La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2023 | FRANCE | N°22PA01726

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29 septembre 2023, 22PA01726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le lycée du Gué à Tresmes et l'Etat à lui verser les sommes de 30 000 euros en réparation du préjudice d'éducation de son fils, 50 000 euros en réparation de la perte de chance de son fils d'obtenir un diplôme et d'exercer une activité professionnelle et 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Par un jugement n° 2001644 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.r>
Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2022, Mme B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le lycée du Gué à Tresmes et l'Etat à lui verser les sommes de 30 000 euros en réparation du préjudice d'éducation de son fils, 50 000 euros en réparation de la perte de chance de son fils d'obtenir un diplôme et d'exercer une activité professionnelle et 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Par un jugement n° 2001644 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2022, Mme B... C... et M. A... D..., représentés par Me Riou, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner solidairement le lycée du Gué à Tresmes et l'Etat à leur verser les sommes de 30 000 euros en réparation du préjudice d'éducation de A... D..., 50 000 euros en réparation de sa perte de chance d'obtenir un diplôme et d'exercer une activité professionnelle et 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge solidaire du lycée du Gué à Tresmes et de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'Etat et le lycée ont commis plusieurs fautes, liées à l'absence d'élaboration d'un projet personnalisé de scolarisation à la rentrée scolaire 2019-2020, de réunion de l'équipe pluridisciplinaire, de réunion de l'équipe de suivi de la scolarisation, de suivi des préconisations du projet personnalisé de scolarisation réalisé en 2017, d'application des mesures décidées par l'équipe de suivi de la scolarisation et de mesure pour aider A... D... à trouver un stage ;

- ces fautes ont causé un préjudice d'éducation à ce dernier qui peut être évalué à la somme de 30 000 euros, ainsi qu'une perte de chance de poursuivre sa scolarité et d'obtenir un diplôme à hauteur de 50 000 euros, et leur ont causé un préjudice moral à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2022, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'Etat n'a commis aucune faute ;

- l'absence de poursuite de ses études en BMA par A... D... ne résulte pas d'une prise en charge inappropriée.

Mme C... a été admise eu bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., né le 5 avril 2003, qui souffre de diabète et de troubles de déficit de l'attention et d'hyperactivité, a été scolarisé au titre des années scolaires 2018-2019 et

2019-2020 au lycée polyvalent du Gué à Tresmes de Congis-sur-Thé pour y préparer un certificat d'aptitude professionnel (CAP) " staffeur ornemaniste ". Par des courriers adressés au lycée et au recteur de l'académie de Créteil et reçus le 21 novembre 2019, sa mère,

Mme C..., a demandé la réparation des préjudices subis du fait de la mauvaise prise en charge du handicap de son fils. Mme C... et son fils, devenu majeur, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande d'indemnisation.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " (...) Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté (...) ". Aux termes de l'article L. 111-2 du même code : " Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l'action de sa famille, concourt à son éducation (...). Pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire (...) ". Il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, et, le cas échéant, de ses responsabilités à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif. Il s'ensuit que la carence de l'Etat à assurer effectivement le droit à l'éducation des enfants soumis à l'obligation scolaire est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 112-2 du code de l'éducation : " Afin que lui soit assuré un parcours de formation adapté, chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé a droit à une évaluation de ses compétences, de ses besoins et des mesures mises en œuvre dans le cadre de ce parcours, selon une périodicité adaptée à sa situation. Cette évaluation est réalisée par l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles. Les parents ou le représentant légal de l'enfant sont obligatoirement invités à s'exprimer à cette occasion. / En fonction des résultats de l'évaluation, il est proposé à chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé, ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire (...) ". Aux termes de l'article D. 351-5 du même code : " Un projet personnalisé de scolarisation définit et coordonne les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves présentant un handicap (...) / Le projet personnalisé de scolarisation est révisé au moins à chaque changement de cycle ou d'orientation scolaire ". Aux termes de l'article D. 351-6 de ce même code : " L'équipe pluridisciplinaire, mentionnée à l'article

L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, élabore le projet personnalisé de scolarisation, à la demande de l'élève handicapé majeur, ou, s'il est mineur, de ses parents ou de son représentant légal, et après avoir pris connaissance du projet de formation de l'élève et des conditions de déroulement de sa scolarité (...) ". L'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles figure au sein d'une section relative aux maisons départementales des personnes handicapées.

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées compétente d'élaborer, à la demande de l'élève majeur ou de son représentant légal, un projet personnalisé de scolarisation et de le réviser au moins à chaque changement de cycle ou d'orientation scolaire.

