). ". Aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement sur une notice qui comporte : / 1. Une liste d'éléments d'appréciation non chiffrée permettant d'évaluer les qualités personnelles, professionnelles et les aptitudes manifestées dans l'exercice des fonctions ; / 2. Une grille de notation par niveau de 1 à 7 qui rend compte de la situation du fonctionnaire ; / 3. Une appréciation non chiffrée qui rend compte de l'évolution de la valeur du fonctionnaire. ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, d'une part, l'erreur manifeste d'appréciation invoquée par le requérant ne peut se déduire des seules différences à la baisse entre ses notations des années 2013 et 2014 et celle de l'année 2012, dès lors qu'à compter de septembre 2012, M. B..., jusque-là affecté dans un poste d'officier de soutien opérationnel à la direction centrale du renseignement intérieur, a pris des fonctions, nouvelles pour lui, de chef à la brigade de nuit du commissariat du 4ème arrondissement, sous l'autorité duquel était placé vingt-quatre fonctionnaires de police et deux agents administratifs. D'autre part, si M. B... fait valoir les bons résultats qu'il a obtenus en 2013 dans l'exercice de ses missions, les difficultés de management de son équipe, mentionnées dans les notations critiquées de 2013 et de 2014, ne sont pas sérieusement contestées par le requérant et sont mises en évidence, tant par l'enquête administrative du 23 novembre 2019, qui a procédé à l'audition de subordonnés et de supérieurs hiérarchiques de M. B..., que par les observations faites par l'intéressé lui-même sur sa notation 2014. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les notations en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa manière de servir.

4. En second lieu, aux termes l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa version alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :

/ 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ".

5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. M. B... soutient que les notations de 2013 et 2014 étaient illégales car elles manifestaient un harcèlement moral à son encontre et qu'elles étaient entachées d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elles visaient à le sanctionner. S'il fait valoir que le harcèlement moral dont il se dit victime serait la conséquence d'un refus d'obéir à des ordres en septembre 2012, il résulte toutefois de l'instruction que, lors de l'enquête administrative, l'intéressé a admis n'avoir jamais fait l'objet de propos ou comportements hostiles, hors de l'entretien du 23 octobre 2013 avec ses supérieurs hiérarchiques suite à sa demande de révision de sa notation pour l'année 2013. Cette notation lui avait été notifiée le 31 juillet 2013, soit antérieurement à cet entretien. Si durant cette entrevue, le comportement professionnel de M. B... a fait l'objet de critiques, certes en des termes brutaux, et qu'il lui a été intimé de demander à passer en service de jour pour que sa demande de rehaussement de sa notation soit acceptée pour sa partie chiffrée, ses supérieurs hiérarchiques n'ont fait aucune mention de son refus d'exécuter des ordres en septembre 2012, alors que les personnes présentes ignoraient que M. B... procédait à un enregistrement clandestin de leur conversation. Par ailleurs, M. B..., muté après sa promotion au grade de capitaine le 3 février 2014 sur le poste de chef adjoint à l'unité d'appui de proximité du commissariat du 4ème arrondissement, a en conséquence été évalué en 2014 par un autre notateur que les supérieurs hiérarchiques présents le 23 octobre 2013 et dans le cadre de l'exercice de fonctions sur un autre poste, sans qu'il n'établisse y avoir fait l'objet de comportements laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral dont sa notation serait une des manifestations. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que les notations de 2013 et 2014 résulteraient de comportements laissant présumer un harcèlement moral ou une volonté de le sanctionner.

7. Il résulte des points 3. et 6. du présent arrêt, que M. B..., qui ne soutient plus en appel devoir être indemnisé à raison de l'illégalité externe des notations 2013 et 2014 ayant motivé leur annulation par le Tribunal administratif de Paris le 7 décembre 2015, n'établit pas le caractère fautif de ces notations pour d'autres motifs justifiant qu'il soit indemnisé à raison de leur illégalité.

8. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par le ministre, qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

La rapporteure,

E. TOPIN

Le président,

I. BROTONSLe greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05427
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-27;22pa05427 ?
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