5. Il résulte de l'instruction que A... D... a été scolarisé à compter de l'année scolaire 2018/2019 au sein du lycée polyvalent du Gué à Tresmes de Congis-sur-Thé pour y préparer un CAP après avoir été scolarisé en troisième dans un autre établissement. Le projet personnalisé de scolarisation qui avait été élaboré au titre de l'année scolaire 2017-2018 aurait dû, compte tenu de ce changement de cycle, être révisé. Néanmoins, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le défaut de révision de ce plan et de réunion de l'équipe pluridisciplinaire lors de son changement de cycle, à le supposer fautif, relève de la maison départementale des personnes handicapées et ne peut en conséquence être de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 112-2-1 du code de l'éducation : " Des équipes de suivi de la scolarisation sont créées dans chaque département. Elles assurent le suivi des décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, prises au titre du 2° du I de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, et l'accompagnement des familles. / Ces équipes comprennent l'ensemble des personnes qui concourent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation et en particulier le ou les enseignants qui ont en charge l'enfant ou l'adolescent ainsi que les personnes chargées de l'aide individuelle ou mutualisée prescrite par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du même code. Le représentant de la collectivité territoriale compétente peut y être associé (...) ". Aux termes de l'article D. 351-10 du même code : " L'équipe de suivi de la scolarisation, mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 112-2-1, comprenant nécessairement l'élève, ou ses parents, ou son représentant légal ainsi que l'enseignant référent de l'élève, défini à l'article D. 351-12, facilite la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation et assure son suivi pour chaque élève handicapé. Elle procède, au moins une fois par an, à l'évaluation de ce projet et de sa mise en œuvre sous la forme d'un document défini par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de l'agriculture et des personnes handicapées (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que l'équipe de suivi de la scolarisation s'est réunie à trois reprises au cours de l'année scolaire 2019-2020, les 14 et 16 octobre 2019 et le 27 janvier 2020. Si ni Mme C..., ni A... D... n'étaient présents lors de ces réunions, il résulte de l'instruction que Mme C... a prévenu une heure avant le début de la réunion de son absence le 16 octobre 2019 et n'a pas prévenu de son absence le 27 janvier 2020. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la réunion de cette équipe sans Mme C... et son enfant n'est pas de nature à révéler une faute de l'administration. Par ailleurs, la circonstance que l'équipe a été réunie à la suite d'une ordonnance du juge des référés intervenue le 2 octobre 2019 est sans incidence sur l'existence de ces réunions.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de sa réunion du

16 octobre 2019, l'équipe de suivi de la scolarisation a décidé, faute de nouveau projet personnalisé de scolarisation révisé, de s'appuyer sur le document de mise en œuvre des aménagements établi par le collège où était scolarisé A... D... durant l'année scolaire 2017-2018, mais de le synthétiser en sept principes plutôt que de reprendre la cinquantaine de préconisations y figurant. Ces mesures ont été complétées à la suite de la réunion de l'équipe de suivi de la scolarisation du 27 janvier 2020. D'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, le document qui comportait une cinquantaine de préconisations n'était pas le projet personnalisé de scolarisation mais le document de mise en œuvre de ce projet. Dans ces conditions, la circonstance que l'ensemble de ces préconisations n'a pas été repris n'est pas, à elle seule, de nature à révéler que le projet personnalisé de scolarisation n'aurait pas été respecté. Au demeurant, compte tenu du changement de cycle de A... D..., des aménagements à ce projet devaient être apportés. D'autre part, en se bornant à se prévaloir de la réduction du nombre de mesures à sept, les requérants n'indiquent pas en quoi elles auraient été insuffisantes pour permettre une compensation efficiente du handicap de A... D....

9. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que les préconisations retenues par l'équipe de suivi de la scolarisation n'ont pas été appliquées, ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations alors qu'il résulte de l'instruction, en particulier des échanges de courriels entre les professeurs de A... D... et sa mère, que cet élève a fait l'objet d'une attention particulière de la part de ses enseignants dans sa prise en charge et dans la remise de ses devoirs.

10. En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, par son courrier du 22 février 2019, le proviseur du lycée n'a pas refusé d'accompagner A... D... dans la recherche d'un stage nécessaire à la validation de son année scolaire mais a indiqué à sa mère qu'il ne pouvait imposer un stagiaire à une entreprise alors que son enfant ne réunissait pas les prérequis pour ce stage. Cette appréciation est corroborée par les bulletins scolaires de

A... D... au titre de l'année scolaire 2018-2019 qui font état d'un manque d'implication, et par les documents intitulés " guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation " élaborés à la suite de la réunion de l'équipe de suivi de la scolarisation les

24 janvier 2019 et 24 juin 2019, qui soulignent que A... n'est pas prêt à suivre une période de formation en milieu professionnel de quatre semaines. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'au titre de l'année scolaire 2019-2020, pendant laquelle il a redoublé sa première année de CAP, A... D... a pu suivre un stage en entreprise.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'Etat dans la mise en œuvre du droit à la scolarisation de A... D..., qui a d'ailleurs obtenu son CAP à l'issue de sa scolarité. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner la matérialité des préjudices allégués, Mme C... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande. Par voie de conséquences, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... et M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. A... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Créteil et au lycée du Gué à Tresmes.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Briançon, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

C. BRIANÇON

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01726
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : RIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-29;22pa01726 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award